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Contrat de prestation de soutien scolaire à domicile : absence de contrat de travail entre les parents d’élève et l’enseignant. Par Dalila Madjid, Avocat.
Parution : jeudi 13 décembre 2018
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Interrogeons-nous sur la problématique de savoir qui est le véritable employeur de l’enseignant, dans l’hypothèse où les parents signent un contrat de prestation de soutien scolaire pour leur enfant mineur.
Ils paient ainsi directement le prestataire en commandant des coupons.
La société spécialisée dans le secteur du soutien scolaire à domicile est en redressement judiciaire et l’Urssaf décide de procéder au recouvrement des cotisations sociales et majorations de retard non réglée par ladite société.

Les parents se retrouvent ainsi destinataires par exploit d’huissier, de contraintes adressées par l’Urssaf portant sur des cotisations sociales et majorations de retard non réglées par la société en redressement judiciaire.

Ainsi, dans ce cas de figure, qui est l’employeur de l’enseignant ? Existait-il un lien de subordination entre les parents de l’élève et l’enseignant ?

Dans son dernier arrêt du 28 novembre 2018 qui a fait "grand bruit", à propos de la requalification du contrat de prestation de service d’un coursier à vélo en contrat de travail, la Cour de cassation [1] a eu l’occasion de rappeler que le salarié est celui qui accomplit un travail sous un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

On peut ainsi s’en inspirer pour essayer d’élucider ces questions.

1- Rappel des différentes dispositions qui peuvent être appliquées au contrat de prestation de soutien scolaire à domicile.

Aux termes de l’article L. 7231-1 du Code du travail :

"Les services à la personne portent sur les activités suivantes :
1° La garde d’enfants ; 
2° L’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ;
3° Les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales. »

En vertu de l’alinéa 3 de l’article R.7232-7 du Code du travail :

« 3° Le demandeur de l’agrément s’engage à respecter un cahier des charges approuvé par arrêté du ministre chargé des services, du ministre chargé des personnes âgées, du ministre chargé des personnes handicapées et du ministre chargé de la famille. Ce cahier des charges précise les conditions de fonctionnement, d’organisation et, le cas échéant, de continuité des services, ainsi que les conditions de délivrance et d’évaluation des prestations, permettant de répondre aux exigences de qualité mentionnées aux articles L. 7232-1 et L. 7232-5 ; »

L’arrêté du 26 décembre 2011 fixant le cahier des charges prévu à l’article R. 7232-7 du Code du travail, précise, en ce qui concerne les obligations spécifiques au mode mandataire :

« 50. Un livret d’accueil est remis sous forme papier à chaque bénéficiaire. Il comporte au minimum :
- le nom, le statut, les coordonnées de la personne morale ou de l’entrepreneur individuel, le numéro d’agrément ;
- les coordonnées du ou des lieux d’accueil, et les jours et les heures d’ouverture ;
- les principales prestations faisant l’objet du mandat et leurs tarifs ;
- une information sur le droit à l’établissement d’un devis gratuit pour toute prestation d’un montant supérieur à 100 euros TTC par mois ou à la demande du bénéficiaire ;
- une information du bénéficiaire sur ses principales responsabilités en qualité d’employeur (paiement des cotisations sociales, respect du droit du travail et de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur) ;
- les coordonnées de l’unité territoriale ayant accordé l’agrément (...).

Toute prestation de mandataire donne lieu à l’établissement d’un contrat de mandat écrit avec le particulier employeur précisant notamment : le type et le coût de la prestation de mandat ; ses principales responsabilités en qualité d’employeur (paiement des cotisations sociales, respect du droit du travail et de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur."

Par ailleurs, l’article L. 133-2 du Code de la consommation dispose que :

« Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel. Le présent alinéa n’est toutefois pas applicable aux procédures engagées sur le fondement de l’article L. 421-6. »

La Recommandation n°10-01 relative aux contrats de soutien scolaire de la Commission des clauses abusives (BOCCRF du 25/05/2010) précise que :

« Le secteur du soutien scolaire présente une grande variété tenant à la diversité de ses acteurs (associations, centres pédagogiques, établissements privés, instituts, réseaux de franchises, professeurs indépendants).

