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La nullité du contrat de construction de maison individuelle. Par Antri Bouzar, Avocat.
Parution : vendredi 15 février 2019
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La nullité du Contrat de Construction de Maison individuelle n’entraîne pas de facto la sanction restitutio in intregrum, c’est-à-dire la remise en l’état des lieux tels qu’ils existaient préalablement à la conclusion du contrat (Cass, civ. 3e, 22 novembre 2018, n° 17-12.537).

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage ayant conclu avec un constructeur un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, reprochait au professionnel placé par suite en liquidation judiciaire, l’existence de nombreux désordres et de n’avoir pas souscrit de garantie de livraison telle qu’exigée aux articles L232-2 et L231-2 du Code de la construction et de l’habitation et dont les dispositions sont qualifiée d’ordre public par l’article L230-1 de ce même Code.

Le projet du maître de l’ouvrage se trouvait donc interrompu à l’ouverture de la procédure collective de son cocontractant.

Le constructeur en déconfiture, le maître de l’ouvrage trouvait là une audacieuse opportunité de ne pas s’acquitter du solde des travaux exécutés d’un montant de 256.840 € dont il restait devoir la somme de 172.520,46 €.

Notre maître d’ouvrage entendait probablement conserver cette somme en dédommagement de son préjudice consécutif aux nombreux désordres constatés à l’arrêt du chantier, mais qu’il avait fait reprendre pour un montant de 27.695 € en vue de lui permettre d’achever quasiment sa construction.

À l’assignation signifiée à l’initiative du mandataire liquidateur, la réplique du maître d’ouvrage était formée d’une demande en nullité de la convention de CCMI pour non-respect des règles d’ordre public des articles ensembles L232-2 et L231-2 et L230-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Le maître de l’ouvrage demandait que soient tirées les conséquences de cette nullité sur le fondement de l’article 1178 du Code civil (actualisé), à savoir la démolition de l’ouvrage alors quasiment-achevé, comprenant les travaux réalisés par le constructeur à concurrence de 89,5 % du gros œuvre ainsi que les travaux de reprise commandés par le maître de l’ouvrage à une entreprise tierce.

À cette argumentation intempérante, la Cour de cassation oppose la pondération sur une analyse plus économique que strictement juridique. La cour accueille bien entendu la nullité de la convention de CCMI, mais refuse la démolition d’un ouvrage pour ainsi dire achevé, ce qui aurait été selon la Cour une sanction excessive :« le montant total des travaux réalisés s’élevait à 280 313 euros pour des malfaçons à reprendre pour un coût évalué à 27 695 euros, les travaux réalisés par le constructeur ayant été évalués à 89,5 % du gros-œuvre, et que les photographies versées au débat attestaient que la maison était à ce jour quasiment terminée, la Cour d’appel, qui, procédant à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que la mesure de remise en état des lieux, seule expressément formulée par M. X..., alors qu’il avait pris l’initiative de faire achever l’ouvrage, constituerait une sanction disproportionnée, au regard des travaux réalisés, et aujourd’hui quasiment achevés, et de la gravité des désordres » [1].

Il reste à ce maître de l’ouvrage à s’acquitter auprès du mandataire liquidateur, si ce n’est déjà fait, de la somme de 172.520,46 €, déduction faite des malfaçons et moins-values et des sommes déjà versées.

Me Antri Bouzar Dexteria Avocats

[1Cass, civ. 3e, 22 novembre 2018, n° 17-12.537 ; voir aussi Cass., civ. 3e, 15 octobre 2015, n° 14-23.612