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Pourquoi il ne fallait pas rater le Village de la LegalTech... Le récap’ de l’édition 2018 !
Parution : vendredi 7 décembre 2018
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Pour la 3ème année consécutive était organisé le Village de la LegalTech, les 27 et 28 novembre 2018. Co-organisé par Open Law* Le Droit Ouvert et le Village de la Justice, ce salon consacré à ce tout jeune écosystème a de nouveau rencontré un franc succès. 71 exposants, 150 legaltechs présentes, 150 conférenciers, 3000 visiteurs… L’intérêt du monde du droit est bien confirmé, et les multiples ateliers et tables rondes ont démontré que ces nouveaux outils sont abordés avec plus de sérénité.
Vous n’y étiez pas ? Nous vous exposons ici ce que vous avez raté, et pourquoi il s’agissait de l’événement legaltech clé de l’année 2018 (prochaine édition 26 et 27 novembre 2019).

Parce que ce nouvel écosystème, basé sur le collaboratif, est entré dans une nouvelle phase...

Cette 3ème édition du Village de la LegalTech a illustré un nouveau tournant du marché. Si sa maturité est encore à consolider, son fonctionnement et ses principes directeurs sont acquis par les nombreux acteurs qu’il rassemble, et qui collaborent. Car l’interopérabilité n’est plus un luxe, mais une nécessité ! Ingénieurs, marketeurs, designers et juristes s’associent désormais pour satisfaire au mieux le client.

Thomas Saint-Aubin, de Seraphin.legal, et Elise Fabing, avocate, ont ainsi témoigné de leur collaboration pour la création d’une legaltech à la destination de la Fédération nationale des offices de tourisme. La legaltech apporte le financement à l’avocat, qui reste de son côté « le meilleur vendeur du droit » selon Thomas Saint-Aubin. Et la collaboration se fait aussi au sein des professions : Elise Fabing a ainsi expliqué être devenue « un business developer par défaut », étant contactée par des confrères pour développer ce système.

Une interrogation subsiste toutefois : qui dit droit dit justice, et qui dit Justice dit Etat. Quelle place devrait-il avoir ? Les avis sont partagés. Certains ont une distance, voire une méfiance, par rapport à une intervention de l’État dans cet écosystème. Paul Bellavoine, directeur délégué du Groupe ELS, a cité ce « dicton anglo-saxon : ‘Public money is toxic money’ ». A l’inverse, pour Thomas-Saint-Aubin, la première legaltech de France, c’est le ministère de la Justice, puisqu’il est celui qui détient le plus de données ; mais il reste peu collaboratif pour les partager. Cela ferait pourtant la différence dans la progression du big data juridique..

Parce que l’on a parlé de technologies … et aussi d’humain !

Vous n’êtes pas incollable sur l’intelligence artificielle ? Vous essayez encore de comprendre comment fonctionne concrètement la blockchain, ou avez recherché la définition du machine learning ? Ce n’est pas un problème, car quand on parle de legaltech, le sujet incontournable ... c’est l’humain ! De fait ces technologies se construisent avant tout autour de l’être humain et de ses besoins, qu’il soit client ou professionnel du droit.

Marie Bernard (Membre OpenLaw qui a animé la Séance inaugurale Horizon #2030, Membre de European Legal Technology Association -ELTA), a ainsi évoqué, dans les grands mouvements de transition, la « transition humaniste », qui implique d’utiliser les rêves, les envies, les besoins pour vendre des services. Il y aura bien une « industrialisation » du juridique, a souligné Jean-Manuel Caparros, responsable Marketing, Digital & Communication chez Juridica, mais il faudra continuer à « penser client » et garder une culture du « service juridique ». Et il faut « utiliser la technologie au service du droit » a affirmé Isabelle de la Gorce, avocate chez PwC Société d’Avocats. Un rôle qu’elle remplit en effet lorsqu’elle sert à pallier le manque de moyens de la Justice, comme en a témoigné Mamadou Konaté, ancien Garde des Sceaux et ministre de la Justice du Mali. Pour lui, « la Justice est le seul combat qui vaut ». La Justice a besoin en Afrique (comme en France) d’être rendue dans des bonnes conditions, conformes à la loi, et les nouvelles technologies y contribuent.

Et la legaltech, c’est aussi de multiples méthodes qui permettent un meilleur accès au droit et aux prestations juridiques, comme l’illustre le langage juridique clair, qui « rend le droit compréhensible aux profanes » selon Didier Ketels, fondateur de Droits Quotidiens, ou encore le legal design : aucune nouvelle technologie, « juste » l’utilisation d’une nouvelle façon de penser son produit, son service, l’approche de son client, pour une meilleure communication et collaboration.
« Nous nous devons de maintenir l’enchantement humain. L’Homme va être central dans le déploiement des outils » nous a dit Mahasti Razavi, Managing Partner chez August et Debouzi.

Parce que l’on a beaucoup parlé de l’enjeu de la formation et des nouvelles compétences du juriste...