Les contrats proposés aux non-professionnels ou aux consommateurs visent des situations extrêmement diverses, tant par la gamme très large de disciplines et de niveaux d’études concernés que par les prestations proposées allant notamment du cours individuel à domicile ou collectif dans la structure, à l’aide aux devoirs en cours d’année scolaire, en passant par des stages de pré-rentrée, de remise à niveau, de révision durant les vacances scolaires ou de préparation aux grandes écoles.

Les non-professionnels ou les consommateurs contractant avec les entreprises de soutien scolaire, sont parfois les parents d’élèves mineurs, parfois les élèves ayant atteint leur majorité.

La Commission regrette que toutes les conventions liant les professionnels du secteur aux non-professionnels ou aux consommateurs ne fassent pas l’objet d’un document contractuel préalablement écrit fixant les droits et obligations réciproques des parties.

La Commission déplore également que, lorsqu’un document contractuel est effectivement remis au non-professionnel ou au consommateur, celui-ci manque parfois de lisibilité contrairement aux exigences de l’article L. 133-2 du code de la consommation.

Il existe deux types de contrats habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants non-professionnels ou consommateurs dans le secteur du soutien scolaire : les contrats de prestations de soutien scolaire et les contrats de mandat de soutien scolaire.

Les clauses de nature à déséquilibrer significativement les relations entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, au détriment de ceux-ci sont soit des clauses propres à chaque type de contrat, soit des clauses communes aux deux types de contrats. »

La Recommandation n°2012-01, relative aux contrats de services à la personne (BO DGCCRF du 18 mai 2012), précise par ailleurs que :

« Les clauses de nature à déséquilibrer significativement les relations entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, au détriment de ceux-ci sont soit des clauses propres à chaque type de contrat, soit des clauses communes aux deux types de contrats. »

La Recommandation n°2012-01, relative aux contrats de services à la personne(BO DGCCRF du 18 mai 2012), précise par ailleurs que :

« Considérant que plusieurs contrats ayant pour objet la mise à disposition de personnel ne précisent pas clairement les droits et obligations du consommateur ou non-professionnel à l’égard de l’intervenant, sur lequel il exerce pourtant un rôle d’encadrement ;

Considérant que les contrats de services à la personne en « mode mandataire » portent sur le placement de personnel auprès de personnes physiques employeurs ainsi que pour le compte de ces derniers l’accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l’emploi de ce personnel ; que certains de ces contrats informent insuffisamment le consommateur de sa qualité d’employeur ».

La Recommandation n°10-01 relative aux contrats de soutien scolaire de la Commission des clauses abusives (BOCCRF du 25/05/2010), définit les deux types de contrat, à savoir :

1- « I. Considérant que les contrats de prestations de soutien scolaire sont des contrats par lesquels le professionnel s’engage à fournir au non-professionnel ou au consommateur un enseignant capable de remplir les fonctions de soutien scolaire ; que cet enseignant est un employé du professionnel prestataire ».

« 2- II. Considérant que les contrats de mandat sont des contrats par lesquels la famille signataire donne à la société de soutien scolaire le pouvoir de rechercher du personnel enseignant susceptible de remplir les fonctions de soutien scolaire, d’effectuer les formalités administratives nécessaires à l’emploi de ce personnel et de rémunérer ce personnel pour son compte et en son nom ; que, dans ce type de contrat, la famille signataire est l’employeur du personnel enseignant ».

A propos des contrats de mandat de soutien scolaire, le considérant n°17 de la Recommandation n°10-01, dispose que :

« 17) Considérant que, dans certains contrats, les éléments constitutifs du contrat de travail liant l’enseignant et le non-professionnel ou le consommateur ne sont pas réunis ; que la clause désignant le signataire du contrat comme l’employeur de l’enseignant est alors abusive en ce qu’elle laisse croire au non-professionnel ou au consommateur qu’il est nécessairement l’employeur et qu’elle lui en fait supporter les obligations ».

