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Départ négocié : 15 questions-réponses ! Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : vendredi 4 janvier 2019
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Vrai ou faux ? Testez vos connaissances sur le départ négocié en répondant aux 15 questions ci-dessous. Comptez vos points !

1/ Je n’ai pas droit à une indemnité de rupture si je suis à l’origine de la rupture conventionnelle.

Faux ! À l’occasion de la rupture conventionnelle, le salarié doit obligatoirement percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. (C. trav. art. L. 1237-13).

Son montant ne peut pas être inférieur au montant de l’indemnité légale de licenciement, ou de l’indemnité prévue par la convention collective, si le taux de cette dernière est plus favorable au salarié.

À défaut d’indemnité de rupture conventionnelle, ce dispositif de rupture ne peut pas être homologué par la DIRECCTE, ou autorisé par l’inspecteur du travail (pour les salariés protégés).

L’employeur ne peut donc pas priver le salarié de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et le salarié ne peut pas y renoncer (le versement de l’indemnité étant « d’ordre public »).

2/ Les indemnités de rupture sont exonérées d’impôt sur le revenu.

Vrai (ou presque) ! Les indemnités de rupture (indemnité de licenciement, de rupture conventionnelle et indemnité transactionnelle) sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :
• Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ;
• Soit 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le PASS (243.144 € en 2019) ;
• Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

L’exonération fiscale est donc très intéressante même si elle n’est pas absolue pour les indemnités très importantes.

Dans ce dernier cas, le recours à l’indemnité forfaitaire de conciliation peut être opportun [1]

3/ Je n’ai pas droit aux allocations d’assurance chômage si je suis licencié pour faute grave.

Faux ! La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise [2]

La faute grave est privative d’indemnité de préavis (C. trav. art. L. 1234-5). Par ailleurs, elle ne donne pas droit à l’indemnité de licenciement (C. trav. L. 1234-1).

En revanche, contrairement à une « légende urbaine », le salarié licencié pour faute grave peut prétendre aux allocations d’assurance-chômage.

En effet, tous les motifs de licenciement, sans aucune exception, ouvrent droit aux allocations Pôle Emploi.

Cette solution est même applicable à la faute lourde, alors que celle-ci suppose que le salarié a commis une faute dans l’intention de nuire à l’employeur.

4/ La transaction ne permet pas de rompre le contrat de travail.

Vrai ! La transaction est un acte conclu entre l’employeur et le salarié, après la rupture du contrat de travail, destiné à mettre fin à tout litige moyennant le versement d’une indemnité transactionnelle au salarié.

La transaction peut intervenir après un licenciement, après une démission ou après une rupture conventionnelle, lorsque le salarié conteste la rupture et que le litige est réglé à l’amiable avec l’employeur.

La transaction conclue avant la rupture du contrat de travail est nulle et de nul effet.

5/ L’indemnité conventionnelle de licenciement est toujours plus favorable que l’indemnité légale.

Faux ! L’indemnité légale de licenciement est due au salarié qui compte - au moins – 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise.

L’indemnité ne peut pas être inférieure aux montants suivants (C. trav. art. R. 1234-2) :
- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années,
- 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de la 11ème année.

L’indemnité légale de licenciement ne constitue qu’un plancher, et la plupart des conventions collectives prévoient un mode de calcul plus favorable au salarié, qui doit donc être appliqué.

Il arrive cependant que des conventions collectives prévoient un taux égal à celui de l’indemnité légale, et même inférieur.

Dans tous les cas, l’indemnité la plus favorable a vocation à s’appliquer.

6/ La démission n’ouvre droit à aucune indemnité de rupture.

Vrai ! Le salarié démissionnaire perçoit uniquement son dernier salaire, au prorata de sa date de sortie des effectifs, et son indemnité compensatrice de congés payés, correspondant aux jours acquis et non pris durant l’exécution du contrat de travail.

Il n’a pas droit à une indemnité de rupture car il est à la seule initiative du départ de l’entreprise.

Par exception, la démission permet au salarié de négocier une indemnité transactionnelle, si elle peut être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail (ex. démission en raison d’un harcèlement moral, en raison du non-paiement du salaire,…).

