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Le contrat de professionnalisation après la loi 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Par Sandy-David Noisette, Docteur en droit.
Parution : mercredi 9 janvier 2019
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Après la promulgation de la loi dite « avenir professionnel », nous proposons de traiter des modalités du contrat de professionnalisation qui, au sein de l’alternance, recèle un avenir évident dans l’optique de soutenir un marché à la demande incertaine.
Outre la nécessité d’accroître l’intérêt des jeunes pour cette modalité de formation, l’un des enjeux reste de développer les politiques de formation par alternance des entreprises. Le gouvernement désire en effet doubler rapidement le nombre d’alternants en France (15% au lieu de 7% aujourd’hui). Associé à des aides visant à diminuer le coût du travail, le dispositif RPA ou Pro A est notamment créé pour soutenir la demande.

La formation en alternance est un système de formation fondé sur la succession de divers temps de formation :
- en établissement de formation, public ou privé, pour la formation générale et professionnelle théorique ;
- en entreprise, du secteur public ou privé selon les types de contrat, pour la formation pratique et la période de production. On retrouve dans la formation pratique les origines paternalistes propres aux relations sociales nées au cœur des entreprises à la fin XIXe siècle.

Selon les politiques conduites, cette modalité de formation est souvent utilisée comme un moyen conjoncturel de répondre à des enjeux sociétaux structurels aux origines diverses (économiques, sociales ou juridiques) : lutte contre le chômage structurel, accompagnement des nouvelles formes d’emploi (portage salarial, auto-entrepreneuriat notamment) et de la mobilité professionnelle, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (maintien d’un équilibre constant, qualitatif et quantitatif, entre emploi et compétences), lutte pour la persévérance scolaire, lutte contre les inégalités d’éducation, amplification des capacités de fait des individus, etc. C’est en tout cas ce le dessein du législateur avec la promulgation de la loi du 5 sept. 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : celui-ci ambitionne notamment de porter le taux moyen de 7% d’apprentis chez les 16-25 ans au niveau des standards européens, soit 15%.

Juridiquement, la mise en œuvre de la formation professionnelle en alternance nécessite de conclure un contrat de travail écrit de type particulier, à durée déterminée ou non, destiné à un public ciblé (jeunes, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minima sociaux, etc.).
Deux types de contrats en alternance existent : le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation. Malgré leurs nombreux points communs, les deux contrats apparaissent plus complémentaires que concurrents : ils répondent en effet à des besoins précis, à des préoccupations économiques différentes selon le secteur et la taille de l’entreprise ; de la même manière, les publics ciblés peuvent aussi révéler une grande diversité de situation.

Nous vous proposons de traiter de la question d’un contrat qui, au sein de l’alternance, recèle un avenir évident pour soutenir un marché à la demande incertaine. Outre la nécessité d’accroître l’intérêt des jeunes pour cette modalité de formation, l’enjeu est notamment de développer les politiques de formation par alternance des entreprises si le gouvernement veut atteindre son objectif de doubler le nombre d’alternants en France (15% au lieu de 7% aujourd’hui). Associé à des aides visant à diminuer le coût du travail, le dispositif RPA ou Pro A pour soutenir la demande.

1. Origine du contrat.

Dans son chapitre III, l’accord national interprofessionnel (ANI) du 20 sept. 2003 relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle a souhaité la création d’un nouveau contrat d’insertion en alternance : le contrat de professionnalisation (art. 10). Ce dispositif, qui procédait de la volonté d’unifier le régime de la formation en alternance, a été institué par la loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie et le dialogue social (art. 13). Il a été peu modifié par la loi du 5 sept. 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

2. Définition.

Le contrat de professionnalisation peut se définir comme un contrat de travail de type particulier conclu entre un employeur et un salarié. Déposé auprès de l’autorité administrative, il permet l’acquisition, dans le cadre de la formation en alternance, d’une qualification professionnelle reconnue par l’État et/ou la branche professionnelle.

