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"Droits quotidiens" : un site pour la promotion du langage juridique clair pour un meilleur accès au droit.
Parution : vendredi 14 décembre 2018
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Né il y a 20 ans pour fournir de l’information juridique vulgarisée à tous les justiciables, le site belge Droits Quotidiens a désormais un petit frère français [1] ! En partenariat avec Seraphin.legal, la plateforme française pour son lancement dispose déjà de 400 fiches répondant à des problématiques liées au droit du travail.
Tout l’enjeu est maintenant de la développer, en créant une communauté de contributeurs et de partenaires, dans une logique d’économie sociale et solidaire. Avec un principal objectif : instaurer l’usage du langage juridique clair chez les juristes, pour améliorer l’accès au droit de tous les justiciables.

Un projet fondé sur la promotion du langage juridique clair.

Lorsque l’on aborde la question de l’accès au droit, il n’est pas uniquement question de l’accès aux tribunaux, à un professionnel, ou à des sites d’information : il s’agit d’abord de permettre à tout justiciable de comprendre le droit, pour répondre aux problématiques qu’il peut rencontrer au quotidien. Pourtant, le langage juridique constitue une vraie barrière à cette accessibilité. Et c’est dans l’optique de la briser qu’a été élaboré le langage juridique clair.

Si une communauté francophone est surtout active au Québec et en Belgique, le langage juridique clair a encore du mal à percer en France. C’est donc l’un des défis du site français Droits Quotidiens, une plateforme sur laquelle les justiciables trouveront des informations et des services accessibles.

Droitsquotidiens.fr va pouvoir bénéficier de l’expérience de son aîné belge, qui a expérimenté de nombreuses solutions pour aboutir à un modèle solide, avec des stratégies bien définies. La première, mise en œuvre dès maintenant par le site français, est de répondre directement aux besoins d’accès au droit des justiciables. Il faut pour cela qu’ils aient accès à une information juridique :
- compréhensible, grâce au langage juridique clair,
- pertinente, ce qui demande une présélection de l’information, pour qu’il obtienne directement l’information pratique dont il a besoin,
- et opportune, c’est-à-dire qui tombe lorsqu’il fait face à son problème juridique.

« Nous partons toujours de la façon dont le citoyen entre dans le droit. »

Il faut donc travailler sur le référencement du site, afin que le citoyen trouve sa réponse dès qu’il pose sa question à son moteur de recherche. « Nous partons toujours de la façon dont le citoyen entre dans le droit, qui n’est jamais la même que le juriste, explique Didier Ketels, fondateur de Droitsquotidiens.be. Le juriste va avoir tendance à avoir une approche globale, alors que le citoyen va venir avec une question extrêmement précise. En Belgique, nous avons identifié 2000 questions/réponses, qui représentent 80% des questions que le citoyen se posent au quotidien. Et à ces questions très précises, nous leur avons donné une réponse en langage juridique clair et extrêmement courtes. » Le but est aussi de lutter contre la dispersion des informations, et « de créer ce continuum, pour mettre à disposition des services ou des solutions directement sur notre site. C’est la vision que nous avons à long terme : que le site Droits quotidiens en France soit l’agrégat d’un parcours du citoyen, où on lui propose un certain nombre de solutions, développées par nous, mais aussi fournies par d’autres. »

Et pour poursuivre cet objectif, Droitsquotidiens.fr part avec un avantage : les legaltech. « Le foisonnement des legaltech en France est vraiment une plus-value qui offre un champ de possibles très intéressant, et qui va aller beaucoup plus vite en France que ce que nous avons fait en Belgique, confirme Didier Ketels. Cette stratégie française va bénéficier de tous les outils que les start-up sont en train de développer, tels que les assistants virtuels qui vont permettre aux gens de mieux trouver la question qui les concerne. »

« Le foisonnement des legaltech en France est vraiment une plus-value qui offre tout un champ de possibles très intéressant. »

Un « modèle d’économie sociale et solidaire » en cours de construction

Le projet de Droitsquotidiens.fr va se construire sur un modèle d’économie sociale et solidaire. Il vise à développer une offre de prestation de service en langage clair, en développant des partenariats avec les acteurs du monde juridique – juristes, legaltech, etc- mais aussi avec des acteurs sociaux, pour atteindre les populations les plus éloignées du droit.

Il ne s’agit pas, néanmoins, d’une démarche bénévole, mais qui relève plutôt de l’entreprenariat social. Les équipes réfléchissent encore à la construction de l’offre par rapport au citoyen, mais l’objectif principal est de créer plusieurs strates de services. Les fiches d’informations présentes sur le site seront ainsi en libre accès, tandis que d’autres services à venir, à destination des justiciables ou partenaires sociaux, seront payants. La structure du modèle belge a par exemple mis en place l’accès à une base de données, un call center ou encore un système de formation.

Car il ne s’agit pas seulement d’apprendre une autre façon d’écrire, mais de « déprogrammer le juriste, souligne Didier Ketels. Le langage juridique clair est une proposition de valeur. Nous avons développé une panoplie de services qui permet de transformer soit les organisations qui produisent du contenu juridique, soit les professionnels du droit. Nous avons par exemple travaillé avec un département en Belgique, où ils se sont rendu compte que les courriers qu’ils envoyaient n’étaient pas compris par leurs destinataires, ce qui entrainaient plus d’appels, et un retard dans l’exécution. Nous avons donc mis en place un projet de réécriture et de transformation de leurs agents, pour leur permettre de rédiger des courriers en langage juridique clair. Aujourd’hui, ils produisent des lettres grâce auxquelles les personnes vont tout de suite savoir ce qu’on attend d’eux, tout en gardant la rigueur juridique nécessaire à un courrier administratif. »

Un parcours de formation est en cours d’élaboration, avec à la clé la possibilité d’obtenir une certification.


Une telle démarche peut également avoir un avantage concurrentiel pour une entreprise privée. En effet, au-delà de la volonté « humaniste » du processus, rendre le droit compréhensible aux profanes est avant tout un moyen d’augmenter le chiffre d’affaires des cabinets ou des directions juridiques. Par exemple, une société de recouvrement de créance qui a clarifié ses actes a pu constater une augmentation du taux de récupération des sommes, tout simplement car les gens comprenaient mieux les courriers. C’est donc bénéfique en terme de « business model », et permettre de se démarquer de ces concurrents.

La question de la formation va donc être importante pour diffuser la méthodologie et la pratique du langage juridique clair. Après un premier hackathon auquel ont participé des étudiants en droit, et un atelier de sensibilisation organisé lors de l’inauguration de l’Incubateur du barreau de Montpellier, un parcours de formation est en cours d’élaboration, avec à la clé la possibilité d’obtenir une certification. Un tel projet permettrait de développer une communauté de contributeurs formés, tout en apportant une plus-value au monde juridique.

Illustration : © auteur participant au Concours de Dessins de justice du Village de la Justice

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice