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Quelle législation pour les chiens catégorisés ? Par Alexandra Ferreira-Renard, Juriste.
Parution : vendredi 21 décembre 2018
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La législation concernant les chiens catégorisés, malgré son retentissement médiatique est finalement une législation mal connue. En effet, beaucoup de citoyens se posent des questions concernant les obligations qui en découlent pour les propriétaires ou en font une interprétation personnelle totalement farfelue.
Nous allons donc faire le point sur les objectifs de cette législation, voir si l’effet dissuasif escompté a été atteint et où en est-on aujourd’hui, date anniversaire de ses vingt ans.

Quelle est donc réellement le contenu de cette législation ?

Pour commencer il faut définir ce qu’est un chien catégorisé et quelles sont les différentes catégories.
La loi du 09 janvier 1999 [1] a fait une distinction principale entre les chiens de première catégorie (dits d’attaque) et de deuxième catégorie (dits de garde et de défense).

Les chiens qui rentrent dans la première catégorie sont les chiens de races American Staffordshire terrier, Mastiff et Tosa non inscrits au Livre des Origines Françaises (LOF) ainsi que tous chiens non inscrits au LOF assimilables morphologiquement à ces races là [2].

Les chiens de deuxième catégorie sont les Rottweiler (LOF ou non), les American Staffordshire terrier inscrits au LOF et les Tosa inscrits au LOF [3].

Cette législation a ensuite été complétée par la loi du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux [4].
Depuis 2010, toute personne détenant un chien catégorisé doit réunir tous les documents suivants :
- l’attestation d’assurance responsabilité civile couvrant les dommages causés par le chien ;
- l’attestation d’aptitude (effectuée par le maître) ;
- l’évaluation comportementale du chien ;
- le certificat d’identification du chien [5].

Ensuite, elle doit faire procéder à :
- la vaccination antirabique ;
- la stérilisation de l’animal pour les chiens/chiennes de première catégorie.

Tous ces documents et actes permettent ensuite d’obtenir le permis de détention.

Les chiens de première catégorie sont interdits à la vente, au don, à l’importation, à l’introduction en France, à la reproduction ainsi qu’à l’accès aux lieux publics. Les chiens de deuxième catégorie peuvent accéder aux lieux publics mais muselés et tenus en laisse.
Certaines personnes ont l’interdiction de détenir un chien catégorisé. Il s’agit des mineurs, des majeurs sous tutelle, des personnes condamnées pour crime ou délit, des personnes auxquelles la garde d’un chien a déjà été retiré à cause de sa dangerosité.

Pour certaines situations accidentelles ou non les sanctions seront aggravées s’il s’agit d’un chien catégorisé ou dangereux [6] .

L’application réelle de cette législation ?

En pratique force est de constater que cette législation n’est pas respectée par toutes les personnes détenant ces races de chiens. Beaucoup ne se mettent pas en règle ce qui conduit au retrait du chien, à son placement, son abandon ou même son euthanasie [7].
A l’inverse, il peut arriver que des documents ou actes qui n’ont pas lieu de l’être soient exigés ou que des confusions de races aient lieu, d’où l’importance de connaitre les détails de cette législation.

Les lacunes de cette législation ?

Elle ne prend pas en compte toutes les autres races de chiens ni le fait que les chiens de races Labrador, Berger Allemand et Jack Russel font partie des chiens les plus mordeurs selon une étude de cas réalisée par l’Institut National de Veille sanitaire (parce que ce sont les chiens les plus possédés par les français). Cette étude a même confirmé qu’il n’y avait pas d’après les résultats observés dans les services d’urgences, de races prédisposées aux morsures. Les chiens de première catégorie, eux, ne représentent que 2 % de ces morsures [8]. De plus cette législation pénalise des propriétaires qui voudraient avoir ces races de chiens par passion et de manière responsable mais qui ne peuvent pas [9]. Cela a conduit à une augmentation d’abandons de ces chiens et à un trafic clandestin parallèle ainsi qu’à de nombreuses euthanasies. Certains chiens notés ¼ selon leur évaluation vont donc finir leur vie en refuge ou être euthanasiés par « délit de sale gueule » alors qu’ils sont moins dangereux qu’un Berger Allemand ou un Labrador non évalué et mal éduqué (La circulaire de 2010 est inadaptée à la réalité [10]).

L’objectif de faire disparaître les chiens de races types staff a-t-il été atteint ? Non absolument pas, il y a de plus en plus de chiens de ces races là ou typés et beaucoup n’ont pas de pedigree. Pourquoi ? Leur prix est élevé en élevage habilités, les contraintes légales sont jugées trop décourageantes et il est plus simple de les acheter sur internet ou de les faire reproduire clandestinement. La demande crée l’offre.

Quid des chiens de race Dogue Argentin ou American Bully par exemple ? Tous les deux ont une mâchoire puissante, mais le premier n’est pas catégorisé, alors que le second peut l’être suivant ses caractéristiques morphologiques, quel que soit son registre.

Cette loi n’a pas non plus mis en place de permis canin généralisé et c’est bien regrettable lorsque l’on voit le nombre d’actes de cruauté, de cas de maltraitances ou tout simplement d’erreurs d’éducation commis chaque année en France, quelle que soit la race du chien. On attend donc du législateur une évolution de ces dispositions rapidement afin d’obtenir une loi plus juste et qui prenne en compte la réalité : c’est le propriétaire qui doit être éduqué afin de pouvoir éduquer correctement à son tour l’animal, quel qu’il soit !

Alexandra Ferreira-Renard Juriste

[2Attention, il est intéressant de faire une diagnose de race à tout chien assimilable à ces races là car suivant ses caractéristiques morphologiques, il peut être déclassé et donc n’appartenir à aucune de ces deux catégories. Cette diagnose peut changer la vie aussi bien du chien que du propriétaire.

[5NB : l’identification de tout carnivore domestique est obligatoire selon l’article L212-10 du code rural.

[6Enfreindre ces interdictions peut conduire au placement du chien en fourrière et à son euthanasie. Le propriétaire encourt une condamnation à diverses contraventions partant de la deuxième classe jusqu’à 150.000 euros et pouvant aller jusqu’à une peine de 10 ans de prison ferme.

[9Les chiens de première catégorie sont interdits dans certains logements et leur détention occasionne des frais supplémentaires.