Ce contrat est mis en œuvre sur la base des principes suivants :
- une personnalisation des parcours de formation, en fonction des connaissances et des expériences de chacun des bénéficiaires,
- une alternance alliant des séquences de formation professionnelle, dans ou hors de l’entreprise, et l’exercice d’une ou plusieurs activités professionnelles, en lien avec la ou les qualification(s) recherchée(s),
- une certification des connaissances, des compétences et des aptitudes professionnelles acquises.

Le contrat de professionnalisation a une finalité qualifiante et pas seulement certifiante. Il se distingue en cela du contrat d’apprentissage. En effet, au-delà des certifications du RNCP (C. trav. art. L 6313-6), le contrat de professionnalisation peut déboucher sur une qualification reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale de branche (C. trav. art. L. 6325-1).

On note toutefois que depuis la loi du 5 septembre 2018, à titre expérimental et pendant une durée de 3 ans, le contrat de professionnalisation peut être conclu sans que la formation soit certifiante ou qualifiante. Avec l’accord du salarié, le contrat a alors pour objectif l’acquisition de compétences définies par l’employeur et l’opérateur de compétences (OPCO). La reconversion ou la promotion par l’alternance sont particulièrement visées (l’acronyme utilisé est « Pro A » ou « RPA ») : selon l’art. L. 6324-1 C. trav. la reconversion ou la promotion par alternance a pour objet de permettre au salarié en CDI de changer de métier ou de profession, ou de bénéficier d’une promotion sociale ou professionnelle par des actions de formation. Toutefois, pour bénéficier de ce dispositif, les salariés devront avoir une qualification inférieure ou égale à un niveau déterminé par décret.

Les périodes de professionnalisation sont financées par les opérateurs de compétences qui gèrent également les contrats en alternance. Le salarié bénéficiant d’une période de professionnalisation doit signer un avenant à son contrat de travail qui sera déposé selon les modalités prévues pour le contrat d’apprentissage. Les actions de formation pourront se dérouler en tout ou partie hors du temps de travail, à l’initiative soit du salarié, soit de l’employeur après accord du cocontractant. Lorsqu’elles sont effectuées pendant le temps de travail, elles donnent lieu au maintien par l’employeur de la rémunération prévue au contrat de travail.

3. Public éligible.

Le public concerné est défini par les dispositions de l’article L. 6325-1 C. trav. :
- Personnes âgées de seize à vingt-cinq ans révolus afin de compléter leur formation initiale ;
- Demandeurs d’emploi âgés de vingt-six ans et plus ;
- Bénéficiaires de minima sociaux : revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique (ASS), allocation aux adultes handicapés (AAH) ou aux personnes ayant bénéficié d’un contrat unique d’insertion (CUI).

Ce faisant, le législateur a exaucé les souhaits exprimés par les partenaires sociaux dans un accord national interprofessionnel conclu le 7 janvier 2009, dans lequel le contrat de professionnalisation était présenté « comme un outil adapté à l’insertion ou la réinsertion des personnes les plus en difficulté et incitent les entreprises à y recourir ». Le rapport général consacré au Grenelle de l’insertion, remis le 27 mai 2008 à M. le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, contenait d’ailleurs la proposition suivante : « Développer le contrat de professionnalisation, reconnu pour son efficacité dans l’accès à un emploi durable, au bénéfice des demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail : adultes et jeunes sans qualification ».

4. Conditions de formation.

Les employeurs susceptibles de conclure ce type de contrat sont nombreux : il s’agit de tous les employeurs privés, assujettis au financement de la formation professionnelle continue, à l’exception de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif. Les établissements publics industriels et commerciaux et les entreprises d’armement maritime peuvent également conclure des contrats de professionnalisation. L’art. L. 6325-23 du Code du travail autorise également des entreprises de travail temporaire à embaucher des personnes en contrat de professionnalisation à durée déterminée.

