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Sociétés Publiques Locales : une nécessaire coexistence des compétences des actionnaires et de l’objet social ? Par Matthieu Vollot.
Parution : jeudi 17 janvier 2019
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Instituée pour expérimentation par la loi ENL de 2006 et généralisée en 2010 par une loi spécifique, les sociétés publiques locales (SPL) sont un instrument propice à la mise en œuvre des compétences des acteurs publics souhaitant se fédérer afin d’accroitre l’efficience de leurs politiques publiques.
Par la portée de cet arrêt et par ses effets directement applicables, le Conseil d’Etat vient fragiliser l’édifice mûrement construit par les acteurs publics à l’échelle des territoires.

Par un arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d’Etat clarifie les conditions de participation des collectivités territoriales au capital des sociétés publiques locales mettant ainsi fin à des divergences d’interprétation rendues sur le territoire par les juridictions du fond.

Se prononçant sur la légalité de la participation d’une commune à une SPL intercommunal à objet social multiple (« dite à la carte »), la Haute juridiction impose à l’actionnaire « d’exercer l’ensemble des compétences » de la société.
Aussi, est imposée, au stade de la constitution de la structure, une stricte coexistence entre l’objet social de la société et les compétences exercées par les actionnaires. Dans l’hypothèse de transfert ultérieur de compétences, les dispositions de l’article L1521-1 du CGCT ont vocation à s’appliquer.

Par conséquent, une collectivité n’exerçant uniquement qu’une « partie prépondérante » des compétences définies dans l’objet social d’une SPL n’est pas fondée à intégrer le capital social de cette dernière.

Au regard du parallélisme des régimes juridiques entre SPL et SEM, il est probable qu’un tel raisonnement soit étendu au cas des SEML.
D’une manière générale, elle fragilise tous les montages dans lequel la compétence originelle de l’un des actionnaires n’est pas acquise, au stade de la création du satellite, au sens de la loi. Cette jurisprudence pourrait également impacter l’action des autres échelons de l’action territoriale.

Cette décision étant rendue sans effets différés, elle fragilise dès lors directement l’ensemble des montages de l’économie mixte réalisé jusqu’alors.
Seule une loi de validation permettrait de « réécrire » le texte fondateur (L1531-1 CGCT) pour sécuriser les montages sociétaires établis ces dernières années et de mettre fin à l’interprétation actuelle du Conseil d’Etat.

Cet arrêt s’inscrit dans la tendance du jugement rendu par le Tribunal administratif de Toulouse le 30 janvier dernier « Diagora Labège ».
Pour mémoire, la participation de la Ville de Labège a été jugée infondée car l’objet social de la SPL Diagora ne pouvait être interprété comme une « compétence partagée » entre la commune et son EPCI.

En effet, les statuts de la société stipulent, en leur article 3, que la société assure « l’exploitation, la gestion, l’entretien et la mise en valeur des équipements de toute nature à vocation économique, culturelle ou touristique du centre des congrès ».

Or, l’EPCI est compétent statutairement pour le développement économique et le tourisme en lieu et place de ses communes membres. Il a par ailleurs pris à titre optionnel la compétence « gestion des équipements ».

Privée de ses compétences originelles, la commune ne pouvait valablement entrer au capital de la SPL constituée spécifiquement pour mettre en œuvre ces dernières.

Matthieu Vollot, Directeur des études et du conseil, Secteur public, Spécialisé dans l'accompagnement financier, juridique et social des collectivités et de leurs satellites