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Cahiers des charges des lotissements : quand la loi ELAN réduit à néant les tentatives hasardeuses de la loi ALUR. Par Jérôme Nalet, Avocat.
Parution : vendredi 23 novembre 2018
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Les difficultés d’application insurmontables posées par les dispositions de l’article L 442-9 du code de l’urbanisme telles qu’issues de la loi ALUR, ainsi d’ailleurs que l’inflexibilité de la Cour de Cassation, ont abouti à un amendement de la loi ELAN qui confirme au moins implicitement la force obligatoire des cahiers des charges des lotissements dans leur globalité.

Le 8 mars 2017, à propos des cahiers des charges des lotissements, j’avais publié sur le présent site un article sur ce que j’appelais la position « anti-ALUR » de la Cour de Cassation. J’y exposais en particulier les modifications apportées par la loi ALUR du 24 mars 2014 à l’article L 442-9 du code de l’urbanisme ainsi que les très probables difficultés d’application du nouveau texte, au regard notamment d’une complexité rédactionnelle sans bornes et de l’intransigeance de la Cour de Cassation, qui n’a cessé de réaffirmer la valeur contractuelle des cahiers des charges des lotissements, quelles que soient leurs dates, approuvés ou non, pour la totalité de leurs stipulations. J’y voyais pour ma part une certaine logique, la nécessité de construire davantage ne pouvant se faire au mépris d’autres impératifs, comme la force obligatoire du contrat et le respect du droit de propriété.

Depuis lors, la Cour de Cassation avait maintenu sa position (voir par exemple les arrêts de la 3ème chambre civile des 9 mars 2017, n°16-13085, 15 juin 2017, n°15-24776 et 14 septembre 2017, n°16-21329). En outre, le malaise du Législateur était palpable : l’article L442-9 nouvelle formule exigeait un décret, lequel devait normalement préciser les modalités de publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier des cahiers des charges (rappelons que la loi ALUR prévoyait, faute pour un cahier des charges d’avoir fait l’objet de cette publication, que ses dispositions non réglementaires « ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage de la destination de l’immeuble », cesseraient de produire leurs effets dans les cinq ans de la promulgation de la loi, soit au 26 mars 2019). Or, ce fameux décret n’était jamais paru… Comment, d’ailleurs, ne pas comprendre ce malaise ? En effet, avant ALUR, il était déjà compliqué de distinguer la règle d’urbanisme mentionnée à l’alinéa 1 du texte des « droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement » (son alinéa 3).

La loi ELAN (portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), dont la promulgation est imminente, tire les conséquences de cette situation pour le moins délicate. Son article 47 supprime donc les trois derniers alinéas de l’article L442-9 du code de l’urbanisme, mettant à néant ce que la loi ALUR avait tenté de mettre en place. L’amendement adopté par les sénateurs invoquait précisément la "fragilité constitutionnelle [de ces alinéas] au regard du principe de liberté contractuelle, en particulier du droit au maintien des conventions légalement formées".

Les cahiers des charges des lotissements conservent par conséquent leur force obligatoire sans plus de discussion possible. Et, chat échaudé craignant l’eau froide, on peut penser qu’une nouvelle tentative du Législateur dans le sens d’une fragilisation des cahiers des charges des lotissements ne surviendra pas de sitôt…

Jérôme Nalet Spécialiste en Droit Immobilier Avocat Associé au sein de la SELARL FEUGAS AVOCATS http://www.nalet-avocat.com/ http://www.feugas-avocats.com/ https://aslinfoblog.wordpress.com/
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