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Le certificat d’urbanisme - que reste-t-il de son efficacité ? Par Laïla El Kihal, Avocat.
Parution : mardi 12 février 2019
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N’étant ni une autorisation d’urbanisme, ni un document d’urbanisme, le certificat d’urbanisme constitue une garantie temporaire contre les évolutions défavorables des règles de fond d’urbanisme, des contraintes édictées par les servitudes administratives ou du régime des taxes et des participations d’urbanisme [1].

Le régime applicable au certificat d’urbanisme ne semble en apparence présenter aucune difficulté. Il existe en effet deux catégories de certificats : un certificat dit neutre (ou « CUa ») qui a un simple caractère informatif quant aux règles locales d’urbanisme à respecter (comme les servitudes d’utilité publique, les limitations administratives au droit de propriété ou encore la liste des taxes et des participations d’urbanisme) [2] et un certificat dit pré-opérationnel (ou « CUb ») qui examine la faisabilité d’un projet de construction sommairement décrit [3].

Cependant, ce régime est loin d’être complet et le juge administratif est souvent mis à contribution afin de le façonner. (I) Pourtant, en soufflant le chaud et le froid sur la portée des certificats d’urbanisme comme l’observe très justement Maître Xavier Couton [4], le juge administratif a petit à petit fragilisé la sécurité juridique conférée par le certificat d’urbanisme rendant alors précaire ce droit pour le pétitionnaire. (II)

I. Le droit à la « cristallisation » des règles juridiques.

A. Un droit élargi à l’ensemble des types de certificat d’urbanisme.

Le certificat d’urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un « droit à voir toute demande d’autorisation ou déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. » [5]

Ce droit à la cristallisation des règles juridiques a été reconnu pour les certificats d’urbanisme d’information dits CUa et les certificats d’urbanisme pré-opérationnels « positifs » dits CUb. Un doute subsistait néanmoins sur la portée du certificat d’urbanisme CUb « négatif » [6] à l’égard du pétitionnaire jusqu’à ce que Conseil d’État tranche la question dans un arrêt du 18 décembre 2017 [7].

Le juge a alors affirmé que les CUb négatifs confèrent des droits à leur titulaire et met ainsi fin à la différence de traitement entre d’une part les certificats d’urbanisme d’information et les certificats d’urbanisme opérationnels « positifs » qui confèrent des droits à leurs bénéficiaires, et d’autre part les certificats d’urbanisme opérationnel « négatifs » qui jusqu’alors ne créaient pas de droits.

Le juge administratif a par ailleurs eu l’occasion de préciser les droits attachés au certificat d’urbanisme.

B. Un droit façonné par le juge administratif.

Par un arrêt en date du 15 décembre 2015, le juge administratif a été amené à préciser les droits attachés au certificat d’urbanisme.

Tout d’abord, le droit à la cristallisation des règles peut être invoqué par tous. Le juge a ainsi rappelé que l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme « ne réserve pas à la personne qui a présenté la demande de certificat les droits qu’il confère » et que le certificat d’urbanisme présente un caractère réel et non personnel. [8] Dès lors, le gel des règles d’urbanisme produit ses effets sur une demande d’autorisation d’urbanisme même si l’auteur de celle-ci ne se réclame pas explicitement dudit certificat. C’est à l’autorité compétente en matière d’urbanisme qu’il appartient de déterminer si le terrain sur lequel la demande d’autorisation est déposée est soumis à un certificat d’urbanisme en cours de validité.

Ensuite, le Conseil d’État a livré des précisions sur l’articulation entre le certificat d’urbanisme et la demande d’autorisation de construire. L’article L. 410-1 al. 4 prévoit un délai de dix-huit mois au terme duquel la demande d’autorisation doit être déposée après la délivrance d’un certificat d’urbanisme pour pouvoir bénéficier des droits attachés au certificat. Or, pour le Conseil d’État, la circonstance que le certificat d’urbanisme soit délivré postérieurement au dépôt de la demande d’autorisation n’a pas de conséquence sur l’instruction de la demande d’autorisation.

Enfin, les droits conférés par le certificat d’urbanisme sont d’application immédiate. La haute juridiction indique que le pétitionnaire n’est plus obligé de spécifier expressément à l’administration qu’il souhaite bénéficier des droits que confère le certificat d’urbanisme.

Malgré ces clarifications bienvenues, le régime juridique applicable au certificat d’urbanisme est encore source de confusion. Le régime laisse en effet supposer que les règles mentionnées sont cristallisées sauf en ce qui concerne « les dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ». [9]

Or, comme nous le verrons à la lumière des jurisprudences récentes du Conseil d’Etat, une rédaction plus explicite en ce qui concerne les effets du sursis à statuer s’impose afin d’éviter toute ambiguïté et toute illusion quant à la portée réelle du certificat d’urbanisme.

II. La fragilisation du certificat d’urbanisme par le juge.

A. L’élargissement du champ d’application du sursis à statuer par le juge.

Parmi les règles s’appliquant au certificat d’urbanisme, figure la possibilité pour l’autorité compétente « lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, l’une des conditions énumérées à l’article L.111-7 du Code de l’urbanisme, d’opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis » [10]. La décision de sursis à statuer doit être motivée et ne peut excéder deux ans [11].

