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Le syndrome du bébé secoué ou la maltraitance infantile longtemps ignorée. Par Natacha Haleblian, Avocate.
Parution : lundi 19 novembre 2018
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Longtemps ignoré et innommé, le syndrome du bébé secoué est un type de maltraitance infantile qui a été diagnostiqué il y a un peu plus de 20 ans. Si l’autorité judiciaire s’est saisie de ces comportements pour les réprimer, force est de constater que les qualifications ne sont pas toujours adaptées et le nourrisson victime pas toujours indemnisé.

Chaque année, 30% des nourrissons victimes du syndrome du bébé secoué décèdent.

Depuis un peu plus de 20 ans, la médecine a posé un diagnostic sur ce type de maltraitance infantile spécifique commise par un parent ou un gardien sur un nourrisson dont la majorité ont moins d’un an ; maltraitance que l’on nomme communément « le syndrome du bébé secoué ».

Ce syndrome n’est pas synonyme de maladie infantile ou génétique. C’est un terme simplifié utilisé pour faire référence à un « coup de fouet cervical » infligé à un bébé.

Il est la résultante d’un secouement violent ou de secouements répétés sur le nourrisson, autrement dit il s’agit de violences, lesquelles ne se confondent pas avec une chute au cours d’une activité ou d’un jeu.

Ce syndrome est qualifié comme tel par le corps médical en présence de une ou plusieurs des lésions suivante : des lésions cérébrales (hématomes sous-duraux), des lésions osseuses (thorax, os longs), des lésions ophtalmologiques (hémorragies rétiniennes) et des lésions rachidiennes cervicales.

Si le corps médical a réussi à donner un nom à cette maltraitance longtemps innommée, comment le corps judiciaire a réussi à appréhender ces comportements répréhensibles ?

I - La répression du syndrome du bébé secoué.

Le syndrome du bébé secoué n’est pas réprimé en droit pénal français par une qualification pénale spécifique.

C’est au regard des qualifications juridiques actuelles prévues par le Code pénal que les juridictions répressives ont dû déterminer celle qui était la plus opportune pour réprimer ces violences.

La jurisprudence a pu hésiter et se montre encore parfois indécise, tant elle oscille entre les qualifications pénales de blessures involontaires, homicide involontaire, homicide volontaire ou violences aggravées.

En réalité, c’est sous l’angle de l’élément moral, soit de l’intention de l’auteur que le choix se portera sur telle infraction plutôt qu’une autre.

A ce titre, les cas de « bébés secoués » ont montré que la qualification d’homicide volontaire n’était pas opportune sauf à démontrer que l’auteur avait l’intention de tuer le nourrisson.

Quant aux qualifications de blessures involontaires ou d’homicides involontaires, celles-ci n’apparaissent pas non plus adaptées puisqu’elles supposent que le secouement résulte d’une maladresse, d’une imprudence ou d’une négligence notamment.

Or, le secouement violent ou répété matérialise un acte positif de l’auteur, une volonté de secouer mais pas nécessairement de blesser ou de tuer, de sorte que la qualification de violences aggravées s’impose.

Pour déterminer quelle qualification pénale parmi les violences aggravées doit être retenue, ce sont les conséquences de ces violences qui seront regardées, à savoir si elles ont entraîné une infirmité permanente ou le décès du nourrisson.

C’est ainsi que la jurisprudence est plus encline à retenir, en cas de décès du nourrisson, l’infraction de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, infraction réprimée par une réclusion criminelle de 15 ans selon l’article 222-7 du Code pénal. Cette peine est portée à 20 ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise sur un mineur de 15 ans, comme c’est le cas en présence d’un syndrome du bébé secoué.

Au contraire, lorsque l’enfant survit mais qu’il conserve des lésions irréversibles, autrement dit des séquelles, les poursuites seront exercées sous la qualification de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, infraction punie de 15 ans de réclusion criminelle par l’article 222-10 du Code pénal.

Ces deux qualifications pénales étant criminelles, l’auteur sera renvoyé devant la Cour d’assises.

II- L’indemnisation du nourrisson victime.

Outre les poursuites qui peuvent être exercées contre l’auteur, le nourrisson victime a le droit d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice devant la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

Quand bien même l’auteur de l’infraction n’est pas identifié, le nourrisson victime a le droit d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.

Cependant, la difficulté qui se pose concerne l’évaluation du préjudice d’un nourrisson en raison de son jeune âge au moment des faits mais aussi de la difficulté d’anticiper son développement.

En effet, les violences sont infligées dans les premiers mois de la vie de l’enfant, à une période où le cerveau est immature.

Il est donc impossible de déterminer à l’avance l’évolution du nourrisson ni les séquelles qu’il conservera.

A ce titre, chaque nourrisson peut développer des troubles différents comme des troubles de l’humeur, cognitifs, comportementaux, d’autonomie,… et conserver des séquelles diverses.

L’évaluation du préjudice du nourrisson ne pourra donc se faire qu’à la fin de son développement, soit entre ses 18 ans et 20 ans. C’est cette période qui est retenue pour considérer que l’état du nourrisson victime n’est plus susceptible d’évolution, appelée la date de consolidation.

Cette évaluation se fera par le biais d’une expertise judiciaire qui retracera tous les troubles développés par le nourrisson entre la date des faits et la date de la consolidation, puis les préjudices conservés après la consolidation en fonction des séquelles présentes.

Ainsi, l’indemnisation du nourrisson se fera par le biais d’une procédure longue mais indispensable pour réparer son préjudice et lui permettre d’envisager de vivre avec un peu de dignité, outre la reconnaissance judiciaire nécessaire de sa qualité de victime du syndrome du bébé secoué.

Avocate Associée de la SELARL HALEBLIAN AVOCATS Auteure du Guide des victimes d\'infractions