Ainsi, la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminés des contrats de mandats de soutien scolaire, les clauses ayant pour objet ou pour effet :

« 17)De laisser croire au non-professionnel ou au consommateur qu’il est nécessairement l’employeur de l’enseignant et de lui faire supporter les obligations d’un contrat de travail, lorsque les éléments constitutifs d’un tel contrat ne sont pas réunis. »

Le 24 juin 2008, la Cour d’appel de Toulouse a rendu un arrêt dans lequel, elle a été amenée à juger deux sociétés, l’une qui fonctionne en recrutant et en salariant des professeurs, elle travaille sur le mode prestataire et l’autre fonctionnant sur un double mandat reçu tant des parents que des professeurs, l’employeur étant les parents, elle travaille sur le mode mandataire :

« Attendu, sur les articles L.129-1 et L.129-2 tels qu’issus de la loi du 26 juillet 2005, qu’ils permettent l’activité de mandataire agréé dans les services à la personne ; que toutefois, dans cette hypothèse, la seule possibilité de rémunération du mandataire est de percevoir uniquement des employeurs une contribution représentative de ses frais de gestion (…).

Attendu en effet que la qualification et l’agrément d’une entreprise ne doivent pas masquer une activité illicite ; qu’en l’espèce la société X exerce une activité illicite si elle est le véritable employeur du professeur (…).

Attendu qu’il est largement fictif de prétendre que les parents sont les véritables employeurs et que les enseignants mandatent la société X pour les tâches administratives qui leur auraient incombé ; qu’en réalité c’est la société X qui anime et organise le système qu’elle a élaboré, qui recrute les professeurs dans la rubrique offres d’emploi, qui les sélectionne, qui les forme, qui les affecte à tel élève, qui recueille leur adhésion sur une grille de rémunération et leur paye leur salaire après en avoir déduit ses redevances ; que la qualité d’employeur se déduit d’une série d’interventions de la société X en matière de recrutement, en matière de formation, en matière d’organisation du travail et en matière de rémunération ; (…) ; que les mandats des professeurs, sinon des parents, y apparaissent purement fictifs. »

2. Les éléments constitutifs du contrat de travail entre l’enseignant et les parents d’élève ne sont pas réunis.

Il y a lieu de rappeler que le contrat de travail résulte de la réunion de quatre éléments :

1°-l’obligation pour l’employeur de fournir une tâche à exécuter,

2°- L’exécution effective d’une prestation de travail : « est une prestation de travail soumise au droit du travail une prestation exécutée non à titre d’activité privée, mais dans un lien de subordination, pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique, une activité (…) » [2],

3°- Le versement d’une rémunération,

4°- Le lien de subordination :« l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. »

Selon la Cour de cassation, l’Urssaf poursuit à tort le recouvrement des cotisation sociales sur les primes de match des arbitres (pas de lien de subordination) ou sur les sommes versées aux joueurs dans le cadre d’actions commerciales ou de sponsoring par la FFF (pas de pouvoir de direction, de contrôle et de sanction) [3]

Dans le cas d’espèce, où les parents ont signé un contrat de prestation auprès de la société de soutien scolaire à domicile, ces derniers ne peuvent être considérés comme l’employeur de l’enseignant recruté par ladite société.

En effet, la qualité d’employeur se déduit d’une série d’interventions de la société en matière de recrutement, en matière de formation, en matière d’organisation du travail et en matière de rémunération.

D’une part, c’est la société qui anime et organise le système qu’elle a élaboré, qui recrute les professeurs dans la rubrique offres d’emploi, qui les sélectionne, qui les forme, qui les affecte à tel élève, qui recueille leur adhésion sur une grille de rémunération et leur paye leur salaire après en avoir déduit ses redevances.

Le professeur est proposé par la société aux parents. Il existe un processus de sélection opéré par la société qui porte tant sur le niveau que sur la compétence et sur la présentation du candidat enseignant.

Ainsi, l’obligation de fournir une tâche à exécuter aux enseignants, incombait à la société et non aux parents.

C’est grâce à la société que les enseignants exécutaient une prestation de travail.

Par conséquent, le mandat des parents, y apparait purement fictif.

D’autre part, concernant la rémunération, les parents signataires ont commandé à la société le nombre de coupons qu’ils souhaitent consacrer aux cours particuliers à domicile. En contrepartie la société a envoyé aux parents le nombre de coupons correspondant, chaque coupon représentant le salaire d’une heure de cours.

Le professeur retourne les coupons à la société pour percevoir son salaire.

Par conséquent, un élément essentiel du contrat de travail, à savoir le salaire, est calculé et versé par la société et non pas par les parents. Et la société payait directement à l’Urssaf ses cotisations sociales.

Et enfin, il n’existait aucun lien de subordination entre les parents signataires et l’enseignant qui venait assurer les cours à domicile pour les enfants. Les parents n’exerçaient sur l’enseignant aucun pouvoir de direction, ni de contrôle. En effet, il ne recevait ni directives, ni instructions de la part des parents signataires. Ils n’avaient, de surcroît, aucun pouvoir de sanctionner les manquement de l’enseignant.

Par conséquent, les éléments constitutifs du contrat de travail liant les parents signataires à l’enseignant ne sont pas réunis, et notamment, l’élément essentiel et déterminant, à savoir, le lien de subordination n’existait pas entre eux. Les parents n’ont, dés lors pas la qualité d’employeur.

Ainsi, les contraintes signifiées par l’Urssaf aux parents ne sont pas justifiées, dés lors que ces derniers ne sont pas l’employeur de l’enseignant.

3. Le mandat fictif.

Autre élément important à préciser, il arrive que les parents d’élève mineur ou l’élève majeur, n’aient signé ni de contrat de mandat, ni de contrat de prestation avec la société de prestation de soutien scolaire à domicile.

Les parents ont pu être contacté par internet par la société, qui a activé son compte par un simple envoi d’un courriel.

Par courriel, la société leur transmet le devis pour les cours à domicile, qui peut être rédigé dans ces termes « les cours à 50% : en tant qu’employeur du professeur, vous bénéficiez d’une réduction ou d’un crédit d’impôt de 50% sur chaque heure de cours (art. 199 sexdéciès du CGI sur les services à personne) ».

Ainsi, en vertu des dispositions de l’arrêté du 26 décembre 2011 fixant le cahier des charges prévu à l’article R. 7232-7 du Code du travail : « Toute prestation de mandataire donne lieu à l’établissement d’un contrat de mandat écrit avec le particulier employeur précisant notamment :- ses principales responsabilités en qualité d’employeur (paiement des cotisations sociales, respect du droit du travail et de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, ( …) ».

Mais aussi, la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation 10-01, a clairement précisé que : « dans certains contrats, les éléments constitutifs du contrat de travail liant l’enseignant et le non-professionnel ou le consommateur ne sont pas réunis ; que la clause désignant le signataire du contrat comme l’employeur de l’enseignant est alors abusive en ce qu’elle laisse croire au non-professionnel ou au consommateur qu’il est nécessairement l’employeur et qu’elle lui en fait supporter les obligations ».

De plus, conformément à la loi du 31 décembre 1991, l’agrément de l’Etat étant obligatoire pour les entreprises qui se consacrent exclusivement aux services rendus aux personnes physiques, lorsqu’elles souhaitent que la fourniture de leurs services au domicile des personnes physiques ouvre droit au bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 sexdecies du Code général des impôts.

Or, la Commission des clauses abusives dans sa recommandation n°2012-01, a précisé qu’une clause est abusive lorsqu’elle a pour effet ou objet : « De laisser croire au consommateur ou au non-professionnel que l’avantage fiscal prévu pour l’emploi de personnes à domicile lui est automatiquement acquis ».

Par conséquent, eu égard à ces éléments, les parents en question ne peuvent être liés par un contrat de mandat mais bel et bien par un contrat de prestation avec la société, qui répond à la définition de la commission des clauses abusives, à savoir, un contrat par lequel la société s’engage à fournir au non-professionnel, c’est-à-dire, aux parents, un enseignant capable de remplir les fonctions de soutien scolaire. Que cet enseignant est un employé du professionnel prestataire.

En somme, dans les cas de figure susvisés, le véritable employeur des enseignants est la société de prestation de cours particuliers à domicile et non les parents d’élève mineur ni même l’élève majeur.

Dalila Madjid Avocat au Barreau de Paris e-mail: dalila.madjid@avocat-dm.fr blog : https://dalilamadjid.blog site : http://www.avocat-dm.fr/

[1Cass. soc. 28 nov. 2018 n°17 -20079.

[2Cass. Soc. 3 juin 2009 n°08-40981, n°08-40982, n°08-40983, n°08-41712, n° 08-41713, n° 08-41714.

[3Cass. Soc. 22 janvier 2009 n°07-19039, n°07-19105.