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De la sanction du non respect des délais de communication devant le Conseil de Prud’hommes. Par Annabelle Sevenet, Avocat.
Parution : jeudi 21 février 2019
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L’employeur qui ne respecte pas les délais de communication de pièces et conclusions acceptés lors d’une audience de mise en état peut être sanctionné par le versement de dommages et intérêts lorsque son attitude dilatoire a eu pour conséquence un retard préjudiciable dans l’indemnisation du salarié.

La procédure prud’homale a cette particularité d’être orale mais néanmoins soumise à des dates de communication de pièces et conclusions, fixées par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement.

Les délais de communication ne sont pas impératifs mais les parties sont grandement incitées à la respecter.

A Paris, le Conseil de Prud’hommes a d’ailleurs établi une charte « Zen Prud’hommes » qui a pour objet d’encadrer les règles en matière de communication de pièces et conclusions.

Cette charte distingue ainsi trois situations :

1.1) Le demandeur « bonus » : le demandeur a saisi le Conseil de prud’hommes par requête avec exposé des moyens et prétentions accompagnée de ses pièces et/ou a conclu et communiqué ses pièces dans les délais du calendrier fixé par le Conseil de prud’hommes. Le défendeur doit communiquer ses pièces et conclusions en réponse au moins 2 mois avant la date de l’audience, à défaut le demandeur peut en demander le rejet.

1.2) Le demandeur « vigilant » : le demandeur a communiqué ses pièces et conclusions postérieurement au calendrier fixé par le Conseil de prud’hommes mais plus de 3 mois avant la date de l’audience. Si le défendeur conclut et communique ses pièces moins de 8 jours avant l’audience, le demandeur peut en demander le rejet.

1.3) Le demandeur « malus » : le demandeur a communiqué ses pièces moins de 2 mois avant l’audience. Le demandeur doit s’associer à une éventuelle demande de renvoi du défendeur et ne peut demander le rejet des conclusions et pièces communiquées par le défendeur avant l’audience.

Ces délais ne sont, a priori, opposables qu’aux avocats inscrits au Barreau de Paris.


De nombreux Conseils de Prud’hommes ont également mis en place de audiences de mise en état avant de fixer une date définitive de plaidoirie, c’est le cas du Conseil de Prud’hommes de Rennes à titre d’exemple, ou encore des dates de clôture, comme à Paris ou à Nanterre, censées empêcher toute communication de pièces et conclusions après la clôture.

Dans la réalité, les parties sont encore trop souvent confrontées à des communications de pièces et conclusions tardives, ne respectant pas le principe du contradictoire, et générant de nombreux renvois de l’affaire, régulièrement au préjudice du salarié.

Certaines parties n’hésitent pas à communiquer leurs pièces et conclusions à quelques jours de l’audience de jugement, générant presque systématiquement le renvoi de l’affaire.

C’est ainsi que la Cour d’Appel de Paris, par un arrêt du 9 janvier 2019 (CA Paris, 9 janvier 2019, n°17/09705) a souhaité sanctionner certains comportements : « Attendu que le non-respect par la société du calendrier de procédure pourtant accepté lors d’une audience de mise en état du 28 janvier 2016 et le dépôt de conclusions la veille de l’audience de plaidoirie du 7 décembre 2016 qui a ainsi entraîné la radiation de l’affaire du rôle de la cour démontrent son attitude dilatoire, qui a eu pour conséquence le retard préjudiciable dans l’indemnisation de Mme Y, si bien qu’il lui sera alloué des dommages-intérêts pour résistance abusive à hauteur de 2.000 euros ».

Il ressort de cet arrêt que le non-respect par la société employeur du calendrier de procédure pourtant accepté lors d’une audience de mise en état et le non-respect du principe du contradictoire, en déposant des conclusions la veille de l’audience de plaidoirie qui a ainsi entraîné la radiation de l’affaire du rôle, générant un préjudice pour le salarié sont des attitudes qui peuvent être sanctionnées par le versement de dommages et intérêts.

L’objectif de cet arrêt est certainement de sanctionner une attitude dilatoire de l’employeur ayant pour effet de faire trainer en longueur une procédure contentieuse.

Cet arrêt est par ailleurs intéressant puisqu’il vient sanctionner le non-respect de dates de communication de pièces et conclusions dans le cadre d’une procédure orale.

Encore faut-il que le salarié soit en mesure de démontrer le préjudice subi par l’attitude de l’employeur et, notamment, que le retard dans l’indemnisation à laquelle il avait droit lui a causé un préjudice.

La lecture stricte de l’arrêt suppose également que le salarié ait droit à une indemnisation de la part de l’employeur.

L’on peut donc s’interroger sur la position qu’aurait eu la Cour sur l’attitude dilatoire de l’employeur dans l’hypothèse où la salariée n’aurait pas obtenu gain de cause… Affaire à suivre.

Annabelle SEVENET- Avocate Associée - Droit Social www.jane-avocats.com
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