Dans ce cas, le salarié qui conteste sa démission peut conclure une transaction avec l’employeur et percevoir une indemnité transactionnelle.

7/ Je perds ma mutuelle après un licenciement.

Faux ! Depuis le 1er janvier 2016, tous les salariés doivent bénéficier d’une mutuelle d’entreprise.

En cas de rupture du contrat de travail, l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale prévoit que les salariés, pris en charge par l’assurance-chômage, peuvent conserver temporairement le bénéfice de leurs garanties complémentaires santé et prévoyance.

Le maintien des garanties est applicable pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail, sans pouvoir excéder douze mois (ex. 5 mois d’ancienneté : 5 mois de mutuelle, 3 ans d’ancienneté : 12 mois de mutuelle).

Le maintien de la mutuelle est totalement gratuit pour le salarié.

Durant la période de maintien, le salarié et ses ayant-droits bénéficient de la même couverture que durant l’exécution du contrat de travail.

La solution est identique s’agissant de la prévoyance.

8/ Les allocations d’assurance-chômage sont calculées sur mes 6 derniers mois de salaire.

Faux ! Le montant de l’ARE (allocation d’aide au retour à l’emploi) est déterminé à partir des salaires perçus avant la rupture du contrat de travail, y compris les primes si elles ne sont pas versées en raison de la rupture du contrat.

L’ARE est calculée sur la base des 12 derniers mois de salaire et des primes afférentes qui précèdent le dernier jour travaillé et payé.

Les éléments de calcul doivent figurer sur l’attestation Pôle Emploi ou sur la déclaration sociale nominative effectuée par l’employeur.

Les indemnités de rupture du contrat de travail (au sens large : indemnités de licenciement, indemnités de rupture conventionnelle, indemnités de préavis, indemnité compensatrice de congés payés) n’entrent pas en compte dans le salaire de référence servant au calcul de l’allocation.

9/ Mon employeur a le droit d’engager une personne en CDI à mon poste si je suis en congé parental.

Vrai ! Le congé parental d’éducation suspend le contrat de travail du ou de la salarié/e.

Pendant cette période, l’employeur peut engager un remplaçant en CDD ou en CDI.

Cette solution est logique ou s’explique car l’entreprise doit continuer de fonctionner pendant cette période de suspension qui peut parfois durer plusieurs d’années.

En revanche, à l’issue du congé parental, le salarié doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (C. trav. art. L. 1225-55).

Ce n’est que si le poste du salarié n’est pas disponible que l’employeur peut lui proposer un poste similaire.

La notion de poste similaire correspond à un emploi supposant les mêmes attributions, la même durée du travail et la même rémunération.

Cette notion donne lieu à beaucoup de litiges et il est fréquent que le ou la salarié/ négocie son départ de l’entreprise lors de son retour dans l’entreprise à l’issue d’un congé parental.

10/ L’indemnité de licenciement n’entraîne pas de délai de carence Pôle Emploi.

Faux ! Pôle Emploi calcule un différé spécifique au salarié qui a touché des indemnités liées à la rupture du contrat de travail, quelle que soit leur nature, « dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. »

Ce différé concerne donc les salariés qui ont perçu de leur employeur, lors de la rupture du contrat de travail, des indemnités supérieures à celles strictement prévues par la loi (indemnités dites « supra-légales »).

Par conséquent, l’indemnité légale de licenciement n’entraîne aucun délai de carence.

En revanche, l’indemnité conventionnelle de licenciement, si elle est plus favorable que l’indemnité légale, génère un délai de carence.

Schématiquement, les différés d’indemnisation (appelés communément « délais de carence ») sont les suivants :
- Un délai d’attente de 7 jours incompressible ;
- Un différé d’indemnisation calculé en fonction des indemnités compensatrices de congés payés, calculé de la manière suivante : Indemnités compensatrices de congés payés / salaire journalier de référence ;
- Un différé « indemnités supra-légales », tenant compte des indemnités de rupture versées au-delà de l’indemnité légale de licenciement.

Le différé d’indemnisation spécifique est limité en principe à 150 jours calendaires, sauf en cas de rupture du contrat de travail pour motif économique où il est limité à 75 jours calendaires.

