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L’effet suspensif de l’article 2239 du Code civil ne s’applique pas aux défendeurs. Par Elodie Kassem, Élève-avocat.
Parution : mardi 12 février 2019
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L’effet suspensif résultant de la désignation d’un expert judiciaire par le juge des référés ne profite pas aux défendeurs nous dit la Cour de cassation dans un arrêt du 31 janvier 2019 (N°18-10.011).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considérablement réduit l’intérêt de l’article 2239 du Code civil par son arrêt du 31 janvier 2019 destiné à une large publication.

Une société d’HLM se plaignant de malfaçons résultant de travaux de couverture, a obtenu en référé la désignation d’un expert, puis, après dépôt du rapport d’expertise, a saisi un tribunal de commerce à fin d’indemnisation.

Le constructeur a notamment sollicité, reconventionnellement, la condamnation de la société d’HLM au paiement de ses factures.

Le Tribunal de commerce a accueilli les demandes respectives des parties.

La société d’HLM a relevé appel du chef du jugement accueillant la demande du constructeur à son encontre.

La Cour d’appel a jugé irrecevable comme prescrite la demande de règlement de factures formée contre la société d’HLM au motif que l’assignation en référé n’avait eu d’effet que pour la seule société d’HLM.

La Cour de cassation, rejette le pourvoi formé par le constructeur au motif que « la suspension de la prescription, en application de l’article 2239 du Code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, qui fait, le cas échéant, suite à l’interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé et tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu’à son profit ».

En d’autres termes, l’effet suspensif résultant de la désignation d’un expert judiciaire par le juge des référés ne profite pas aux défendeurs.

Cette solution est contraire à l’alinéa 2 de l’article 2239 du Code civil (dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008) qui dispose que « le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée » et réduit, à nouveau, l’intérêt de cet article.

La Cour de cassation a en effet d’ores et déjà affirmé que la suspension prévue à l’article 2239 du Code civil n’est pas applicable au délai de forclusion (Cass. 3e civ, 3 juin 2015, n° 14-15.796.).

Dès lors, la désignation d’un expert judiciaire n’a pas d’effet suspensif pour les désordres relevant de la garantie décennale, de la garantie biennale, de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie des vices apparents.

Les dispositions de l’article 2239 du Code civil ont ainsi perdu une part importante de leur intérêt dans les litiges relatifs au droit de la construction.

Par conséquent, le défendeur qui, contrairement au demandeur, ne bénéficie ni de l’interruption des délais de prescription et de forclusion par la demande en justice prévue par l’article 2241 du Code civil, ni de l’effet suspensif de l’article 2239 du Code civil, doit saisir le juge du fond dès la connaissance de l’existence des désordres, et ce, même si l’expert n’a pas encore déposé son rapport.

Elodie KASSEM Élève-avocat