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Sous-location de votre appartement sur Airbnb : bailleur, défendez vous ! Par Lorène Derhy, Avocat.
Parution : mercredi 27 février 2019
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Depuis quelques années, la location meublée saisonnière sur des plateformes internet de type Airbnb a conduit de nombreux locataires à sous-louer illicitement leur appartement. La justice n’hésite plus à prononcer à leur encontre de lourdes condamnations au grand bonheur des propriétaires bailleurs. Cet article vous expose en trois étapes comment assigner efficacement votre locataire afin que vous puissiez obtenir la résiliation de son bail mais également récupérer à votre bénéfice les loyers qu’il a perçus au titre de l’activité de sous-location illicite.

Depuis le développement de la location meublée touristique sur une plateforme de type Airbnb, la location entre particuliers s’est considérablement développée. Parmi ces hôtes, un grand nombre d’entre eux sont eux-mêmes locataire de leur logement et le sous-loue à une clientèle de passage. Les sanctions prononcées à leur encontre ont proliféré depuis 2016 et il serait dommage pour les bailleurs de se priver des actions qui sont à votre disposition.

I. L’interdiction de principe de la sous-location, sauf autorisation expresse du bailleur.

Il y a sous-location lorsque le titulaire d’un contrat de location met partiellement ou entièrement à disposition d’une personne son logement en échange d’une contrepartie financière.

S’agissant des locations vides ou meublées constituant la résidence principale du locataire, l’article 8 de loi du 6 juillet 1989 indique que le locataire ne peut sous-louer son logement sauf avec l’accord écrit du bailleur. C’est ainsi qu’en pratique la plupart des baux d’habitation prévoit expressément une clause interdisant la sous-location à peine de résiliation du bail.

Pour pouvoir sous-louer licitement son logement, le locataire doit obtenir expressément et par écrit l’accord du bailleur tant sur le principe de la sous-location que sur le montant du loyer de sous-location ; étant précisé que le montant du loyer de sous-location ne ne peut en aucun cas “excéder celui payé par le locataire principal” (article 8 de la loi du 6 juillet 89). Ce plafonnement est rapporté au mètre carré de surface habitable.

II. Réunir des moyens de preuve établissant l’infraction de sous-location.

Le locataire qui sous-loue son logement sans avoir été expressément autorisé par son bailleur commet par définition une infraction, dont les conséquences peuvent être désastreuses.

Dans de telles circonstances, le bailleur peut engager une procédure d’expulsion à son encontre devant le Tribunal d’instance du lieu de situation du logement mais également solliciter le remboursement des sous-loyers perçus par ce dernier, outre des dommages et intérêts.

Pour cela, le propriétaire doit se prémunir de preuves aux fins de faire constater l’infraction de sous-location commise par son locataire et d’en justifier par devant le Tribunal de céans.

Plusieurs moyens sont mis à votre disposition :
- faire établir un constat d’huissier sur internet de l’annonce publiée sur la plateforme Airbnb (ou toute autre plateforme similaire), lequel permettra de révéler les nombreux commentaires des sous-locataires, la date de parution de l’annonce ;
- saisir le Président du Tribunal d’instance des lieux loués d’une requête aux fins de désignation d’un huissier de justice. A l’issue de cette requête, le Président rend une ordonnance aux termes de laquelle elle désigne un huissier et fixe ses missions.

L’intérêt de procéder par cette voie est de permettre à l’huissier de pouvoir se rendre sur les lieux loués avec l’aide éventuelle d’un serrurier sans que votre locataire soit prévenu préalablement. Cette procédure est intéressante dans le sens où elle permet à l’huissier de pouvoir pénétrer par surprise dans les lieux loués et de constater la présence d’effets personnels des touristes, de pouvoir les interroger s’ils sont sur place. L’ensemble de ses investigations seront reportées aux termes de son constat.

Elle permet également de palier au constat d’huissier sur internet dans l’hypothèse où vous ne parviendrez pas à trouver l’annonce de votre locataire sur la plateforme internet.

Une fois le constat d’huissier établi, il conviendra d’adresser une sommation au locataire de communiquer l’ensemble de ses relevés Airbnb afin de connaitre le nombre de nuitées qu’il a réalisées et les sommes perçues à ce titre.

Il existe également d’autres moyens de preuve mais dont la force probante reste à la libre appréciation du juge, tels que :
- les mails échangés avec votre locataire aux termes desquels il peut vous indiquer avoir cassé par exemple sa serrure ou perdu le double des clés ;
- les captures d’écran.

III. Assigner devant le Tribunal d’instance votre locataire aux fins d’expulsion et remboursement des fruits civils tirés de la sous-location.

Une fois les preuves réunies, il conviendra saisir le Tribunal d’instance des lieux loués.

A cette occasion, l’avocat saisi de votre dossier devra solliciter :
- l’expulsion des lieux loués de votre locataire et de tout occupant de son chef,
- le remboursement de la totalité des sommes qu’il a perçues dans le cadre de l’activité illicite de sous-location, correspondant aux fruits civils revenant par accession aux propriétaires conformément aux décomptes Airbnb communiqués,
- éventuellement la réparation d’un préjudice moral et/ou financier au titre des dégradations.

En effet, la jurisprudence actuelle est très favorable aux bailleurs comme il est démontré ci-après.

C’est ainsi que par un jugement du 16 avril 2016 [1], le Tribunal d’instance de Paris du 5ème arrondissement avait condamné le locataire à payer uniquement la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la sous-location illicite via une plateforme internet, outre la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700.

Par un arrêt 5 juin 2018, la Cour d’Appel de Paris a marqué un coup d’arrêt au plus grand bonheur des propriétaires dès lors qu’elle a condamné deux locataires à rembourser la somme de 27.295 euros à leur bailleur, correspondant à la totalité des sommes qu’ils avaient perçues via la sous-location non autorisée de leur appartement.

Pour parvenir à cette fin, la Cour d’appel a retenu que les loyers perçus au titre de la sous-location sont des fruits civils de la propriété (art 546 du Code civil) et qu’ils appartiennent de facto au propriétaire, et qu’en conséquence le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière, cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci, qu’il convient de réparer en son intégralité.

Aux termes d’un [jugement en date du 24 octobre 2018 [2], le Tribunal d’instance de Paris a suivi l’analyse retenue par la Cour d’Appel de Paris (arrêt précité). C’est ainsi qu’il a condamné une locataire à rembourser à son propriétaire l’intégralité des sommes perçues, soit 46.277 euros, outre 1.000 euros de dommages et intérêts et 1.000 euros au titre de l’article 700 du CPC. Il a également prononcé la résiliation de son bail et donc ordonné son expulsion.

Dans cette espèce, le logement avait été loué illégalement 767 jours (soit l’équivalent de plus de deux ans) entre 2011 et 2018. La locataire sous-louait le logement environ 60 €/ nuit alors qu’elle le louait autour de 600 € par mois (soit un peu plus de 20 €/jour). Or, comme il a été exposé ci-avant au point I, un locataire ne peut pas sous-louer un logement pour un loyer supérieur à celui qu’il paie au propriétaire.

Ce jugement a été jugé de « sévère » par un grand nombre de praticiens dès lors que la locataire lourdement condamnée était une femme seule d’une cinquantaine d’années et sans emploi.

Si par extraordinaire le locataire ne transmettait pas ses décomptes, il appartiendra à votre avocat d’en tirer toutes les conséquences utiles.

Lorène Derhy, Avocat www.derhy-avocat.com