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Caducité de la déclaration d’appel dans la procédure sans représentation obligatoire. Par Romain Laffly, Avocat.
Parution : mardi 18 décembre 2018
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Une cour d’appel ne peut retenir la sanction de caducité de la déclaration d’appel dans une procédure sans représentation obligatoire.

Civ. 2e, 15 nov. 2018, F-P+B, n° 17-22.817

À voir le nombre de caducités et d’irrecevabilités prononcées depuis l’entrée en vigueur des décrets Magendie et du décret du 6 mai 2017, on en oublierait presque que certaines procédures échappent à ces sanctions devant la cour d’appel. C’est sans doute l’écueil de la cour d’appel de Bourges et des parties dans cette affaire.

Le juge aux affaires familiales, sur recours fondé sur l’article L. 132-7 du code de l’action sociale et de la famille formé par un conseil départemental, condamne des descendants à contribuer aux frais d’hébergement d’une personne dépendante hébergée dans un établissement spécialisé.
Ceux-ci forment deux déclarations d’appel contre le jugement et le conseiller de la mise en état prononce la caducité partielle de l’une des déclarations d’appel par ordonnance n’ayant pas fait l’objet d’un déféré.

Toutefois, la Cour d’appel de Bourges, en raison de l’indivisibilité du litige, constate la caducité des deux déclarations d’appel faute de signification, par application de l’article 911 du code de procédure civile, des conclusions au département intimé. L’ensemble des héritiers forme un pourvoi en soutenant notamment que seule la caducité partielle était encourue, que la cour ne pouvait d’office relever le moyen d’indivisibilité sans inviter les parties à présenter leurs observations et que la dette d’aliments des enfants envers leurs parents était de nature divisible.

La deuxième chambre civile casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt dès lors que la cour d’appel avait retenu la sanction de caducité de la déclaration d’appel qui est propre à la procédure avec représentation obligatoire.

Alors que les demandeurs au pourvoi attendaient une réponse de la Haute juridiction sur le caractère indivisible ou non du litige relatif à la contribution aux dettes d’aliments, qui induisait que la déclaration d’appel était soit caduque totalement, soit caduque partiellement, celle-ci contourne aisément la difficulté avec une solution bien plus simple : la sanction de caducité n’est encourue que dans les procédures avec représentation obligatoire.

En effet, relevant d’office le moyen par application de l’article 1015 du Code de procédure civile, la Cour de cassation, au visa de l’article R. 132-10 du code de l’action sociale et de la famille rappelle que « l’appel formé contre le jugement du juge aux affaires familiales rendu sur recours fondé sur l’article L. 132-7 du code de l’action sociale et de la famille est jugé conformément aux dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire ».

L’article L. 132-7 dispose qu’« En cas de carence de l’intéressé, le représentant de l’État ou le président du conseil départemental peut demander en son lieu et place à l’autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l’État ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part de l’aide sociale » et l’article R. 132-10 précise que lorsque les recours prévus aux articles L. 132-7 et L. 132-8 sont portés devant le tribunal de grande instance ou la Cour d’appel, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. C’est donc la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel qui s’applique, c’est-à-dire celle régie par les articles 931 et suivants du code de procédure civile. Point donc de sanctions de caducité et d’irrecevabilité telles que connues dans la procédure avec représentation obligatoire des articles 900 et suivants du code de procédure civile.

Rappelons que dans la procédure sans représentation obligatoire, l’article 946 du Code de procédure civile, qui mentionne que la procédure est orale, ajoute aussi que « La cour ou le magistrat chargé d’instruire l’affaire qui organise les échanges entre les parties comparantes peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès de la cour dans les délais qu’elle impartit ».

En l’espèce, on ne sait si le conseiller de la mise en état et la Cour se sont fourvoyés en raison de l’utilisation de la communication électronique par les appelants pour relever appel et remettre leurs conclusions au greffe (à le supposer possible dans une procédure sans représentation obligatoire…), mais il est certain que le conseiller de la mise en état n’avait pas ici sa place. Car non seulement le conseiller de la mise en état ne pouvait retenir une caducité, fût-elle partielle, puisqu’il n’y avait pas de caducité prévue par les textes, mais dès lors qu’il n’y avait pas de mise en état, il n’y avait pas non plus de conseiller de la mise en état ! Et la Cour, statuant au fond, ne pouvait pas plus retenir une sanction de caducité qui ne prévaut qu’en matière de représentation obligatoire.

Pour autant, il ne faut pas en déduire qu’aucune sanction n’est encourue si une partie se dispense de communiquer ses conclusions à l’égard d’une partie dans une procédure sans représentation obligatoire.
Certes, ce n’est pas la caducité de l’article 911 qui sanctionnera le non-respect de l’obligation de signifier ses conclusions aux parties non constituées au plus tard dans le mois suivant le délai pour conclure des articles 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile, mais la Cour pourra constater que les conclusions, non communiquées, sont inopposables à la partie à l’égard de laquelle les écritures n’ont pas été dénoncées.

L’absence de sanction calendaire en procédure sans représentation obligatoire n’est pas synonyme d’absence de sanction, et le juge doit toujours veiller, par application de l’article 16 du code de procédure civile, au respect du principe du contradictoire.

Article paru initialement sur Dalloz Actualité.

Romain Laffly associé chez Lexavoue Lyon.
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