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La proposition de loi sur les violences dans les manifestations : une réponse sévère. Par Alexis Deprau, Docteur en droit.
Parution : mercredi 19 décembre 2018
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Le 23 octobre 2018, et avant transmission à l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs.

Dans le cadre du probable article L. 211-3-1 du Code de la sécurité intérieure (ci-après CSI), il est ainsi proposé un périmètre de protection « pendant les six heures qui précèdent la manifestation et jusqu’à dispersion », dans la zone où se situe la manifestation. Dans ce périmètre, les agents habilités pourront procéder à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle ainsi qu’à la fouille des bagages. Un parallèle peut être fait avec le périmètre de protection dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, puisque la loi 2017-1510 du 31 octobre 2017 (créant l’article L. 226-1 CSI), permet de telles mesures de surveillance et de fouille.
La nouveauté introduite ici est l’interdiction d’accès, ou la reconduite d’office à l’extérieur du périmètre pour tout individu qui refuserait de se soumettre à un tel contrôle.

La proposition de loi inclut par ailleurs (futur article L. 211-4-1 CSI) d’interdire tout individu de prendre part à une manifestation pour lequel « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », et qui s’est soit rendue coupable d’infractions lors de ces manifestations, soit « appartient à un groupe ou entre en relation de manière régulière avec des individus incitant, facilitant ou participant à la commission de ces mêmes faits ». Sur les interdictions de manifester, le parallèle peut être rapidement fait avec les manifestations lors de la loi Travail. Si des interdictions de manifester avaient été émises, le juge administratif les censura, et les individus qui purent alors manifester avec cette censure par le juge administratif, furent pour partie les mêmes qui incendièrent la voiture de police.

Cette interdiction est complétée par une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.

Pour éviter que les individus concernés se déplacent, quand bien même ils ne devraient pas y aller, ceux-ci pourraient être obligés de se déplacer à un commissariat au moment de la manifestation.
Ce (futur) article 131-32 du code pénal. Cette mesure peut être rapprochée de ce qui existe déjà à l’article L. 332-16 du code du sport, concernant une personne interdite temporairement d’accès à un stade, qui se voit obligée de « pointer » au commissariat lorsque le match de football a lieu.

Outre les restrictions apportées en matière de droit à manifester, c’est la dissimulation volontaire du visage, qu’elle soit totale ou partielle, qui a été axée dans cette proposition de loi. Cette dissimulation du visage pouvant être punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

Dans le potentiel article 431-10 du code pénal, le législateur a encore proposé d’interdire des fusées ou artifices lors de manifestations, en sus d’armes (ce qui ici se comprend logiquement), pourra être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

De manière assez symptomatique, le législateur propose donc des réponses judiciaires sévères aux violences commises lors de manifestations, se focalisant sur les groupes dits « Black-blocs » (mais encore aujourd’hui sur les Gilets jaunes), avec une proposition de loi hybride, mêlant mesures propres au terrorisme (périmètres de protection), et mesures liées aux violences commises lors des matchs de football (convocations à se déplacer au commissariat lors des événements).

Alexis Deprau, Docteur en droit, élève-avocat à l'EFB