Ce différé est calculé comme suit : Indemnités supra légales ÷ 92,6.

Enfin, en cas de licenciement économique et d’adhésion au CSP (contrat de sécurisation professionnelle), l’indemnisation du salarié est immédiate.

11/ Mon employeur a le droit de me licencier lorsque je suis en arrêt maladie.

Vrai (et faux) ! Pendant un arrêt de travail lié à une maladie sans lien avec le travail, l’employeur peut licencier le salarié si son absence prolongée ou des absences répétées perturbent l’entreprise et imposent de procéder à son remplacement définitif.

Le licenciement peut donc, sous certaines conditions, être notifié au salarié pendant son arrêt de travail.

En revanche, le salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ne peut pas faire l’objet d’un licenciement, sauf cas très particuliers.

En effet, selon l’article L. 1226-9 du Code du travail, « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. »

Ces licenciements obéissent à des conditions très précises et, si elles ne sont pas respectées, le salarié peut contester son licenciement et, le cas échéant, négocier une transaction.

12/ La rupture conventionnelle n’ouvre pas droit à un préavis.

Vrai ! A compter de la date de signature de la convention par l’employeur et le salarié, chaque partie dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer un droit de rétractation.

A l’expiration de ce délai, la convention peut alors être envoyée à la DIRECCTE pour être homologuée.

La DIRECCTE dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour homologuer la rupture conventionnelle.

En cas d’homologation expresse ou tacite, le contrat de travail est rompu.

La date de rupture du contrat se situe au plus tôt le lendemain de l’homologation, mais peut être postérieure, si les parties en ont décidé ainsi.

En revanche, la notion de préavis n’existe pas lors d’une rupture conventionnelle.

La date de fin du contrat est simplement décidée par les parties en tenant compte des étapes précitées.

13/ Je peux gagner plus d’argent en négociant mon départ que devant le conseil de prud’hommes.

Vrai (ou pas…) ! Lorsque le salarié est en poste et que l’employeur souhaite son départ, le salarié dispose d’un levier de négociation important.

En effet, l’employeur aura tendance à verser une indemnité plus importante pour rompre rapidement le contrat de travail.

Ainsi, de manière paradoxale, une négociation de départ peut être plus intéressante pour le salarié, d’un point de vue financier.

Toutefois, une ordonnance « Macron » a introduit des planchers et des plafonds, applicables à l’indemnité pour licenciement abusif, de nature à diminuer le « potentiel de gain » du salarié.

Ces planchers et plafonds sont appréciés en fonction du nombre de salariés dans l’entreprise et de l’ancienneté du salarié concerné [3]

Quelle que soit la situation retenue, le salarié a tout intérêt à faire appel à un avocat, afin de négocier son départ avant un éventuel licenciement.

14/ Je fais un abandon de poste. Mon employeur doit me licencier.

Faux ! Si le salarié s’absente de son travail sans motif, la première réaction de l’employeur consister généralement à l’appeler ou à lui envoyer un e-mail afin de l’interroger sur la raison de son absence.

A défaut de nouvelles, l’employeur envoie souvent une lettre recommandée avec avis de réception au salarié, afin de le mettre en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence.

Si le salarié persiste à ne pas expliquer sa situation, l’employeur peut alors le convoquer à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour abandon de poste.

Toutefois, l’employeur n’a aucune obligation d’agir de la sorte et peut se contenter de suspendre le versement du salaire…

Le salarié se retrouve alors « piégé », sauf à reprendre son poste de manière plus ou moins loyale, pour inciter l’employeur à le licencier.

15/ Il n’y a pas de cotisations sociales sur l’indemnité de licenciement.

Faux ! L’indemnité de licenciement est exclue de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 81.048 € pour 2019 (40.524 € X 2).

La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, comme les salaires. Il faut décompter environ 45 % de cotisations patronales et 25 % de cotisations salariales.

Par ailleurs, la partie qui excède le montant de l’indemnité de licenciement est toujours soumise à CSG / CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié.

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[2Cass. Soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867.

[3Voir, sur le sujet :https://www.service-public.fr/parti....

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