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McDonald’s défend sa marque Big Mac… et la perd. Par Jean-Christophe Ienné et Lamia El Fath, Avocats.
Parution : mardi 5 mars 2019
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Par une décision du 11 janvier 2019, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) juge que la société McDonald’s n’établit pas avoir exploité sa marque et prononce son annulation sur le fondement de la déchéance pour non-usage.

La société McDonald’s a déposé la marque verbale « Big Mac » le 1er avril 1996 pour désigner divers aliments, dont les sandwiches, ainsi que divers services liés à l’exploitation et la franchise d’établissements de restauration.

Supermac’s, une chaîne de restauration rapide irlandaise, a déposé la marque verbale de l’Union européenne « Supermac’s » pour désigner des services de restauration, le 11 mai 2016.

Le 25 août 2016, McDonald’s a fait valoir sa marque antérieure pour former opposition à l’encontre de ce dépôt et faire ainsi échec à ce dépôt.

En retour, Supermac’s a introduit une demande en nullité de la marque Big Mac en se fondant sur l’article 58 (1) du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union Européenne. Ce texte dispose que si une marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée pendant une période ininterrompue de 5 ans et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage, le titulaire de ladite marque est déclaré déchu de ses droits.

La preuve de l’usage d’une marque pèse sur son titulaire.

Celui-ci doit apporter des éléments concrets et objectifs qui témoignent d’une utilisation sérieuse du signe à titre de marque sur le marché pendant la période pertinente et pour désigner les produits et/ou services pour lesquelles elle a été enregistrée.

Des dispositions similaires s’appliquent à la marque française.

Pour justifier de l’usage de sa marque, McDonald’s apportait un certain nombre de documents, dont les attestations de représentants de sociétés McDonald’s en France, en Allemagne et au Royaume-Uni faisant état de chiffres de vente importants de sandwich Big Mac, des brochures, des copies d’affiches publicitaires et des emballages datant de 2011 à 2016, des captures d’écran des sites internet McDonald’s de différents pays européens et de la page Wikipédia consacrée au sandwich Big Mac.

L’ensemble de ces documents tendait à établir une utilisation de la marque en relation avec des sandwiches pendant la période concernée.

La Division d’annulation de l’Office a pourtant considéré que ces éléments étaient insuffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque Big Mac sur le marché. Bien qu’elles témoignent de l’utilisation de la marque Big Mac en relation avec les produits qu’elle désigne, la Division d’annulation estime que les preuves apportées ne permettent pas de démontrer que les produits étaient réellement offerts à la vente. Elle souligne que le fait que les attestations, émanant du titulaire lui-même, fassent état des volumes de vente des produits concernés n’est pas suffisant, dans la mesure où les autres pièces, plus objectives, n’apportent aucune information chiffrée à leur appui.

Ainsi, l’EUIPO conclut que McDonald’s ne démontre pas l’étendue de l’usage de la marque et déclare la déchéance de la marque Big Mac.

Par voie de conséquence, l’opposition formée par McDonald’s à l’encontre de Supermac’s ne pouvait pas aboutir puisqu’elle était fondée sur une marque déchue.

Il est à noter que dès octobre 2017, McDonald’s a à nouveau déposé la marque verbale de l’Union européenne Big Mac afin de conserver son monopole.

Sans préjuger d’éventuels prolongements contentieux entre les deux sociétés, deux enseignements peuvent être tirés de cette décision :
- d’une part, les actions en opposition comme les actions en contrefaçon ne sont pas dénuées de risque. En défense, le déposant ou le défendeur peut demander le prononcé de l’invalidation de la marque que ce soit au titre de la déchéance pour non-usage ou en invoquant d’autres fondements tels que la nullité ou la déchéance pour dégénérescence ;
- d’autre part, afin de conserver ses droits, le titulaire doit se ménager la preuve de l’exploitation de sa marque, pendant toute sa durée de vie. La constitution d’un dossier de preuves d’usage doit non seulement rassembler des brochures, de la documentation publicitaire, des catalogues, des pages Internet mais aussi des documents liés aux chiffres de vente tels que des factures. L’ensemble de ces pièces doit présenter une date certaine et pouvoir être rattaché au pays d’exploitation de la marque.

Jean-Christophe Ienné, avocat, directeur des pôles Propriété intellectuelle & industrielle, Médias & Audiovisuel et Internet et Lamia El Fath, avocat