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Lois Egalim : l’encadrement des promotions en valeur et en volume des produits de grande consommation. Par Maïa Spy, Avocat.
Parution : jeudi 14 mars 2019
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La loi Egalim a prévu la possibilité pour le Gouvernement d’expérimenter, pour une durée de deux ans, le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des opérations promotionnelles en valeur et en volume. Cette expérimentation a été prolongée par la loi ASAP puis la loi Egalim 3 jusqu’en 2026 et étendue aux produits de grande consommation. Ses conditions de mise en œuvre sont précisées par les lignes directrices de la DGCCRF publiées en 2019 et mises à jour par la suite.
Article actualisé par son auteur en février 2024.

Initialement prévue par loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi « Egalim 1 ») [1] et encadrée par l’ordonnance n°2018-1128 [2], l’encadrement des avantages promotionnels des denrées alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie est désormais prévu par l’article 125 de la loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération de simplification de l’action publique (dite loi « ASAP ») [3].

La loi n°2023-221 du 30 mars 2023, dite loi « Egalim 3 », est venue prolonger l’application de ce dispositif jusqu’au 15 avril 2026 et l’étendre aux produits de grande consommation (ci-après « PGC ») à partir du 1er mars 2024.

Parallèlement, l’article 16 de la loi Egalim 1 a également introduit, à l’article L443-1 du Code de commerce, l’interdiction, pour les opérateurs de vente d’un produit alimentaire, d’utiliser le terme « gratuit » comme « outil marketing et promotionnel dans le cadre d’une relation commerciale ». 

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (« DGCCRF ») a publié des lignes directrices destinées à clarifier la mise en œuvre, par ses services, de ces nouvelles règles encadrant les promotions le 5 février 2019, mises à jour en 2020 et 2021 [4].

1. L’encadrement des opérations promotionnelles.

Ces lignes directrices viennent tout d’abord utilement préciser les modalités de mise en œuvre de l’encadrement des promotions en valeur et en volume. En effet, dans son avis du 23 novembre 2018 [5], l’Autorité de la concurrence a émis un avis très réservé sur cet encadrement des opérations promotionnelles : outre le risque de limitation de la concurrence entre les fournisseurs et entre les distributeurs, l’Autorité pointe l’effet inflationniste de cette mesure et les incertitudes sur la mise en œuvre de ce dispositif liées à sa complexité, à la difficulté d’apprécier les éléments de calculs du plafond ou encore à son application dans le temps, en particulier aux contrats en cours d’exécution. Les précisions apportées par la DGCCRF sont d’autant plus bienvenues que les manquements à ces dispositions sont passibles d’une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique, de 375 000 euros ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale, cette amende pouvant être doublée en cas de réitération dans un délai de deux ans.

1.1 Les produits concernés.

Jusqu’au 28 février prochain, l’encadrement des avantages promotionnels, en valeur et en volume ne concernaient que les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.

A compter du 1er mars 2024, cet encadrement s’appliquera à l’ensemble des PGC au sens du I de l’article L441-4 du Code de commerce, qui renvoie à la liste de produits de l’article D441-9 du Code de commerce : outre les produits alimentaires et les aliments pour animaux d’agréments, cette liste vise par exemple les produits de lavage et d’entretien ou encore les articles d’hygiène corporelle.

Pour le législateur, il s’agit de lutter contre l’augmentation significative des promotions sur les produits non-alimentaires résultant de l’encadrement des promotions sur les produits alimentaires, et contre les conséquences de celles-ci pour les fournisseurs de PGC.

1.2 L’encadrement en valeur des opérations promotionnelles.

L’encadrement en valeur impose de limiter les avantages promotionnels, immédiats ou différés, le cas échéant cumulés, ayant pour objet de réduire le prix de vente au consommateur du produit concerné à « 34% du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente ».

La DGCCRF indique tout d’abord que cet encadrement ne s’applique qu’aux seules annonces de réduction chiffrées, c’est-à-dire aux « offres portant sur un produit déterminé, dont le prix est annoncé en baisse par le distributeur par rapport au prix de vente au consommateur, ou dont la quantité est augmentée par rapport au conditionnement habituel sans augmentation de prix correspondante ».

Elle liste ensuite, de façon non exhaustive, les opérations promotionnelles concernées :

En revanche, la DGCCRF considère que l’encadrement en valeur ne concerne pas les offres commerciales suivantes :

En outre, le plafond s’applique à l’ensemble des avantages promotionnels applicables au produit, ce qui impose au distributeur, pour respecter ce plafond, de tenir compte des éventuels avantages octroyés par le fournisseur avant de mettre en place une offre promotionnelle.

1.3 L’encadrement en volume des opérations promotionnelles.

L’encadrement en volume s’impose aux mêmes opérations promotionnelles en plafonnant les avantages accordés par le fournisseur ou par le distributeur à une « quantité de produits ne représentant pas plus de 25% d’un volume ou d’un chiffre d’affaires déterminé à l’avance par les parties au contrat ».

La DGCCRF rappelle tout d’abord que la détermination de l’assiette de 25% de l’encadrement en volume implique, quelle que soit la relation commerciale, que les parties conviennent soit d’un chiffre d’affaires prévisionnel dans le cadre de la convention unique prévue à l’article L441-4 du Code de commerce, soit d’un volume prévisionnel dans le contrat relatif à la fourniture de produits sous marque de distributeur (« MDD ») soit d’un engagement de volume pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.

