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ASL et AFUL : la jurisprudence récente de la Cour de Cassation sur la mise en conformité des statuts incite à la vigilance. Par Jérôme Nalet, Avocat.
Parution : lundi 18 février 2019
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Jusqu’à une période récente, la Cour de Cassation laissait aux juges du fond le soin de déterminer si la mise en conformité des statuts d’une ASL ou d’une AFUL par rapport à l’ordonnance du 1er juillet 2004 était ou non suffisante pour qu’elle recouvre (notamment) sa capacité à agir en justice. Deux décisions rendues en septembre 2018 viennent changer la donne. Et la vigilance est d’autant plus souhaitable que la Haute juridiction, en avril 2018, avait statué en faveur de l’irrégularité de l’acte d’appel en l’absence de mise en conformité des statuts.

En octobre 2017, j’avais rédigé un article faisant un point global sur la recevabilité de l’action des ASL et des AFUL après la loi dite ALUR du 24 mars 2014.

Deux arrêts de la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation en date du 12 avril 2018 (n°16-21690 et 16-21691) apportent sur la question une précision importante au stade de l’appel. Si l’Association Syndicale Libre (ci-après ASL) ou l’Association Foncière Urbaine Libre (ci-après AFUL) ne fait pas le nécessaire dans le délai qui lui est imparti pour interjeter appel de la décision qu’elle entend contester, l’acte d’appel doit être considéré comme irrégulier, sans qu’il soit possible de couvrir cette irrégularité postérieurement.

Ces arrêts, rendus à propos d’une saisie-attribution pratiquée dans le cadre d’un recouvrement de charges, sont à mettre en parallèle avec une autre décision de la Cour de Cassation en date du 8 juin 2017 (n° 15-23175). La Haute juridiction avait alors considéré qu’une ASL ne devait pas justifier de la mise en conformité de ses statuts avec l’ordonnance du 1er juillet 2004 et de l’accomplissement des formalités mentionnées à son article 8 à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée.

Cependant, dans cette dernière espèce, non seulement les appelants étaient les débiteurs des charges, mais l’Association avait, par sécurité, régularisé la situation dès la première instance. Désormais, que l’ASL ou l’AFUL soit demanderesse ou défenderesse au procès, la prudence exige qu’elle s’inquiète sans tarder de la mise en conformité de ses statuts et de l’accomplissement des formalités prévues si elle souhaite valablement faire appel d’une décision qui lui serait défavorable.

Il convient d’être d’autant plus vigilant sur le sujet que jusqu’à présent, si la Cour de Cassation exigeait bien que l’on justifie d’une modification effective des statuts valant mise en conformité avec l’ordonnance, elle avait tendance à laisser les juges du fond exercer leur appréciation souveraine sur ce point.

Elle ne l’entend plus de cette oreille et l’a fait savoir, à l’occasion de deux arrêts successifs, en septembre dernier cette fois-ci.

Le premier arrêt, daté du 6 septembre 2018 (n°17-22815), a été publié au Bulletin. La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence avait estimé que, si la création d’une Association Syndicale Libre imposait d’annexer à ses statuts le plan parcellaire prévu à l’article quatre de l’ordonnance et la déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales de son lot ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s’engage, ces formalités n’étaient pas exigées au stade de la mise en conformité.

Cette décision est cassée de façon cinglante :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte ni de l’ordonnance ni du décret précités que les associations syndicales libres soient dispensées, lorsqu’elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes, de respecter les formalités qu’ils imposent, la Cour d’appel a violé les textes susvisés (…) ».

Le second, rendu une semaine plus tard (13 septembre 2018, n° 17-22041), paraît moins important, mais va dans le même sens. Il s’agit là encore d’un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence. Et, cette fois, le raisonnement des seconds juges est validé par la Cour de Cassation. Les statuts litigieux confiaient au seul directeur de l’ASL (et non à son syndicat) la tâche d’administrer l’Association. Or, il résulte effectivement de l’article 9 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 que :
« L’association syndicale libre est administrée par un syndicat composé de membres élus parmi les propriétaires membres de l’association ou leurs représentants dans les conditions fixées par les statuts. Le syndicat règle, par ses délibérations, les affaires de l’association. »

Selon la Cour de Cassation, « la Cour d’appel en a exactement déduit qu’en l’absence d’adoption des statuts conformes à la nouvelle réglementation, l’ASL n’avait pas retrouvé son droit d’agir en justice en cours de procédure (…) ».

Ainsi, et c’est relativement nouveau, les juges du fond sont incités à ne pas s’en tenir à un contrôle formel de la mise en conformité des statuts d’une ASL ou d’une AFUL : ils doivent vérifier que les termes de l’ordonnance ont effectivement été respectés.

Jérôme Nalet Spécialiste en Droit Immobilier Avocat Associé au sein de la SELARL FEUGAS AVOCATS http://www.nalet-avocat.com/ http://www.feugas-avocats.com/ https://aslinfoblog.wordpress.com/
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