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Malade dans l’incapacité de donner son consentement : directives anticipées et rôle de la personne de confiance. Par François Jacquot, Avocat.
Parution : mercredi 28 novembre 2018
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Le malade hors d’état de donner son consentement peut le transmettre par le truchement de directives anticipées ou par le biais d’une personne de confiance.

En vertu des principes de dignité de la personne humaine et de l’inviolabilité du corps humain, « aucun acte médical, aucun traitement ne peuvent être pratiqués sans le consentement libre et éclairé de la personne » [1].

Tout patient capable a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement [2]. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par ce refus de soins, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Le législateur précise que « le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif » [3].

Mais, qu’en est-il lorsque le patient est incapable de donner son consentement ?

§I- Principes généraux du droit international en matière de santé et droits de l’Homme.

Cette situation relève de la question générale de la protection des majeurs incapables dont les principes généraux ont été déterminés non seulement par la loi française, mais également par le droit international.

On peut d’abord citer la « Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine », dite Convention d’Oviedo.

Cet important traité international adopté le 4 octobre 1997 dans le cadre du Conseil de l’Europe et entré en vigueur le 1er décembre 1999, a pour objet de rappeler que les états signataires « protègent l’être humain dans sa dignité et son identité et garantissent à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l’égard des applications de la biologie et de la médecine ».

Il s’agit, dans le domaine biomédical, du seul instrument juridique contraignant international pour la protection des droits de l’Homme.

Ratifié par l’article 1er de la loi du 7 juillet 2011 sur la bioéthique, il n’est opposable en droit interne que depuis le 1er avril 2012.

Ce traité repose sur l’idée force que l’intérêt de l’être humain doit prévaloir sur l’intérêt de la science ou de la société [4].

Le principe du consentement libre et éclairé à toute « intervention dans le domaine de la santé » a été posé par ce texte (art.5) avant la loi Kouchner et les règles générales de la « Protection des personnes n’ayant pas la capacité de consentir » sont énoncées par son article 6.

Le premier principe est que toute intervention médicale « ne peut être effectuée sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct », à la seule réserve des règles prévues aux articles 17 et 20 qui concernent, d‘une part, la recherche médicale [5] et d’autre part, le prélèvement d’organe [6].

L’article 6.3 de la convention stipule de manière claire que « lorsque, selon la loi, un majeur n’a pas, en raison d’un handicap mental, d’une maladie ou pour un motif similaire, la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l’autorisation de son représentant, d’une autorité ou d’une personne ou instance désignée par la loi ». De plus, « la personne concernée doit dans la mesure du possible être associée à la procédure d’autorisation ».

Le paragraphe 5 de cet article oblige le corps médical à fournir à « la personne ou l’instance mentionnés aux paragraphes 2 et 3  » l’information visée à 5, ceci « dans les mêmes conditions » que la malade lui-même.

Dans les situations d’urgence, « lorsque le consentement approprié ne peut être obtenu, il pourra être procédé immédiatement à toute intervention médicalement indispensable pour le bénéfice de la santé de la personne concernée » [7].

Enfin, « les souhaits précédemment exprimés au sujet d’une intervention médicale par un patient qui, au moment de l’intervention, n’est pas en état d’exprimer sa volonté seront pris en compte » [8].

Ces règles essentielles ne peuvent « faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé publique ou à la protection des droits et libertés d’autrui » [9].

Il convient d’interpréter cette convention du Conseil de l’Europe qui a force supérieure à la loi française, à la lumière des Recommandations du Comité des ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe, en particulier : « la recommandation 99 (4) sur les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables » du 23 février 1999.

Ce texte place en tête des valeurs à garantir le « Principe 1 – Respect des droits de l’homme :

Concernant la protection des majeurs incapables, le principe fondamental servant de base à ceux dégagés dans le présent texte est le respect de la dignité de chaque personne en tant qu’être humain. Les lois, procédures et pratiques concernant la protection des majeurs incapables doivent reposer sur le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en tenant compte des restrictions de ces droits contenues dans les instruments juridiques internationaux pertinents ».

La recommandation n°7 invite les états à « prévoir et organiser les dispositions juridiques qu’une personne encore dotée de sa pleine capacité serait en mesure de prendre pour prévenir les conséquences de toute incapacité future ».