Dans l’hypothèse d’une relation contractuelle régie par la convention unique prévue à l’article L441-7 du Code de commerce, la valeur à l’achat des produits revendus en promotion ne devra pas dépasser 25% du chiffre d’affaires prévisionnel entre le fournisseur et le distributeur (« sell in ») visé par le contrat (et non du chiffre d’affaires réalisé auprès du consommateur « sell out »). C’est au regard de ce chiffre d’affaires prévisionnel, et non le chiffre d’affaires effectivement réalisé, que le seuil de 25% sera vérifié : la DGCCRF précise cependant que ce chiffre d’affaires prévisionnel doit être fixé à un niveau raisonnable au regard tant de l’année précédente que des évolutions raisonnablement attendues.

La DGCCRF précise que les parties ont le choix de la manière de calculer le chiffre d’affaires prévisionnel (chiffre d’affaires net ou chiffres d’affaires « ristournable ») mais elles devront appliquer la même méthode au calcul de la valeur des produits revendus en promotion.

Dans le cadre de relations contractuelles portant sur des produits sous MDD ou de produits agricoles, la quantité de produits revendue ne devra pas dépasser 25% respectivement du volume prévisionnel ou des engagements de volumes (en nombre d’unités, poids, litres etc.) prévus dans les contrats. L’encadrement en volume des promotions relatives aux produits concernés par ces contrats est applicable à celles-ci depuis le 14 décembre 2018, en vertu de l’article 7 de l’ordonnance n°2018-1128.

Pour les contrats en cours d’exécution, la DGCCRF vient préciser que les fournisseurs et distributeurs doivent prévoir un volume prévisionnel (pour les produits sous MDD) ou des engagements de volume (pour les produits agricoles périssables) « pour la durée restante d’application du contrat ».

1.4 La possibilité de dérogation pour certaines denrées alimentaires dont la vente est saisonnière.

Enfin, la loi ASAP a prévu la possibilité de déroger à l’encadrement des promotions pour certaines denrées alimentaires ou catégories de produits alimentaires dont la vente est saisonnière. Un arrêté du 29 janvier 2021, modifié par un arrêté du 22 décembre 2023, est venu en fixer la liste : il s’agit de produits vendus pendant les périodes de Noël (chocolat, dindes ..) ou de Pâques, du fois gras, des champignons sylvestres ou encore des escargots.

Cet encadrement en volume et en valeur des opérations promotionnelles n’est instauré qu’à titre d’expérimentation : cette expérimentation pourra être suspendue par décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Autorité de la concurrence, si le comportement d’un nombre significatif d’acheteurs des produits concernés, lors de la négociations des conventions uniques ou autres contrats visés, est de nature à compromettre l’atteinte de l’un des objectifs visés (rétablissement de conditions de négociations plus favorables pour les fournisseurs, développement des produits dont la rentabilité est trop faible et meilleur équilibre dans les filières alimentaires).

2. L’interdiction d’utilisation du terme « gratuit » pour les promotions relatives aux produits alimentaires.

Cette interdiction pour les opérateurs de vente d’utiliser le terme « gratuit » dans la promotion d’un produit alimentaire, prévue par l’article L443-1 du Code de commerce est applicable depuis le 2 novembre 2018.

La DGCCRF considère que l’interdiction vaut pour tous les produits alimentaires (y compris pour les animaux de compagnie) vendus par tout professionnel « proposant à la vente des produits alimentaires, à d’autres professionnels ou à des consommateurs » et pour toute forme de communication ou tout support utilisant le mot « gratuit » dans le but d’influencer le comportement d’achat des consommateurs (catalogue promotionnel, emballage du produit, affiche publicitaire sur le lieu de vente, etc.).

En revanche, elle interprète la loi de façon stricte en considérant que seule l’utilisation du mot « gratuit », à l’exclusion de termes dérivés ou synonymes (par exemple « offert ») est interdite.

La DGCCRF indique qu’elle pourra tenir compte « des circonstances particulières et notamment de la bonne foi » des entreprises concernées des opérateurs.

Cette interdiction est sanctionnée par une amende de 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.

Ces lignes directrices clarifient utilement les modalités d’application de ce dispositif complexe d’encadrement des opérations promotionnelles, et apportent un peu plus de sécurité juridique aux opérateurs, sans toutefois régler l’ensemble des difficultés pratiques rencontrées tant par les fournisseurs que par les distributeurs dans l’application de ce dispositif.

Par ailleurs, depuis la loi Egalim 3, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l’encadrement des promotions et les effets de celui-ci sur les prix de vente des produits concernés, en distinguant, d’une part, entre les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie et, d’autre part, les autres PGC. Ce rapport devra également analyser les conséquences de cette mesure sur le revenu des agriculteurs, sur les petites et moyennes entreprises ainsi que sur les pratiques de contournement de cet encadrement. Dans un contexte à la fois inflationniste et marqué par une crise agricole, on suivra avec intérêt l’évaluation de ces mesures d’encadrement.

Maïa Spy, Avocat

[1JORF n°253 du 1 novembre 2018.

[2Ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires JORF n°288 du 13 décembre 2018.

[3JORF n°296 du 8 décembre 2020.

[5Avis n° 18-A-14 du 23 novembre 2018 relatif au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.