Village de la Justice www.village-justice.com

Contester la durée des soins et arrêts de travail : Pourquoi et comment ? Par Christophe Martin, Juriste.
Parution : lundi 14 janvier 2019
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/contester-duree-des-soins-arrets-travail-pourquoi-comment,30420.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Les arrêts de travail de longue durée suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle pèsent lourdement sur le compte employeur.
En effet, concernant les entreprises soumises à la tarification mixte ou collective, la durée des arrêts de travail permet de déterminer la catégorie de coût moyen applicable et, par voie de conséquence, le coût qui sera imputé sur le compte employeur.
L’entreprise a donc tout intérêt à suivre de près l’évolution des arrêts de travail, même si il faut en convenir, sa marche de manœuvre est étroite.

Il convient de rappeler que la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail délivrés à la suite d’un accident du travail s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime [1].

Cette présomption est cependant reconnue sous réserves d’une continuité de soins et de symptômes des arrêts de travail, ce qui signifie que depuis l’arrêt de travail initial jusqu’à l’arrêt final, il ne doit être constaté ni rupture dans les prescriptions d’arrêt de travail ni modification de l’affection ou de la lésion initiale.
Cette règle résulte d’un arrêt du 15 février 2018 n° 17-11231 qui opère un renversement de la charge de la preuve, la Caisse devant soit produire tout élément de nature à établir cette continuité, soit établir un lien de causalité entre les arrêts de travail et le sinistre initial.
« Que de ces constatations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’absence de continuité de soins et de symptômes, a exactement déduit que la présomption d’imputabilité ne s’appliquait pas ; »
A défaut, tout ou partie des arrêts de travail ne sera pas opposable à l’employeur.

Si en revanche la présomption d’imputabilité est maintenue, l’entreprise n’aura pas d’autre choix que de demander au juge le prononcé d’une mesure d’expertise médicale, cette mesure ne pourra au demeurant être accordée que si des éléments de nature à contredire cette présomption sont versés au débats [2].
Ces éléments doivent en définitif jeter un doute dans l’esprit du juge en apportant un élément de contradiction médicale susceptible de renverser cette présomption.

L’entreprise se heurte à son incapacité à administrer cette preuve ou ce commencement de preuve car, par définition, elle n’a pas accès au dossier médical de son salarié.

Dans la pratique des Tribunaux des affaires de la sécurité sociale, et il ne devrait pas en être autrement devant les chambres sociales des TGI, le simple fait de soulever le caractère anormalement long de l’arrêt de travail eu égard aux référentiels publiés par l’Assurance Maladie, n’est pas en soi suffisant.
En effet, ces référentiels donnent une indication de durée médiane de prise en charge par type d’affection, durée qui peut à l’évidence varier en fonction de multiples facteurs, dont la survenance d’éventuelles complications.

En revanche, les éléments susceptibles d’étayer une demande d’expertise est la démonstration de l’existence d’un état pathologique indépendant et évoluant pour son propre compte [3].

A ce titre, l’employeur pourra le cas échéant faire état d’une affection ou lésion concomitante résultant d’un autre accident ou maladie et susceptible d’interférer dans l’indisponibilité de son salarié.
Cela pourrait par exemple être la démonstration de l’existence d’une affection lombaire dégénérative et ce, alors que l’intéressé fait également l’objet d’arrêts de travail au titre d’une lombosciatique prise en charge au titre d’une maladie professionnelle.

Pour assurer une véritable contradiction dans ce débat médical, l’entreprise devra mandater un médecin-expert.
Ce dernier pourra en effet être destinataire du dossier médical du salarié sans pouvoir se voir opposer le secret médical [4] et pourra intervenir en émettant des dires.
Ce principe et les modalités de communication du dossier médical a d’ailleurs fait l’objet en 2016 d’une circulaire [5].
L’intérêt additionnel d’une telle contestation, appuyée par un expert médical, est de pouvoir se prévaloir des éléments du dossier médical, dans le cadre d’une contestation ultérieure du taux d’incapacité partiel.

En définitive, dans cette matière où les aspects juridiques et le médicaux sont intimement liés, une étroite collaboration entre le juriste et l’expert médical s’impose à l’évidence pour maximiser les chances de succès d’une telle contestation.

Christophe MARTIN Juriste conseil et contentieux www.seculex.fr

[1Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 31 mai 2012, 11-19518.

[2Cour de cassation, Chambre civile 2, 31 mai 2012 – n°11-19518, 28 novembre 2013 – n°12-27209.

[3Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 13 février 2014 – n° 13-11190.

[4Article L141-2-2 du code de la sécurité sociale.

[5CNAMTS CIR-18/2016 du 13 octobre 2016.