Le « principe 9 – Respect des souhaits et des sentiments de la personne concernée » énonce que :

« 1. Lors de l’instauration ou de la mise en œuvre d’une mesure de protection d’un majeur incapable, il convient, dans la mesure du possible, de rechercher, de prendre en compte et de respecter dûment les souhaits passés et présents, et les sentiments de l’intéressé.
2. Ce principe implique en particulier que les souhaits de l’adulte concerné relatifs au choix d’une personne pour le représenter ou l’assister doivent être pris en compte et, dans la mesure du possible, dûment respectés.
3. Il en découle également qu’une personne représentant ou assistant un majeur incapable doit lui fournir des informations adéquates chaque fois que cela est possible et approprié, notamment en ce qui concerne toute décision importante affectant le majeur, et ce afin que ce dernier puisse exprimer son avis
 ».

Dans sa partie V, intitulée « Interventions dans le domaine de la santé », le principe 22 sur le « consentement » prévoit que :

« 2. Lorsqu’un majeur n’est de fait pas en mesure de donner son consentement libre et éclairé à une intervention déterminée, celle-ci peut toutefois être pratiquée à condition :
- qu’elle soit effectuée pour son bénéfice direct, et
- que l’autorisation en ait été donnée par son représentant ou par une autorité, ou une personne ou instance désignée par la loi
 ».

La Résolution 1859 (2012) de l’Assemblée, intitulée « Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients », rappelle également les principes d’autonomie personnelle et de consentement, incorporés dans la convention d’Oviedo, dont il résulte notamment que nul ne peut être contraint de subir un traitement médical contre sa volonté.

Le principe de l’autonomie de la volonté que consacrent à la fois le droit français et la Convention d’Oviedo du 4 octobre 1997, est de toute évidence la clef de voûte de tout ce dispositif.

C’est d’autant plus vrai que l’autonomie de la volonté est également rattachée au respect de la vie privée tel qu’il découle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. En effet, la notion de « vie privée » est un concept large qui englobe, entre autres, des aspects de l’identité physique, psychologique et sociale d’un individu, tels que le droit à l’autonomie personnelle, le droit au développement personnel, le droit de nouer et de développer des relations avec ses semblables etc.

Selon la Cour européenne, « bien qu’il n’ait été établi dans aucune affaire antérieure que l’article 8 de la Convention comporte un droit à l’autodétermination en tant que tel, la Cour considère que la notion d’autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-tend l’interprétation des garanties de l’article 8 ».

Le principe d’autodétermination est défini par la Cour européenne des droits de l’homme comme la « faculté de traiter son corps conformément à ses choix, y compris si cela doit conduire l’individu à porter atteinte à son intégrité corporelle ».

Ainsi, l’autonomie personnelle inclut « la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne. En d’autres termes, la notion d’autonomie personnelle peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son propre corps ».

Dans des cas extrêmes, elle autorise les pratiques très violentes, sous réserve qu’il s’agisse d’adultes consentants.

A l’inverse, mais dans la même lignée, la personne a le droit au respect de son intégrité physique et morale auxquelles un traitement médical peut porter atteinte. Ayant la libre disposition de son corps au nom de son autonomie personnelle, elle est en droit d’accepter ou de refuser tout traitement médical.

Ainsi, la CEDH a depuis fort longtemps posé la règle qu’« une atteinte à l’intégrité physique contre le gré de l’intéressé peut, même si elle est minime, soulever un problème sous l’angle du droit au respect de la vie privée » . De ce fait, « l’imposition d’un traitement médical sans le consentement du patient, s’il est adulte et sain d’esprit, s’analyse en une atteinte à l’intégrité physique de l’intéressé pouvant mettre en cause les droits protégés par l’article 8 de la Convention ».

L’autonomie de la volonté en matière médicale se conjugue donc nécessairement avec le droit de refuser un traitement : « la place centrale, et fondamentale, du consentement du patient aux soins implique qu’il puisse également exprimer un refus face à l’acte médical. Le droit au consentement a comme corollaire le droit au refus », en l’espèce, dans le cadre d’un refus de traitement « qui pourrait avoir pour effet de prolonger sa vie ».

La française a tenu compte de ces textes internationaux en instituant la personne de confiance par la loi du 4 mars 2002 et dont le rôle a été renforcé successivement par la loi du 22 avril 2005 puis les lois du 28 décembre 2015 et 2 février 2016, ainsi qu’en adoptant les directives anticipées du patient.

§.II – La personne de confiance.

Comme son nom l’indique, c’est une personne en qui le patient témoigne sa confiance. L’article L.1111-3 du CSP indique que cela peut être « un parent, un proche ou le médecin traitant », cette liste n’étant pas limitative.

Selon ce même article, « cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment ».

Le rôle de cette personne est différent selon que le patient et oui ou non en état d’exprimer sa volonté.