Les deux instruments que sont le certificat d’urbanisme et le sursis à statuer sont radicalement antagonistes : le certificat d’urbanisme a pour objet de prolonger l’application du droit ancien alors que le sursis à statuer a au contraire pour objet d’anticiper l’application du droit futur, qu’il fait primer sur le droit actuel.

Dès lors, les droits attachés au certificat d’urbanisme sont relatifs puisque l’autorité administrative serait susceptible de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme (PLU).

Le juge administratif avait alors tenté de concilier ces deux instruments de la façon la plus équilibrée possible en prenant soin notamment de préciser que la mention du sursis à statuer devait figurer dans le certificat d’urbanisme [12]. La haute juridiction s’était elle-même montrée particulièrement rigoureuse dans son application en jugeant illégale l’opposition d’un sursis à statuer à une demande déposée dans le délai de vigueur d’un certificat qui n’avait pas signalé cette possibilité en tant que telle et s’était limité à faire état de la circonstance qu’un POS avait été prescrit quelque temps auparavant. [13]

Cependant, le juge administratif a affaibli l’apparente sécurité juridique offerte par le certificat d’urbanisme en élargissant le champ d’application du sursis à statuer. Il a ainsi jugé que le défaut de mention dans le certificat relative à la possibilité d’opposer un sursis à statuer ne constitue pas un motif d’inopposabilité d’un tel sursis à la demande de permis de construire formulée par le bénéficiaire du certificat [14]. Le bénéficiaire du certificat ne pourra contester la légalité du sursis qui lui est opposé au seul motif qu’il n’aurait pas été mentionné dans le certificat.

Ce revirement de jurisprudence semble alors regrettable au regard des conséquences sur le certificat d’urbanisme.

B. Les conséquences regrettables sur le certificat d’urbanisme.

L’opposabilité du sursis à statuer malgré son omission dans le certificat d’urbanisme fait peser une insécurité juridique très forte sur le certificat alors même que cette règle d’urbanisme à caractère procédural, ait été spécifiquement prévue au 5ème alinéa de l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme.

De plus, la solution dégagée par le Conseil d’État semble dépassée à l’heure où les pouvoirs publics plaident de plus en plus en faveur de la sécurité juridique. Ainsi, il est regrettable que le Conseil d’État n’ait pas saisi l’occasion que lui offrait les affaires « Rousseau » [15] et « Danglot » [16] de confirmer sa jurisprudence antérieure.

La question centrale est désormais celle relative au stade d’évolution du PLU, qui fixe le moment à partir duquel l’autorité publique pourra, malgré l’existence d’un certificat d’urbanisme, opposer un sursis à statuer à la demande d’autorisation de construire. La loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a tenté de répondre à cette question en fixant le point de départ de la possibilité de surseoir à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme en cas d’élaboration d’un PLU au débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable [17].

Il conviendra par conséquent d’être attentif aux futures décisions du Conseil d’État qui viendront préciser davantage le stade d’avancement de l’élaboration ou de la révision du PLU et définir plus précisément le contour des droits dont bénéficie le titulaire d’un certificat d’urbanisme.

Avocat collaborateur - Droit immobilier Kramer Levin Naftalis & Frankel https://www.kramerlevin.com/en/

[1Article L. 410-1 du Code de l’urbanisme

[2Article L. 410-1, a du Code de l’urbanisme

[3Article L. 410-1, b du Code de l’urbanisme

[4Revue Construction - Urbanisme n° 1, Janvier 2018 - « Portée des certificats d’urbanisme - Cristallisation des règles d’urbanisme : un droit au conditionnel - Commentaire par Xavier COUTON »

[5Conseil d’Etat, 11 octobre 2017, n°401878

[6Article R. 410-12 du Code de l’urbanisme « A défaut de notification d’un certificat d’urbanisme dans le délai fixé par les articles R. 410-9 et R. 410-10, le silence gardé par l’autorité compétente vaut délivrance d’un certificat d’urbanisme tacite. »

[7Conseil d’Etat, 18 décembre 2017, n°380438

[8Conseil d’Etat, 15 décembre 2015, n°374026, Commune de Saint Cergues.

[9Article L. 410-1, al. 4 du Code de l’urbanisme.

[10Conseil d’Etat, 3 avril 2014, n°362735, Commune de Langolen.

[11Article L. 111-8 du Code de l’urbanisme

[12Conseil d’Etat, 21 mai 2012, n°323882, Berreterot ; Cour administrative d’appel de Douai, 13 mai 2002, n°00DA00282, Commune de Champagnole.

[13Conseil d’Etat, 6 juillet 1994, n°122470, Ministre de l’équipement c/ Société Depra

[14Conseil d’Etat, 11 octobre 2017, n°401878 et Conseil d’Etat, 18 décembre 2017, n°380438

[15Conseil d’État, 11 octobre 2017, n°401878

[16Conseil d’État, 18 décembre 2017, n°380438

[17Article L. 153-11 du Code de l’urbanisme

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