Le contrat de professionnalisation doit être écrit, et ce même s’il est conclu pour une durée indéterminée. L’art. L. 6325-5 C. trav. pose ainsi une exigence propre à ce contrat, à laquelle s’ajoutent celles qui résultent de l’art. L. 1242-12 du même code lorsque le contrat de professionnalisation est un contrat à durée déterminée (on songe notamment à la définition du cas de recours au CDD). Le contrat de professionnalisation doit également, en vertu du même art., faire l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative : on peut noter qu’à propos des anciens contrats de formation en alternance, et plus particulièrement des contrats d’adaptation, la Cour de cassation a jugé que malgré les dispositions alors applicables imposant un dépôt du contrat auprès de la DDTEFP afin que celle-ci « s’assure que le contrat est conforme aux dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles qui le régissent », la Cour de cassation a écarté le moyen soutenant que le contrat qui avait fait l’objet d’une décision administrative positive sur sa conformité aux dispositions et avait été exécuté conformément à ses prévisions, ne pouvait être requalifié par le juge judiciaire.
Selon les hauts magistrats, le contrat d’adaptation étant un contrat de droit privé, le juge prud’homal restait compétent pour vérifier la légalité du contrat d’adaptation et, le cas échéant, les requalifier, malgré le contrôle exercé par la DDTEFP sur sa conclusion [1].

Quel que soit le type de contrat (CDD ou CDI), il doit être établi par écrit et signé par les cocontractants. Au plus tard dans les cinq jours suivant sa conclusion, l’employeur envoie le contrat de professionnalisation à l’opérateur de compétences (OPCO). L’OPCO dispose de 20 jours pour prendre une décision de prise en charge financière de la formation et rendre un avis sur la conformité du contrat. A défaut de réponse dans ce délai, l’OPCO prend en charge financièrement la formation du contrat de professionnalisation et le contrat est réputé déposé. Si l’organisme refuse la prise en charge financière au motif notamment que les stipulations du contrat sont contraires à une disposition légale ou à une stipulation conventionnelle, il notifie sa décision motivée aux cocontractants. Après avis de conformité et confirmation de prise en charge des dépenses de formation, l’OPCO dépose le contrat auprès de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) du lieu d’exécution du contrat, sous une forme dématérialisée.

5. Durée.

Les parties se liant par un contrat de professionnalisation peuvent le faire par le moyen d’un contrat à durée déterminée (CDD) ou par celui d’un contrat à durée indéterminée (CDI). Le cas échéant, le CDI peut prévoir une période de professionnalisation en alternance (dispositif « Pro A » ou « RPA »).

Lorsque le contrat est à durée déterminée (CDD), il est conclu pour une durée comprise entre 6 et 12 mois « minimum ». L’exécution en France doit être au minimum de 6 mois. L’exécution à l’étranger est possible si elle n’excède pas un an. Selon l’art. L. 6325-11 C. trav., ce même « minimum » s’applique à la durée de l’action de professionnalisation dans les contrats à durée indéterminée (CDI). Cette durée peut toutefois être portée jusqu’à trente-six mois pour des publics spécifiques :
- pour les personnes âgées de 16 à 25 ans révolus qui n’ont pas validé un second cycle de l’enseignement secondaire et qui ne sont pas titulaires d’un diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel,
- les jeunes de 16 à 25 ans révolus et les demandeurs d’emploi de 26 ans et plus, dès lors qu’ils sont inscrits depuis plus d’un an sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par Pôle emploi,
- pour les bénéficiaires d’un minima social,
- pour d’autres personnes définies conventionnellement : convention ou accord collectif de branche ou, à défaut, par accord collectif conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés signataires de l’accord constitutif d’un organisme collecteur paritaire. La nature de ces qualifications peut être définie par un accord conclu au niveau national et interprofessionnel.

Une faculté de renouvellement du contrat à durée déterminée avec le même employeur est prévue par l’art. L.6325-7 C. trav. lorsque le salarié n’a pas pu obtenir la qualification envisagée pour cause d’échec aux épreuves d’évaluation de la formation suivie, de maternité, de maladie, d’accident du travail ou de défaillance de l’organisme de formation. A l’issue d’un CDD, aucune indemnité de fin de contrat n’est due.

Quelle que soit la forme du contrat (CDD ou CDI), le contrat peut comporter une période d’essai qui doit être mentionnée dans le contrat de professionnalisation ; cette période d’essai répond au régime prévu par le Code du travail pour les contrats de travail de droit commun en CDD ou CDI.

6. Objet du contrat.

La qualification.

L’art. L. 6325-1 C. trav. caractérise le contrat de professionnalisation par son objet, présenté comme double. Ce contrat est en effet présenté comme permettant à la fois d’obtenir une des qualifications prévues à l’art. L. 6314-1 C. trav. et de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle par l’acquisition de la qualification. La formation prend une place essentielle dans la réalisation de ces objets. Outre la définition même de son objet, plusieurs éléments contribuent à mettre en évidence le caractère essentiel de la formation au sein du contrat de professionnalisation.
A titre d’exemple, l’art. L. 6325-15 C. trav. prévoit la nullité de toute clause prévoyant le remboursement à l’employeur par le titulaire d’un contrat de professionnalisation des dépenses de formation en cas de rupture du contrat de travail. L’art. L. 6325-6 C. trav. pose également une règle d’égalité de traitement entre les titulaires d’un contrat de professionnalisation et les autres salariés qui cède uniquement dans l’hypothèse où les dispositions applicables aux autres salariés de l’entreprise ne seraient pas compatibles « avec les exigences de la formation » suivie par le titulaire d’un contrat de professionnalisation.
Cet objectif de formation du salarié est assuré par une double dimension « théorique » et « pratique ». Le salarié va, d’une part, suivre des enseignements généraux, professionnels et technologiques au sein d’un organisme de formation, en principe étranger à l’entreprise, à moins que cette dernière ne dispose d’un organisme de formation agréé.

La Cour des comptes a mis en évidence que des procédés de détournement, organisés par des employeurs, consistant à recruter des salariés sous contrat de professionnalisation sans que leur soit donnée la formation pour laquelle l’entreprise perçoit un financement. Dans ce cas, la fraude est d’autant plus compliquée à démontrer que les salariés concernés sont en situation d’insertion professionnelle dans l’entreprise et ne se sentent pas libres d’exposer les faits lorsqu’ils sont interrogés sur la réalité des formations dont ils auraient dû bénéficier [2].

Zoom : L’obligation de formation (jurisprudence).

Une salariée engagée en qualité de secrétaire réceptionniste par un huissier de justice est également liée à son employeur par un contrat de professionnalisation de même date aux termes duquel elle s’engageait à préparer et présenter le diplôme de clerc expert auprès de l’École nationale de procédure. Elle saisit la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, alors que concomitamment l’employeur engage à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave.
L’employeur fait grief à l’arrêt attaqué de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation. Les juges du fond ont en effet écarté la faute grave en relevant que la salariée était affectée exclusivement à des tâches de secrétariat l’employeur et que l’employeur avait manqué à son obligation de formation. La Cour d’appel a estimé que ce manquement était de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Les juges ont décidé que la salariée était affectée exclusivement à des tâches de secrétariat et que l’employeur avait manqué à l’obligation de formation qui constituait, durant l’action de professionnalisation, l’essence même du contrat liant les parties. Ce manquement, à lui seul, est de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail
 [3].

L’insertion professionnelle.

Le contrat de professionnalisation a également vocation à acquérir un « savoir-faire » pratique par l’exercice en entreprise(s) d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées. Aussi est-il logique que le code du travail prévoie l’engagement de l’employeur à assurer au salarié non seulement une formation lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle, mais encore à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif pendant la durée du contrat à durée déterminée ou de l’action de professionnalisation du contrat à durée indéterminée. Réciproquement, le salarié s’engage non seulement à travailler pour le compte de son employeur, mais encore à suivre la formation prévue au contrat. Dans les deux mois suivant le début du contrat de professionnalisation, l’employeur examine avec le salarié l’adéquation du programme de formation au regard des acquis du salarié. En cas d’inadéquation, l’employeur et le salarié peuvent, dans les limites de la durée de ce contrat, conclure un avenant qui doit être transmis à l’OPCO.

La professionnalisation.

La part de la formation théorique au sein de l’exécution du contrat de travail est définie par l’art. L. 6325-13 C. trav. établissant une durée minimale des enseignements, comprise entre 15% et 25% de la durée totale du contrat, sans être inférieure à cent cinquante heures. Cette durée minimale peut toutefois être augmentée par un accord de branche pour certaines catégories de bénéficiaires, notamment pour ceux qui visent des formations diplômantes. A défaut d’accord de branche, un accord peut être conclu entre les organisations représentatives d’employeurs et de salariés signataires de l’accord constitutif d’un organisme collecteur paritaire des fonds de la formation professionnelle continue à compétence interprofessionnelle. Avec le dispositif de « reconversion ou promotion par l’alternance » (RPA) institué par la loi du 5 sept. 2018, les périodes de professionnalisation connaissent un regain d’actualité, notamment pour les entreprises qui utilisaient auparavant le dispositif afin récupérer les fonds qu’elles avaient obligatoirement versés à l’OPCA. Le dispositif ne pourra néanmoins concerner que les salariés en CDI dont la qualification est inférieure ou égale à un niveau déterminé par décret ce qui pourrait contrarier les employeurs qui, auparavant, utilisaient le dispositif pour former leurs salariés les plus qualifiés. Le contrat de travail fait alors l’objet d’un avenant qui précise la durée et l’objet du dispositif « pro A » et qui doit être déposé auprès de l’OPCO.

Zoom : Transposition des solutions dégagées pour les anciens contrats ?

Certains auteurs, soulignant que la part de la formation théorique avait diminué dans le contrat de professionnalisation (du moins en considération des minima légaux portant sur la part des enseignements théoriques) ont suggéré que l’objet du contrat de professionnalisation pourrait être différent de celui du contrat de qualification ; le contrat de professionnalisation consacrerait une rupture « avec le principe de qualification exclusive par la formation », précisément caractérisée par cette diminution de la part de la formation théorique dans les contrats de professionnalisation en comparaison avec les anciens contrats. L’objet du contrat cesserait ainsi « d’être la formation pour devenir la qualification professionnelle ».

Il est pourtant presque unanimement suggéré que les solutions jurisprudentielles retenues pour les contrats de qualification, notamment, devraient continuer à prévaloir dans le cadre du contrat de professionnalisation. On peut sans doute estimer que la logique qui veut que l’octroi des avantages à l’employeur soit subordonné à l’exécution de l’engagement de formation se retrouve tout à fait pour le contrat de professionnalisation. L’objet du contrat, le résultat recherché, demeure bien l’acquisition d’une formation et c’est bien cet objet qui justifie le régime dérogatoire applicable à ce type de contrat de travail. Partant, les motifs de « requalification » précédemment exposés semblent devoir lui être transposés.

L’exigence d’un tutorat pour accompagner le salarié.

Avant que le contrat de professionnalisation - issu de la loi du 4 mai 2004 - n’emporte disparition des contrats d’orientation, de qualification et d’adaptation, il existait dans le Code du travail un développement relatif au tutorat, lequel devait obligatoirement être mis en place dans chacune des formules de contrat proposées par le législateur. Depuis lors, le tutorat a été rendu pendant un temps facultatif, puis est redevenu obligatoire dans le contrat de professionnalisation.
La mission du tuteur se décompose en cinq volets, qui sont précisés à l’art. D. 6325-7 C. trav. :
- 1) Le tuteur a pour mission « d’accueillir, d’aider, d’informer et de guider » le bénéficiaire du contrat ou de la période de professionnalisation ;
- 2) Il est chargé « d’organiser avec les salariés concernés l’activité de ces personnes dans l’entreprise et contribuer à l’acquisition des savoirs faire professionnels » ;
- 3) Il est chargé de « veiller au respect de son emploi du temps » ;
- 4) Il « assure la liaison » avec le l’organisme ou le service chargé des actions d’évaluation, de formation et d’accompagnement des bénéficiaires à l’extérieur de l’entreprise ;
5) Il « participe à l’évaluation du suivi de la formation ».

L’article suivant indique que l’employeur permet au tuteur de « disposer du temps nécessaire pour exercer ses fonctions et se former » (D. 6325-8 C. trav.) ; ce texte signifie-t-il que le temps consacré au tutorat et à la formation au tutorat est pris sur le temps de travail et doit rester rémunéré comme tel ? On est en droit de le penser, puisque le tuteur exerce sa fonction d’accompagnement en tant que salarié de l’entreprise et au profit d’autres salariés de l’entreprise.

Concernant les relations triangulaires de travail nées de la conclusion d’un contrat de travail temporaire ou d’un contrat de travail avec un groupement d’employeur, l’art. D. 6325-9 C. trav. organise un mode particulier de répartition des missions de tutorat entre l’entreprise utilisatrice et l’employeur : si l’entreprise utilisatrice a, seule, désigné un tuteur, c’est ce dernier qui remplira l’ensemble des missions énumérées à l’art. D. 6325-7 C. trav. ; mais si, en même temps, l’employeur nominal a lui aussi désigné un tuteur, il reviendra à ce dernier d’assumer l’évaluation du suivi de la formation et la liaison avec le centre de formation ; il est précisé que, dans ce cas, ce tuteur est choisi par l’employeur sans tenir compte des conditions posées aux art. D. 6325-6 et D. 6325-9 C. trav. ; on doit également en déduire, a contrario, que les autres missions - aider, accueillir, informer et guider le salarié ; veiller au respect de son emploi du temps ; organiser son activité et contribuer à l’acquisition des savoir-faire professionnels - incombent au tuteur de l’entreprise utilisatrice.
Le texte ne dit pas ce qu’il faut faire si l’employeur nominal a pris, seul, l’initiative de désigner un tuteur ; en réalité, cette hypothèse n’est pas recevable, car ces différents modes d’embauche ont pour particularité d’organiser une mise à disposition des salariés auprès d’entreprises utilisatrices qui doivent nécessairement assurer l’accueil et l’organisation du travail des intéressés : la présence d’un tuteur auprès de ces entreprises s’impose d’elle-même.

7. Le régime des salariés.

Conditions d’emploi.

Le titulaire d’un contrat de professionnalisation est un salarié à part entière. À ce titre, les lois, les règlements et la convention collective lui sont applicables dans les mêmes conditions qu’aux autres salariés, dans la mesure où leurs dispositions ne sont pas incompatibles avec les exigences de leur formation. Le régime de sa rémunération, posé par les art. L. 6325-8 et s. C. trav. est toutefois très spécifique. En vertu de l’art. L. 6325-10 du même Code, la durée du travail du salarié, incluant le temps passé en formation, ne peut excéder la durée hebdomadaire de travail pratiquée dans l’entreprise ni la durée quotidienne maximale du travail fixée par le Code du travail. Celui-ci bénéficie du repos hebdomadaire. Cependant, on peut noter que les titulaires des contrats de professionnalisation ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’effectif du personnel des entreprises dont ils relèvent pour l’application des dispositions législatives ou réglementaires qui se réfèrent à une condition d’effectif minimum de salariés, exception faire de celles qui concernent la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Cette disposition s’applique jusqu’au terme du contrat s’il a été conclu pour une durée déterminée, ou jusqu’à la fin de l’action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée.

Mobilité dans l’Union européenne et à l’étranger.

Le contrat de professionnalisation peut être exécuté en partie à l’étranger pour une durée maximale d’un an en principe. Cette durée peut être portée à 24 mois avec 6 mois de présence minimale en France. Lors d’une mobilité, l’entreprise ou l’organisme de formation d’accueil est seul responsable des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d’accueil, notamment pour ce qui a trait aux sujets suivants : santé et sécurité au travail, rémunération, durée du travail, repos hebdomadaire et jours fériés.

Rémunération.