S’il l’est, la personne de confiance a une mission d’accompagnement ; elle aide le patient dans son cheminement personnel et à prendre des décisions concernant sa santé ; elle l’accompagne dans ses démarches liées aux soins ; elle peut assister aux consultations ou aux entretiens médicaux mais ne remplace pas le patient ; elle peut prendre connaissance d’éléments du dossier médical en présence du patient mais elle n’aura pas accès à l’information en dehors de sa présence et ne devra pas divulguer des informations sans son accord.

Pour ce qui concerne la personne consciente qui n’est pas en fin de vie, visée dans l’article L.1111-4 du CSP, elle dispose du droit de refuser les soins. La loi donne ordre au professionnel de santé de respecter la volonté du patient. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de cette personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Ces dispositions mettent fin à la jurisprudence du Conseil d’Etat qui autorisait le médecin à accomplir un acte médical auquel le patient s’opposait, en cas de pronostic vital. Le médecin doit informer le patient des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision de refus du traitement dans un délai raisonnable et cela est inscrit dans le dossier médical du patient.

Il résulte du commentaire du Conseil Constitutionnel à la suite de la Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017 que :
« L’ambition de la loi de 2016, rappelée lors des débats parlementaires, a été « de donner [au malade] la priorité et une force supérieure à celle des non malades, fussent-ils soignants. C’est pourquoi, lorsque le malade exprime sa volonté de refuser ou de subir un traitement, le corps médical ne pourra désormais aller au-delà des explications nécessaires concernant les conséquences de ces choix ». Ainsi « même en cas d’obstination déraisonnable, les traitements ne peuvent pas être interrompus si la personne concernée s’y oppose ».

Dans le cas plus précis du sujet de cet article, c’est-à-dire lorsque le patient n’est pas à même d’exprimer sa volonté, la personne de confiance est le principal référent auprès de l’équipe médicale et c’est elle qui sera consultée en priorité. Elle est une sorte de porte-parole pour refléter de façon précise et fidèle les souhaits et la volonté du patient.

L’article L.1111-4 du CSP a distingué deux cas de figure dans l’hypothèse où la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté. Le premier concerne les « intervention ou investigation » en général, lesquelles « ne peuvent être réalisées, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L.1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté ». Le principe est donc la consultation obligatoire de la personne de confiance mais la loi n’oblige pas les personnels de santé à s’y conformer.

Le second cas est celui de « la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible d’entraîner son décès ». Il faut préalablement respecter une procédure collégiale « mentionnée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ». A défaut de directives anticipées, la limitation ou l’arrêt du traitement qui pourrait entraîner le décès ne peut être mis en œuvre « sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés ». Là encore, la personne de confiance doit être consultée, mais seulement à défaut de directives anticipées du patient et son avis ne s’impose pas au médecin.

L’article L.1111-6 du CSP est particulièrement consacré à la description de la personne de confiance qui est désignée par le patient.

Dans sa version issue de la loi Kouchner de 2002, le texte évoquait simplement le fait que la personne de confiance « sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté ».

L’article 2 l’ordonnance n°2018-20 du 17 janvier 2018 a modifié le libellé de cet article en indiquant qu’elle « sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ».

Il faut mettre cet article en parallèle avec les dispositions de l’article R. 4127-36 du CSP aux termes desquelles :
« Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de confiance, à défaut, la famille ou un de ses proches ait été prévenu et informé, sauf urgence ou impossibilité ».

Le rôle de la personne de confiance demeure cantonné à celui d’un référent qui sera consulté pour rendre témoignage de la volonté du patient. En revanche, ce témoignage prévaut sur celui d’autres personnes. La personne de confiance prime donc sur la famille ou les proches (à moins qu’elle n’en fasse partie). C’est une nouveauté importante car il s’agit d’éviter les batailles entre proches comme dans la célèbre affaire Lambert.

L’article L.1111-6 du CSP ne prévoit pas le cas de figure où le patient aurait donné des directives anticipées. On présume donc que ce n’est pas le cas et que c’est la raison qui explique que la personne de confiance doit être « consultée » afin de rendre « compte de la volonté de la personne ».

A ce stade se dessine donc une distinction fondamentale et quelque peu singulière, au sujet du consentement du patient. En effet, soit ce dernier est lucide et il peut alors s’opposer au traitement. Soit, il n’est pas à même de donner ou refuser son consentement en direct et, à défaut de directives anticipées, le témoignage de la personne de confiance ne pourra imposer un refus de traitement à l’équipe médicale, même s’il s’agissait de la volonté du patient.

Le ministère de la santé semble interpréter la loi de 2016 en ce sens : « l’équipe médicale qui vous prend en charge, consultera en priorité la personne de confiance que vous aurez désignée. L’avis ainsi recueilli auprès de la personne de confiance guidera le médecin pour prendre ses décisions ».

Il est étonnant, même si on peut le comprendre intellectuellement, que la volonté du patient s’impose au médecin pour un refus de soins, lorsqu’il est lucide, et n’ait pas cette force obligatoire lorsqu’elle est exprimée par la personne de confiance qui est désignée pour faire valoir les volontés présumées du patient. Dans ce cas de figure, le patient a pourtant anticipé son incapacité future à exprimer sa volonté en désignant une personne censée veiller sur ses intérêts. Dans ce cas, la personne de confiance sera celle qui devra « interpréter » pour le corps médical, la volonté du patient selon la connaissance qu’elle en a eu auparavant.

L’intervention de la personne de confiance n’a, à notre avis, d’intérêt véritable que si le patient n’a donné aucune directive précise dans l’écrit cosigné par lequel il l’a désigné car s’il existe des directives anticipées, on tombe alors dans un autre régime (cf. §III ci-après).

Le principe de la liberté de choix est fondamental afin de garantir le respect de la dignité et de l’autodétermination de la personne dépendante car l’autonomie de la volonté du patient doit être respectée en toutes circonstances.

Or, le rôle de cette personne en qui repose la confiance du patient, a été renforcé par la loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 en spécifiant expressément que « son témoignage prévaut sur tout autre », y compris, sur la famille et les proches.

A partir du moment où le législateur lui a donné un rôle prépondérant qui correspond d’ailleurs à la volonté du patient (sinon pourquoi l’aurait-il désigné ?), il nous semble logique que la volonté du patient dont il rend témoignage, s’impose au corps médical, sauf dans le cas où il serait établi qu’elle a été travestie, ou que cela est manifestement inapproprié ou non conforme à la situation médicale du patient.

D’ailleurs, l’article 22 de la convention d’Ovieto prévoit très spécifiquement, dans le cas où un « majeur n’est de fait pas en mesure de donner son consentement libre et éclairé à une intervention déterminée » que « l’autorisation en ait été donnée par son représentant ou par une autorité, ou une personne ou instance désignée par la loi ».

Il semble donc possible de considérer que la position de la personne de confiance qui exprime les souhaits du patient soit une autorisation et qu’elle s’impose au médecin de la même façon que si le patient était lui-même en train de l’exprimer, et de la même manière que s’ils avaient été écrits sous forme de directives anticipées.

§.III- Les directives anticipées.

Le patient dispose du droit que lui confère l’article L.1111-11 du CSP de donner des directives écrites par avance :

« Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux ».

Dans ce cas, « les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ».

Il ne peut y être dérogé que par une « procédure collégiale » et uniquement si elles sont jugées « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient ».

On doit garder à l’esprit que les directives anticipées « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie », autrement dit, la personne donne ses instructions pour gérer « les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux » dans cet objectif.
Elles ont donc pour objet de :

- limiter ou arrêter les traitements en cours,
- être transféré en réanimation si l’état de santé le requiert,
- être mis sous respiration artificielle,
- subir une intervention chirurgicale,
- être soulagé de ses souffrances même si cela a pour effet de mener au décès.

Le commentaire de l’article 37-1 du code de déontologie médicale (article R.4127-37-1 du CSP) prévoit que les directives anticipées existent « pour garantir le respect de l’autonomie du patient y compris dans la situation où celui-ci se trouverait hors d’état d’exprimer sa volonté » et manifester « ses volontés relatives à sa fin de vie, en particulier le refus de traitement ou d’actes médicaux, leur poursuite, leur limitation ou leur arrêt ».

Quand à l’article L.1111-12 du CSP qui concerne la personne en phase terminale, il prévoit, dans le cas où elle est « hors d’état d’exprimer sa volonté », que le « médecin a l’obligation de s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient. En l’absence de directives anticipées mentionnées à l’article L. 1111-11, il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ».

Il s’avère donc que les directives anticipées prévalent sur la consultation de la personne de confiance dont le témoignage n’est recueilli qu’en cas d’absence de manifestation écrite de la volonté du patient pour ce qui concerne sa fin de vie.

Dans le cas de l’article L.1111-12 du CSP, c’est-à-dire lorsque le patient est « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause » et qu’il « est hors d’état d’exprimer sa volonté », il semble qu’il faille considérer l’expression « s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient » comme signifiant simplement que cette volonté peut, soit résulter « de directives anticipées » soit du « témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ».

