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Des précisions bienvenues sur la participation d’une collectivité au capital d’une société publique locale. Par Anne-Margaux Halpern, Avocate.
Parution : jeudi 3 janvier 2019
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Par un arrêt du 14 novembre 2018 (req. n°405628), le Conseil d’État a apporté un éclairage très attendu sur la possibilité, ou non, pour une collectivité, d’être membre d’une société publique locale (SPL) alors même qu’elle n’exercerait pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de ladite société. Adoptant une interprétation stricte des dispositions de l’article L. 1531-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le Conseil d’État a jugé qu’une collectivité pouvait être actionnaire d’une SPL, sous réserve qu’elle exerce, non pas quelques-unes, mais l’ensemble des compétences constituant l’objet social de la SPL.

Dans cet arrêt d’espèce, le Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles (ci-après « SMADC ») a été institué pour « valoriser l’environnement et les ressources naturelles dans une perspective de développement durable du territoire ».

Par délibération du 29 mai 2013, le comité du SMADC a approuvé, d’une part, la transformation d’une société d’économie mixte en société publique locale dénommée société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public (SEMERAP), et, d’autre part, les statuts de cette dernière.

Conformément à ses statuts, cette société pouvait se voir confier des missions relatives aux services publics de l’eau potable, de l’assainissement collectif, de l’assainissement non collectif, du traitement des déchets et de l’entretien et du suivi des bassins d’eau, des missions relatives à la collecte, au transport, au stockage, au traitement des eaux pluviales et à l’élimination de boues détruites et des missions relatives à la surveillance, à l’entretien et au contrôle des infrastructures de défense incendie extérieure.

Dans le cadre de son contrôle de légalité, le Préfet du Puy-de-Dôme a saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir relevé que l’objet social de la SPL excédait les compétences du Syndicat. Par un jugement en date du 1er juillet 2014, la délibération a été annulée.

Le SMADC a interjeté appel du jugement devant la Cour administrative d’appel de Lyon. Par un arrêt du 4 octobre 2016 (n°14LY02753), la Cour a rejeté l’appel du Syndicat et confirmé le jugement. Plus précisément, après avoir relevé que les dispositions de l’article L. 1531-1 du CGCT permettaient à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d’être membre d’une société publique locale dont la partie prépondérante des missions n’outrepassait pas son domaine de compétence, la Cour a jugé que l’objet de la SEMERAP excédait « de façon prépondérante » les compétences du Syndicat et que par suite, la participation de la collectivité au capital de la SPL était illégale.

Saisi de deux pourvois en cassation formés par le SMADC et la SEMERAP, le Conseil d’État a joint les deux affaires. Après avoir censuré le raisonnement suivi par la Cour administrative d’appel de Lyon, le Conseil d’État a annulé les articles 2, 3 et 4 de l’arrêt du 4 octobre 2016 et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Lyon.

Plus précisément, après avoir interprété strictement les dispositions de l’article L. 1531-1 du CGCT aux termes desquelles « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général. Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres […] », le Conseil d’État a jugé que pour qu’une collectivité soit actionnaire d’une SPL, elle devait nécessairement exercer les compétences constituant l’objet social de la SPL. Ainsi, le Conseil d’État a exigé une totale adéquation entre les compétences exercées par la collectivité et l’objet de la SPL.

Le Conseil d’État a toutefois assorti cette exigence d’une exception non négligeable : il a rappelé que dans l’hypothèse d’un transfert de compétences à un établissement public de coopération intercommunale, la participation de la collectivité au capital de la SPL pouvait perdurer – alors même qu’elle n’exercerait plus la compétence - sous réserve que la collectivité cède à l’établissement public plus des deux tiers des actions qu’elle détenait antérieurement au transfert de compétences.

Il ressort donc de cet arrêt que :
• par principe : la participation d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales à une SPL est exclue lorsque cette collectivité territoriale ou ce groupement de collectivités territoriales n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société ;
• par exception : une collectivité ou un groupement de collectivité peut rester membre d’une SPL, postérieurement au transfert d’une compétence à un établissement public de coopération intercommunale, sous réserve de céder à ce dernier plus des deux tiers des actions détenues antérieurement au transfert de compétences.

Anne-Margaux HALPERN Avocate