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Etudiants en droit : ce que les correcteurs attendent de vous !
Parution : vendredi 4 janvier 2019
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Vous connaissez bien désormais les trois exercices qui vous suivront de votre première à votre dernière année d’étude de droit : j’ai nommé le commentaire d’arrêt, la dissertation et le cas pratique. Ils seront déclinés à toutes les sauces, dans toutes les matières. Pour les dompter, vous n’avez qu’un mot en tête : méthodologie. Oui, ne le nions pas, c’est la base. Ce qui va faire de vous un "bon élève". Mais ne vous en contentez pas, et comprenez ce que vos professeurs attendent des futurs professionnels du droit que vous êtes : voici les clefs de la réussite que Véronique Nicolas, Professeur en droit [1], a confié au Village de la justice.

Le commentateur d’arrêt ou le Champollion du droit : de l’art de décrypter... 

Effectuer un commentaire d’arrêt suppose de savoir lire entre les lignes afin d’expliciter des propos d’une infinie concision dans les arrêts de la Cour de cassation ou du Conseil d’État.

Souvent les étudiants ne maîtrisant pas leur cours et/ou la jurisprudence croient satisfaire aux exigences de l’exercice en reprenant avec des mots approximatifs ce que nos hauts magistrats ont ciselé avec subtilité. Ils plagient, mal, et ne répondent pas aux attentes des correcteurs.

Commenter un arrêt consiste à expliquer à un non juriste pourquoi les magistrats ont opté pour tel raisonnement et tels termes plutôt que pour d’autres.

Commenter un arrêt consiste à expliquer à un non juriste pourquoi les magistrats ont opté pour tel raisonnement et tels termes plutôt que pour d’autres.

Parfois, il est prétendu que le commentaire d’arrêt serait inutile puisque peu d’étudiants embrassera la carrière de magistrat. C’est oublier la valeur que véhicule cet exercice : le maniement de la rigoureuse, immuable et régulière logique des règles de droit.

Un dernier mot : copier le commentaire de tel brillant professeur ne permet pas d’obtenir une bonne note. Car celui-ci effectue rarement un commentaire tel que demandé aux étudiants. Il choisit d’évacuer tel aspect simple ou acquis pour insister sur tel autre qui l’intéresse, parfois en se référant aux propos d’un autre collègue sur le sujet voire de l’un de ses propres écrits.

La dissertation ou l’art de développer le laconisme.

La dissertation ressemble au commentaire d’arrêt en ce qu’elle débute souvent par une formule concise, minimaliste à développer en argumentant avec minutie et rigueur.

Elle répond moins à un pourquoi qu’à la narration des arguments, d’une démonstration à charge et décharge.

La dissertation consiste à demander à un étudiant de monter sur une chaire à la place d’un professeur de droit.

La dissertation consiste à demander à un étudiant de monter sur une chaire à la place d’un professeur de droit …pour qu’il fasse un cours sur le sujet donné à des étudiants, enseignants juristes. L’objectif est de tout envisager en classant les éléments accessoires de ceux qui suscitent discussions, controverses, explications en toute objectivité grâce aux diverses lectures et réflexions antérieures.

Le cas pratique ou l’art du découpage.

Le cas pratique, le mal nommé, car il ne convient pas de conclure à son caractère simpliste ou simplifié du droit au profit de la réalité commune éloignée de ces considérations.

Il ne convient pas de conclure à son caractère simpliste ou simplifié du droit au profit de la réalité commune.

L’exercice demeure fondé sur le maniement d’un problème de droit – comportant souvent des sous-problèmes de droit – à résoudre avec méthode, cohérence et donc ordre. Là se situe un aspect faisant l’objet d’une appréciation et donc notation par le correcteur. Et le raisonnement et les conclusions retenus ne valent qu’appuyés sur la vérification de chacune des conditions de toutes les règles de droit…avec l’emploi d’une précision extrême dans l’usage des mots ou expressions juridiques.

En conclusion, voici donc ces trois modes de vérification de qualités de l’étudiant. Ce sont celles recherchées par de futurs employeurs même si leurs demandes spécifiques seront, en apparence, distinctes de chacun de ces trois exercices particuliers. Or, le but n’est pas de former nos jeunes seulement au premier emploi mais à toutes les étapes de leur parcours professionnel, quel que soit celui-ci, quelle que soit l’entreprise, l’organisation, la collectivité où ils seront intégrés.

Étudiant(e)s, cultivez le respect, la rigueur et la précision une fois qu’ils sont acquis, c’est votre marque de fabrique !

Qu’ils conçoivent ces examens comme des constructions, comme des parcours de jeux digitaux et ils nous en réclameront pour chaque jour d’été (ou presque). Il faut désacraliser les difficultés.

Le respect, la rigueur et la précision représentent la spécificité des juristes par rapport à de nombreuses autres formations. Chères et chers étudiants, cultivez ces atouts une fois qu’ils sont acquis, c’est votre marque de fabrique !

Véronique Nicolas est Professeur en Droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de Nantes, et actuellement membre du Conseil National du Droit.

Propos recueillis par Nathalie Hantz Rédaction du Village de la justice

[1Véronique Nicolas est Professeur en Droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de Nantes, et actuellement membre du Conseil National du Droit.