Or, en présence de directives anticipées, elles s’imposent au médecin, sauf les deux exceptions prévues par l’article L.1111-11 alinéa 3, y compris dans l’hypothèse de l’article L.1111-12 du CSP qui n’est qu’un cas de figure particulier.

Il s’agit donc d’une illustration de la force de la volonté du patient, mais limité au cas de la fin de vie.

Un auteur souligne que cette limitation des directives anticipées pour la seule fin de vie « n’est suggérée ni par les orientations du Conseil de l’Europe, ni par l’article 9 de la convention d’Oviedo ». Il la justifie néanmoins en estimant qu’ « il paraît suffisant de recourir, sauf urgence ou impossibilité, à l’avis d’une personne de confiance, d’un membre de la famille ou d’un proche ou même, s’il s’agit d’actes bénins, au simple bon sens du médecin ».

Pourtant, le cas d’une personne momentanément ou durablement dans l’incapacité d’exprimer sa volonté est loin de se limiter à celui de la fin de vie. La personne gravement blessée, inconsciente ou incapable de s’exprimer, le coma, sont des situations courantes.

On ne voit pas pourquoi le patient ne pourrait pas donner des directives anticipées en dehors du cas de la fin de vie, la limitation de la loi française étant parfaitement injustifiée et non conforme au droit international.

En effet, le patient devrait pouvoir régir à l’avance, par des directives anticipées, tous les cas de figure où il devrait subir un traitement alors qu’il n’est pas en mesure d’y consentir car le principe cardinal du droit médical est le respect du corps humain et l’autonomie de la volonté du patient, en toutes circonstances.

Aussi, est-il vivement recommandé, dans le cas de la désignation d’une personne de confiance, d’assortir celle-ci de directives très explicites et de les renouveler régulièrement.

Reste à savoir si de telles directives, prises hors du cas de fin de vie, seraient prises en compte, ce d’autant qu’elles ne seraient pas soumises aux formalités des articles R.1111-17 à R.1111-20 du CSP.

Il résulte néanmoins de la jurisprudence du Conseil d’Etat que « le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu’en soient la forme et le sens ».

Dans le cas où le patient aurait laissé des directives, il nous semble que, sauf cas extrême où elles apparaîtraient manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, elles devraient avoir la même force que celles déjà régies par les articles L.1111-11 et L.1111-12 du CSP.

***

En résumé, le droit français repose sur le principe du respect du corps humain ainsi que sur l’autonomie de la volonté du patient qui lui permet non seulement de s’opposer à un traitement médical, mais également de régir sa fin de vie par des directives anticipées.

La portée des directives anticipées a été arbitrairement limitée à la fin de vie du patient alors que la personne devrait pouvoir anticiper tous les cas où elle serait incapable d’exprimer sa volonté.

La personne de confiance joue un rôle croissant à la fois d’accompagnement du patient lorsque ce dernier est capable de volonté, mais plus encore, lorsque ce n’est pas le cas.

Toutefois, la position de cette personne, supposée être le relais de la volonté du patient, ne s’impose pas au médecin, même en l’absence de directives anticipées.

La législation française comporte donc une énorme lacune en matière de respect du consentement du patient puisqu’elle ne couvre qu’imparfaitement le cas du malade qui n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté sans être en fin de vie. En effet, dans cette hypothèse, il n’existe pas de possibilité de directives anticipées et la personne de confiance est simplement consultée, de sorte que rien n’oblige le corps médical à respecter la volonté du patient.

Or, il serait souhaitable que toutes les formes de manifestation de volonté du patient soient prises en compte d’une manière égale, dans des conditions raisonnables, car dès le moment où la position du tiers de confiance l’emporte sur celle de la famille, il est logique de donner à son témoignage une force similaire à celle des directives anticipées du patient.

La jurisprudence la plus récente du Conseil d’état s’oriente toutefois vers un renforcement du respect de la volonté du patient « antérieurement exprimée quels qu’en soient la forme et le sens ».

Reste à savoir si, en l’état, la législation française est conforme au droit international, ce que ne manquera pas de trancher la jurisprudence future.

François Jacquot Avocat à Paris

[1Art. L. 1111- 4 al. 1er. Code de la santé publique, CSP.

[2Art. L. 1111-4 al. 2. CSP.

[3Art. L. 1111-4 al. 2. CSP.

[4Art.2.

[5Art.17.

[6Art.20.

[7Art.8.

[8Art. 9.

[9Art.26.