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Nouveau divorce par consentement mutuel : le juge nous manque ! Par Myriam Maynadier, Avocat.
Parution : jeudi 3 janvier 2019
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La réforme du divorce par consentement mutuel avait pour objectif premier de dessaisir le juge d’un contentieux qui n’en n’était pas un (aux yeux de certains). Inutile de voir le juge quand tout va bien dans le meilleur des Mondes.
Ainsi soit-il ! Un divorce plus simple, plus rapide… accessible à tous !
Vraiment ?
A l’usage – cette nouvelle procédure de divorce amiable « sans juge » présente ses limites… surtout pour les plus démunis.

Exemple 1 :
Monsieur X et Madame Y qui se sont séparés après 3 mois de mariage. Une erreur de jeunesse !
Toujours mariés, Monsieur X vit à Marseille, Madame Y à Lille.
Madame Y est aujourd’hui enceinte de son compagnon et souhaite divorcer avant la naissance de son enfant. Elle contacte Monsieur Y qui est également d’accord pour divorcer.

Les conséquences du divorce ne posent aucune difficulté : il n’y a pas de bien à partager, de prestation compensatoire à prévoir…
Situation parfaitement adaptée à un divorce amiable. Or cette procédure est impossible : aucun des deux époux n’a les moyens de financer le déplacement pour signer la convention de divorce.

Or, aux termes de l’article 1145 du code de procédure civile, alinéa 1 : la convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble c’est-à-dire, dans la même ville, le même cabinet d’avocat, autour du même bureau et au même moment.

Lorsque le divorce amiable était judiciaire, l’un des époux pouvait être entendu par un juge sous commission rogatoire. Aujourd’hui impossible ! L’accès à la nouvelle procédure de divorce amiable est donc inaccessible au couple qui ne peut s’offrir le voyage pour aller signer la convention de divorce.

Exemple 2 :

Un couple décide de divorcer. Les deux époux sont d’accord sur toutes les conséquences du divorce notamment concernant leurs deux enfants mineurs : la résidence sera fixée au domicile maternel, le père exercera un droit de visite et d’hébergement une fin de semaine sur deux ainsi que la moitié des vacances scolaires en alternance. Concernant la pension alimentaire, force est de constater l’impossibilité actuelle pour le père d’en verser une, il est bénéficiaire du RSA.

Lorsque le débiteur d ‘une pension alimentaire est insolvable, c’est la C.A.F - ou la M.S.A - qui règle au parent ayant la charge des enfants communs l’A.S.F (Allocation de Soutien Familial).
Dans le cadre d’une procédure de divorce judiciaire, il suffit que le Juge constate l’insolvabilité du parent débiteur et la simple présentation de la décision judiciaire à la CAF - ou la MSA - suffit pour que l’autre parent perçoive l’ASF.
Dans le cas d’un divorce amiable, la CAF - ou la MSA - ne verse pas l’ASF lorsque l’insolvabilité du débiteur est mentionnée dans la convention de divorce. Fort légitimement, ces organismes sociaux ne se contentent pas d’une auto proclamation d’insolvabilité pour verser une allocation.

L’accès à la nouvelle procédure de divorce amiable est donc inaccessible au couple parental dont le débiteur de la pension alimentaire est insolvable.

Dès l’entrée en vigueur de la procédure de divorce par consentement mutuel par acte d’avocats, les praticiens ont mesuré les limites de cette réforme notamment en présence d’un élément d’extranéité au dossier.

Mais les avocats découvrent au fil du temps et des dossiers, des difficultés qui les contraignent à envisager une procédure de divorce judiciaire du seul fait de la situation matérielle de leurs clients.

A l’heure où se pose la question de l’accessibilité au juge - donc à la justice - une nouvelle question voit le jour : le nouveau divorce amiable est-il accessible aux plus démunis ?

Myriam MAYNADIER AVOCAT
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