Qui dit nouvel écosystème, nouveau marché, nouveaux modes de fonctionnement … dit évolution des compétences de tous les acteurs. La question de la formation est primordiale, qu’elle soit initiale ou continue. Au cours de la conférence « Ecole des professionnels du droit : aller vers la pluridisciplinarité », tous les intervenants ont insisté sur le fait qu’il fallait absolument former juristes et avocats au monde de l’entreprise.
Pour Aurélien Hamelle, directeur juridique de Total, il y aura de plus en plus de juristes, y compris dans les PME, au cœur des opérations (pas seulement des contrats ou du contentieux). Le métier, pour lui, va d’ailleurs évoluer, et il faudrait renoncer à dissocier les juristes et les avocats, pour aboutir au métier de « lawyer » [1].

Il est enfin temps de valoriser les apprentissages « informels », qui ne sont pas validés par des diplômes de formation, et qui composent pourtant une très grande partie de nos compétences. C’est toute l’ambition du programme Open Badges d’Open Law : pouvoir mettre en avant ces compétences, de la même manière que ses diplômes, par le biais de badges qui attesteront de ces compétences et qui pourront être affichés sur des profils numériques.

Parce que l’on a noué des contacts et trouvé des solutions...

Un tel salon est aussi l’occasion d’entrer en contact avec les différents acteurs du milieu de la legaltech, de découvrir les solutions qui ont été créées ou qui ont évolué. 71 exposants, 150 legaltechs présentes, 150 conférenciers, 3000 visiteurs, des pitchs publics, un espace MeetUp [2]... L’échange était donc au cœur du Village de la LegalTech – à l’image de cet écosystème, qui met en avant la collaboration.

Car « une fois passée la phase de prise de conscience des années 2017-2018, il faut trouver des outils concrets » pour l’avenir, a souligné Dan Kohn du Groupe Secib. L’échange permet aussi de sortir des formats propriétaires, pour proposer des solutions souples et personnalisées. C’était d’ailleurs l’attente des avocats qui ont assisté à son atelier intitulé « Passer de l’avocat libéral à un entrepreneur du droit augmenté, connecté à son écosystème » : trouver des outils pour concrétiser leurs projets.

Parce que c’est l’occasion de rencontrer tous les acteurs qui composent le monde de la legaltech !

Le profil des participants à cette 3ème édition étaient très divers, et a illustré parfaitement la multiplicité des acteurs qui composent ce nouvel écosystème. Etaient ainsi présents des juristes d’entreprise et des avocats, mais aussi :
- des notaires, dont les principaux enjeux ont été abordés lors d’une conférence animée par Mathieu Fontaine,
- des étudiants, autant parmi les visiteurs qu’en tant qu’exposants à l’espace formation,
- des huissiers de justice, qui conçoivent des solutions notamment en s’appuyant sur la blockchain...
- Mais aussi des consultants, des financiers, des développeurs, et d’autres acteurs initialement en dehors de l’écosystème de la legaltech.

Cette diversité est rare dans le monde du droit ! C’est tout l’objet du Village de la Legaltech : décloisonner et ouvrir des portes, et élargir la perspective ! Opération réussie !

Parce que l’on a osé parler de sujets « sensibles » !

Un salon tel que le Village de la Legaltech est l’occasion d’aller plus loin dans les réflexions sur un écosystème naissant, mais déjà soumis à de nombreuses influences. Il est donc important de se poser les bonnes questions...

C’était notamment l’objectif de la conférence #Elleslegaltech : poser les bases d’un questionnement sur la place des femmes, et plus globalement de la diversité, dans ce nouvel univers. Pete Stone, fondateur de la société Just Different, s’est insurgé : il ne faut pas enfermer les personnes dans une manière d’être et il faut permettre aux talents de s’exprimer. Laura Fauqueur renchérit et élargit le débat : « C’est négatif pour tout le monde de créer des tiroirs. Il faut de la diversité, point. Sur la question des femmes, mais aussi sur les origines, la religion etc. » Un tel débat est aussi l’occasion de réaliser que la « tech » va surtout révéler ce que nous sommes. Les algorithmes, par exemple, se nourrissent des informations que nous leur donnons, et vont donc être influencés. Il faudra donc le plus de diversité possible pour les éduquer.

Parmi les sujets sensibles, on a aussi parlé Argent ! Que ce soit lors d’exemples de collaborations legaltech/avocat, ou encore avec le témoignage atypique de Jérémie Eskenazi, fondateur et CEO de Wonder Legal, lors de la conférence au titre provocateur «  Avocat vs legaltech, qui va gagner la bataille du financement ? ». Ce dernier a expliqué que son entreprise lui appartient à 100 %, qu’il n’a pas levé de fond, notamment car il a pu construire lui-même la partie technique de son site lui évitant ce coût important.

La question de financement, pour boucler la boucle, ramène une nouvelle fois à celle des compétences. Car les juristes n’ont pas toujours le savoir-faire nécessaire pour gérer cette dimension entrepreneuriale. Alexandra Sabbe-Ferri, qui a créé « mesindemnités.com », a expliqué qu’elle a dû apprendre à faire un business plan, à lire un bilan comptable, etc. Elle milite pour que les avocats apprennent à faire cela, estimant que chaque cabinet doit se comporter comme une legaltech, car elle en est une en puissance !

Rendez-vous en novembre 2019, et d’ici là, consultez le Guide de la Legaltech 2018/2019 !

Les équipes OpenLaw et Village de la Justice vous donnent rendez-vous pour la 4ème édition en novembre 2019 !
Rédaction du Village de la Justice

[1NDLR : On voit ici que la Legaltech croise d’autres débats...

[2Rencontres informelles et Pitchs improvisés.