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Précisions sur la notion d’activité déclarée : attention à la technique utilisée. Par Christophe David, Avocat.
Parution : mardi 13 novembre 2018
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Les modalités techniques d’intervention de l’assuré dans le cadre de l’activité déclarée à son assureur peuvent le priver de garantie.
Analyse de l’arrêt rendu par la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation le 8 novembre 2018 (17-24488).

Les assureurs de responsabilité décennale sont parfois tentés de restreindre le secteur d’activité garanti à certaines techniques de construction bénéficiant d’une reconnaissance officielle par les organismes certificateurs. On sait, depuis longtemps, que l’assuré n’est garanti que pour le secteur d’activité déclaré à son assureur. Mais ce dernier a-t-il la possibilité, dans le périmètre de ce secteur de subordonner la mobilisation de sa police aux modalités techniques d’intervention de son assuré ?

La jurisprudence a longtemps considéré qu’une restriction de ce type serait en contradiction totale avec les articles L 241-1, L 243-8 et A 243-1 annexe 1 du Code des assurances lesquels, par leur lecture combinée, stipulent que le contrat d’assurance obligatoire de responsabilité décennale est réputé comporter des garanties au moins équivalentes à celles figurant à l’annexe précitée. Bref, dans le cadre de l’activité déclarée, toute clause qui subordonnerait la garantie à l’exercice d’une activité au moyen d’une technique exclusive validée par l’assureur devrait être réputée non écrite.

Jusqu’à présent, la Haute Cour était assez protectrice des intérêts des assurés.
Voir en ce sens : Cass 3eme civ 10 septembre 2008 (07-14884) ; Cass 1ere civ. 7 juillet 1993 (91-10071) ; Cass 3eme civ. 19 juin 2007 (06-14980) ; Cass 3eme civ. 9 juin 2004 (02-20292), pour ne citer qu’eux.

L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation du 8 novembre 2018 (17-24488) valide pourtant, sans ambiguïté aucune, la restriction relative au procédé utilisé dans le cadre de l’activité déclarée par l’assuré. Voilà l’exemple d’une police qui garantissait un assuré pour une activité d’étanchéité verticale et inclinée. On sait par expérience que les produits utilisés dans ce métier ne bénéficient pas toujours d’un avis technique ou d’une certification idoine. En quelque sorte, ils ne relèvent pas toujours d’une « technique courante ». Or la police d’assurance subordonnait la mobilisation de la garantie à l’utilisation d’un procédé spécifique, cité comme tel dans le contrat, bénéficiant, on s’en doute, des agréments réglementaires mais surtout de la bénédiction de l’assureur. Imprudent, l’assuré a utilisé un autre procédé que celui cité dans sa police d’assurance. La garantie lui est refusée par les juges du fond et son pourvoi est rejeté.

Sans que l’on n’en sache plus, il semblerait, aux dires de l’entrepreneur que les deux procédés (celui garanti, celui utilisé et non garanti) bénéficiaient des mêmes agréments professionnels. Peu importe en réalité puisque le périmètre de l’assurance est défini par les stipulations de la police et que l’assuré a dépassé ce périmètre, même s’il n’est pas discutable qu’il a utilisé une technique qui relève de son activité d’étanchéité. Un arrêt du 14 septembre 2005 (04-11486) avait déjà effleuré le principe mais pour une technique qui ne relevait d’aucun texte de référence.

En réalité, il faut désormais considérer que les assureurs sont bien fondés à subordonner l’exercice d’une activité à l’emploi de certaines techniques, à la condition qu’elles soient expressément stipulées, pensons-nous.
La Cour de Cassation ne dit pas autre chose, et il ne faudrait pas en déduire pour autant qu’une clause trop générale qui exclurait de la garantie une technique non traditionnelle aurait vocation à produire le même effet. Loin s’en faut, elle serait sans doute, en raisonnance de la jurisprudence citée plus haut, jugée beaucoup trop imprécise.

Il reste que l’assureur qui souhaite ne garantir qu’une technique particulière dans le cadre d’une activité qui lui est déclarée peut parfaitement le stipuler dans sa police et qu’il aura vocation, si son assuré ne respecte pas la consigne, à dénier sa garantie en invoquant la jurisprudence la plus récente de la Cour de Cassation. On gagne toujours à préciser les choses !

Christophe DAVID Avocat au barreau de Rennes Spécialiste en droit immobilier