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Assurance des catastrophes naturelles : vers une réforme. Par Virginie Miré, Avocat.
Parution : mercredi 14 novembre 2018
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Le système actuel d’assurance et d’indemnisation des conséquences des catastrophes naturelles est régi par une loi du 13 juillet 1982. Cette loi, dont l’efficacité a été éprouvée, est néanmoins confrontée aux enjeux liés au réchauffement climatique, et à la perspective d’une multiplication des phénomènes naturels catastrophiques. Le Président de la République a annoncé, lors de son déplacement à Saint-Martin, à la fin du mois de septembre 2018, qu’une réforme du régime actuel d’indemnisation des catastrophes naturelles serait présentée, ce au plus tard à l’été 2019.

Le régime actuel de l’assurance des catastrophes naturelles.

L’assurance des catastrophes naturelles a été mise en place pour faire peser sur la collectivité un risque jugé non assurable.

Grâce au système mis en place par la loi du 13 juillet 1982, les risques relatifs aux catastrophes naturelles sont pris en charge par les assureurs, ceux-ci se réassurant pour partie auprès de la caisse centrale de réassurance, laquelle bénéficie d’une garantie illimitée de l’État.

Les règles relatives à l’assurance des risques de catastrophes naturelles sont fixées par les articles L125-1 et suivants du Code des assurances.

Ce texte définit ainsi les évènements catastrophiques soumis au régime prévu par le Code des assurances : « Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».

Les catastrophes naturelles ouvrant droit au régime légal font donc l’objet d’une définition légale générale, et, contrairement à ce qui existe dans d’autres pays, ne sont pas énumérées.

Selon l’article L 125 – 1 du code des assurances, les contrats d’assurance de biens (sont en effet visés par la loi : « les contrats d’assurance…/… garantissant les dommages d’incendie tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages au corps de véhicules terrestres à moteur ) doivent comporter une garantie couvrant l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles.

En ce qui concerne le contenu des garanties d’assurances contre les catastrophes naturelles, il est défini par les clauses type obligatoires prévues par l’article A 125 – 1 du code des assurances.

La garantie d’assurances des catastrophes naturelles n’est due qu’après que l’état de catastrophe naturelle ait été constaté par un arrêté interministériel déterminant les zones, les périodes, et la nature des dommages concernés.

La prévention des catastrophes naturelles.

En amont de cette réparation, la loi prescrit la mise en œuvre de mesures destinées à éviter la survenance de catastrophes naturelles.

L’instrument principal prévu par la loi pour la prévention des catastrophes naturelles sont les Plans de prévention des risques naturels prévisibles.

Ceux-ci, prescrits par arrêté préfectoral, sont régis par les articles L562 – 1 et suivants du Code de l’environnement.

L’article L562-1 du Code de l’environnement prévoit que « l’État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones ».

Ces plans ont pour objet de délimiter les zones exposées au risque de catastrophes naturelles et de définir « les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde » devant être prises dans ces zones.

Selon l’article L 125 – 6 du Code des assurances : « Dans les terrains classés inconstructibles par un plan de prévention des risques naturels prévisibles…/… l’obligation prévue au premier alinéa de l’article L 125 – 2 ne s’impose pas aux entreprises d’assurances à l’égard des biens et activités mentionnés à l’article L 125 – 1, à l’exception toutefois, des biens et des activités existants antérieurement à la publication de ce plan ».

Ainsi, pour les constructions édifiées dans des zones classées inconstructibles, après la publication d’un Plan de prévention des risques naturels prévisibles pour la zone concernée, les assureurs pourront ne pas accorder de garantie d’assurance.

Les propositions de réforme.

Lors de sa visite à Saint-Martin, le Président de la République a annoncé qu’un projet de réforme de l’assurance des catastrophes naturelles serait présenté pour l’été 2019.

Toutefois, les détails de la réforme annoncée ne sont pas connus.

Des pistes ont cependant été dessinées par la Fédération Française de l’Assurance, laquelle exposait ses craintes dans une étude de 2015, intitulée « Changement climatique et assurance à l’horizon 2040 » [1].

Selon cette étude, les dégâts dus aux catastrophes naturelles, dans les 25 prochaines années, seront de 90 % supérieurs à ceux constatés dans les 25 dernières années.

Dans une seconde étude, publiée en 2016, et intitulée «  Livre blanc pour une meilleure prévention et protection contre les aléas naturels » la Fédération Française de l’Assurance formulait des propositions de réforme (Cette étude est également disponible sur le site Internet de la Fédération Française de l’Assurance).

Les pistes évoquées dans ce rapport ont notamment les objectifs suivants :
- Améliorer la prévention et l’information.
Il est proposé d’améliorer la prévention des risques liés aux catastrophes naturelles, notamment en prescrivant diverses mesures relatives à l’élaboration et au suivi des Plans de prévention des risques naturels prévisibles et Plans de prévention des risques littoraux, ainsi qu’à l’information relative à ces risques.

- Améliorer les constructions.
En rendant obligatoires les diagnostics des sols lors de toute construction ou cession de terrain construit ou inconstructible sur les zones à risques ;
En revoyant les documents techniques unifiés pour y intégrer les précautions à prendre dans les zones à risques ;
En refusant systématiquement, en l’absence de Plan de prévention des risques naturels prévisibles, les permis de construire pour les projets de construction dans des zones à risques.

- Préciser le périmètre de la garantie des catastrophes naturelles, en énumérant la liste des périls couverts à ce titre, et en indiquant la gravité requise pour qu’ils puissent donner lieu à une prise en charge par l’assurance ;

- Transférer la prise en charge de certains sinistres à l’assurance construction.
Il est en effet proposé de restreindre le périmètre de la garantie des catastrophes naturelles, en transférant l’indemnisation des sinistres résultant de la sécheresse au régime de l’assurance de responsabilité décennale construction pour toute construction nouvelle répondant à l’obligation d’étude des sols.

Au-delà de 10 ans, c’est-à-dire lorsque l’assurance de responsabilité décennale des constructeurs ne jouera plus, l’intervention de l’assurance de catastrophes naturelles sera limitée aux seuls dommages d’atteinte à la solidité de la structure du bâtiment.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’utilisation de l’indemnité d’assurance reçue de l’assureur de responsabilité décennale, le principe est celui de la libre affectation.

Il est toutefois prévu une exception à ce principe par l’article L 121 – 17 du code des assurances : en vertu de ce texte, l’indemnité reçue au titre d’un dommage subi par un immeuble du fait d’une catastrophe naturelle doit être utilisée pour la remise en état de cet immeuble.

Il est proposé que ceci soit élargi, et que soit rendue obligatoire l’affectation par l’assuré de l’indemnité versée par un assureur de responsabilité décennale à la remise en état de l’immeuble ou de son terrain d’assiette, en cas de reconstruction sur place.

Virginie Miré Miré Blanchetière - Avocats avocats@cabinet-mb.fr

[1Cette étude est disponible sur le site Internet de la Fédération Française de l’Assurance : www.ffa-assurance.fr.