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Transfert de licence (bars, hôtels, restaurants) : un moyen de contourner les restrictions. Par Jacques-Alexandre Bouboutou, Avocat.
Parution : mardi 29 janvier 2019
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Le Code de la santé publique distingue l’ouverture d’un débit de boissons ou sa mutation à un nouvel exploitant, de son déplacement dans un autre lieu par translation ou transfert. Devant la difficulté d’ouvrir de nouveaux établissements dans les territoires qui en sont déjà bien pourvus, le mécanisme du transfert de licence est de plus en plus souvent utilisé pour tenter de contourner ces restrictions.

Les restrictions à l’installation de nouveaux débits de boissons (hors transfert de licence).

Le Code de la santé publique interdit l’ouverture de nouveaux établissements de licence 4, ainsi que d’établissements de licence 3 dans les villes où il existe déjà plus d’un établissement de cette nature pour 450 habitants (hors communes touristiques).

Rappelons que la licence 3 permet de commercialiser des boissons alcoolisées du groupe 3 (vins, bière, cidre…), tandis que la licence 4 permet en outre de commercialiser des boissons des groupes 4 et 5 (rhum, alcools distillés…).

Dans certaines communes, il existe en plus des restrictions de distance à respecter par rapport aux débits de boissons déjà installés. Ainsi, à Paris il n’est pas possible d’ouvrir un nouveau lieu à moins de 75 m d’un établissement existant de même catégorie.

De plus, il existe des zones de protection qui sont des périmètres dans lesquels aucun nouveau débit de boissons ne peut être établi autour de bâtiments sensibles (lieux de cultes, établissements de santé, d’enseignement, centres de loisirs, équipements sportifs, pénitenciers, casernes militaires, gares).

Autant dire qu’il est devenu complexe voire impossible dans certaines communes d’ouvrir un nouveau débit de boissons en dehors d’un rachat de licence souvent très onéreux compte tenu de la spéculation qui frappe ce marché.

Il existe néanmoins des dérogations dont la portée est limitée.

En premier lieu, les détenteurs de « petite licence restaurant » s’agissant des boissons alcoolisées du groupe 3 ou les détenteurs de la « licence restaurant », s’agissant de celles des groupes 4 et 5, ont la possibilité de servir ces boissons à l’occasion d’un repas comme accessoire d’une commande de nourriture, sans que cela soit considéré comme l’ouverture d’un nouveau débit de boissons nécessitant une licence 3 ou 4.

En deuxième lieu, un débit de boissons peut être établi momentanément, le temps d’une exposition ou d’une foire organisée par des collectivités ou des associations reconnues d’utilité publique.

Enfin, le Préfet peut accorder des dérogations à l’interdiction d’installer un nouvel établissement dans les zones de protection pour des raisons d’animation touristique lorsqu’il n’existe plus qu’un seul débit de boissons dans la commune.

En dehors de ces hypothèses particulières, le transfert de licence ou sa translation sont les seuls moyens d’échapper aux restrictions d’implantation de nouveaux débits de boissons.

Conditions du transfert de licence.

On parle de transfert s’agissant du déplacement d’un débit de boissons entre deux communes situées au sein de la même région, tandis qu’on parlera de translation en cas de déplacement d’un lieu à un autre sur une même commune.

La translation d’un débit de boissons d’un emplacement à un autre sur une même commune est soumise à simple déclaration à déposer en mairie 15 jours avant le début d’activité.

En revanche, le transfert d’un débit de boissons d’une commune à une autre au sein d’une région nécessite une autorisation préfectorale après consultation pour avis des deux maires concernés.

Concrètement, la déclaration de translation ou la demande de transfert de licence se fait au moyen du formulaire officiel cerfa n°11542*05 disponible en libre téléchargement, la mairie étant tenue de délivrer immédiatement un récépissé de la déclaration dans le premier [1].

Pour un hôtel, le transfert de licence pourra même intervenir au-delà de la limite d’une région si l’établissement ne donne pas directement sur la voie publique et que le bar de l’hôtel ne fait l’objet d’aucune publicité en tant que tel [2].

La translation ou le transfert de licence ne sont possibles qu’à la condition que l’établissement d’origine cesse alors d’être exploité et qu’il ne soit pas touché par une péremption de la licence lorsque la licence a cessé d’être exploitée depuis plus de 5 ans.

La translation d’une licence dans une même commune ne peut intervenir dans une zone de protection d’un bâtiment sensible (école, hôpital, etc.), ceci étant expressément prohibé [3]. A notre sens, cette prohibition s’étend également aux transferts de licence, mais à la condition que l’arrêté préfectoral délimitant les zones de protection vise expressément le cas du transfert comme interdit dans ces zones.

A défaut de remplir l’ensemble de ces conditions, le transfert de licence, ou sa translation, sera considéré comme l’ouverture d’un nouveau débit de boissons et pourra donc être refusé eu égard aux restrictions précitées.

A noter qu’un concurrent est également fondé à s’opposer à un transfert de licence en contestant l’arrêté préfectoral prononçant le transfert d’une licence [4].

Le fait d’exploiter un débit de boissons sans y être autorisé expose l’exploitant à une fermeture administrative, ainsi qu’à une amende de 3 750 euros, avec des majorations et/ou une peine d’emprisonnement en cas de récidive ou si l’établissement a continué d’être exploité en dépit d’une fermeture administrative prononcée.

Contester un refus de transfert de licence.

Le refus par le Préfet d’une demande de transfert de licence est un acte administratif individuel défavorable et peut être contesté devant le Tribunal administratif du département où se trouve le débit de boissons.

A titre d’exemple, un refus de transfert de licence a pu être annulé au motif que le Préfet s’était cru lié par l’avis du Maire, celui-ci étant opposé au transfert de licence car il souhaitait conserver sur sa commune l’établissement pour lequel un repreneur s’était déclaré auprès de lui [5].

A été annulé un refus de transfert de licence motivé par un risque de troubles à l’ordre public du seul fait de la localisation du bar dans une zone urbaine sensible, alors que l’exploitant ayant fait l’acquisition de la licence 4 était déjà titulaire d’une licence restauration lui permettant de vendre des boissons alcoolisées en accessoire de repas dans ce même lieu [6].

A titre d’exemple encore, un refus de transfert a été annulé dans la mesure où pour calculer le périmètre de la zone de protection en l’espèce de 220 mètres d’un conservatoire de musique, le Préfet n’avait pas calculé cette distance en partant de la porte d’accès de l’édifice protégé qui était compris dans une enceinte mais de la porte d’accès de cette enceinte, ce qui avait pour effet de réduire de manière erronée la distance entre l’édifice protégé et le débit de boissons qui était en fait en dehors de la zone de protection [7].

De tels exemples viennent illustrer le degré de technicité et de subtilité que peuvent revêtir certaines affaires lorsque l’on entre dans le détail d’un cas concret.

Dans le cadre d’une procédure devant le tribunal administratif, il n’est pas nécessaire que le recours soit présenté par un avocat. Cependant, vu la complexité de ce type de dossiers, il ne peut qu’être conseillé d’être accompagné par un avocat spécialisé.

Jacques-Alexandre BOUBOUTOU Avocat à la Cour http://bouboutou-avocats.com

[1TA Bordeaux, 2 octobre 2012, n°0902748

[2Article D 3332-10 du Code de la santé publique

[3Article L. 3332-7 du même code

[4TA Marseille, 1er décembre 2011, n°1103065

[5TA Besançon, 13 avril 2011 n°1000034

[6TA Dijon, 1er juin 2011 n°1000219

[7TA Clermont-Ferrand, 29 décembre 2008, n°080257

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