Comme pour le contrat d’apprentissage, les principes applicables à la rémunération du salarié recruté par contrat de professionnalisation sont clairement posés à l’art. L. 6325-8 C. trav. : le montant de cette rémunération peut varier en fonction de l’âge du bénéficiaire et du niveau de sa formation avant la signature du contrat de professionnalisation (de 55% du SMIC à 100% du SMIC minimum selon l’âge et le titre ou diplôme détenu à la conclusion du contrat)

8. Rupture du contrat.

Les modalités de rupture d’un contrat de professionnalisation sont différentes selon la nature du contrat de professionnalisation : CDD ou CDI. Dans les deux cas, il est possible de rompre le contrat pendant la période d’essai. Si le contrat de professionnalisation est effectué en CDD, les cas de rupture sont les suivants : rupture par accord amiable entre les parties, rupture en raison d’une faute grave, rupture en raison d’une embauche sous CDI, rupture en cas de force majeure. Dans le cas d’un contrat de professionnalisation conclu en CDI, les modalités de rupture sont les mêmes que celles prévues pour la rupture d’un CDI de droit commun. Par exemple, lorsque le titulaire du contrat est représentant du personnel, l’employeur doit demander l’autorisation de l’inspecteur du travail.

Si le contrat à durée déterminée (ou la période d’action de professionnalisation s’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée) est rompu avant son terme, l’employeur doit en informer, dans les 30 jours qui suivent cette rupture la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), l’opérateur de compétences (OPCO), et l’URSSAF.

Zoom : Contours de la faute grave justifiant la rupture (jurisprudence).

La Cour de cassation s’est récemment penchée sur les contours de la faute grave dans le cadre d’absences injustifiées.
Un employeur notifie la rupture anticipée du contrat de professionnalisation au motif que la salariée avait été absente de manière injustifiée à plusieurs cours, ainsi qu’à ses examens et rattrapages. L’employeur considérait alors que ces absences injustifiées caractérisaient une faute grave rendant impossible son maintien au sein de l’entreprise. Ces absences, en partie injustifiées, laissaient pourtant ouverte la possibilité à la salariée de se présenter aux épreuves du diplôme préparé. La salariée a contesté la rupture et saisi la juridiction prud’homale en paiement d’un rappel de salaire pour la période courant entre la rupture et le terme initialement prévu de son contrat de professionnalisation.
La Cour d’appel a écarté la qualification de faute grave en relevant que les absences étaient en partie justifiées par ses motifs légitimes et n’étaient pas rédhibitoires dans la mesure où elles permettaient à l’intéressé de se présenter à l’examen. La Cour de cassation, saisie du pourvoi, confirme la décision des juges du fond en jugeant qu’à partir du moment où les absences en partie justifiées de la salariée laissaient encore ouverte la possibilité de se présenter aux épreuves du diplôme préparé, les manquements reprochés à l’intéressée ne constituaient pas une violation de ses obligations. L’entreprise a donc été condamnée au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de professionnalisation
 [4].

9. Aide aux employeurs.

Les employeurs de salariés en contrat de professionnalisation peuvent bénéficier, selon les cas, d’un certain nombre d’aides financières :
- Exonération des cotisations patronales d’assurances sociales (assurance maladie, maternité, invalidité, vieillesse-décès) et d’allocations familiales lorsque le salarié est âgé de 45 ans et plus ;
- Exonération spécifique pour certains groupements d’employeurs (GEIQ) ;
- Une aide pour les entreprises de plus de 250 salariés employant plus de 5 % d’alternants ;
- Une aide de 2.000 € maximum est versée aux entreprises qui embauchent un demandeur d’emploi (deux régimes : âgé de 45 ans et plus et âgé de 26 ans et plus) ;
- Une aide pour l’accompagnement personnalisé vers l’emploi dans les GEIQ.

Des aides sont également prévues afin d’inciter les entreprises à recruter des personnes en situation de handicap en contrat de professionnalisation ou à pérenniser leur emploi. Pour le détail de ces aides, il convient de contacter l’Agefiph qui a pour objet de favoriser l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées dans les entreprises privées.

Sandy-David Noisette, Docteur en Droit, Agrégé en Economie et Gestion, Aix Marseille Univ, CDS, Aix-en-Provence, France.

[1Soc. 3 juil. 2001, Bull. civ. V, n° 248 p. 197 ; Dr. soc. 2001, p. 1113, obs. Cl. Roy-Loustaunau.

[2Cour des comptes, 2017, p. 173.

[3Soc., 12 avril 2012, pourvoi n° 11-13.182.

[4Soc., 24 janvier 2018, pourvoi n° 16-23.703.

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