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Une place pour la Médiation, un statut pour le Médiateur ou l’opportunité de l’intelligence collective. Par Françoise Housty et Pierrette Aufière, Médiateures.
Parution : jeudi 21 mars 2019
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En fin d’année 2018, le collectif M21 (Collectif Médiation 21 à l’origine de la manifestation du 15 juin 2018 Les Etats Généraux de la Médiation – EGM 2018-) a adressé aux parlementaires une « Lettre d’Orientation sur les dispositions recommandées pour l’amélioration de la qualité de la médiation et son développement en France ».
Cette Lettre porte à la connaissance des élus le souci des associations de médiateurs que fussent pris en compte non seulement la médiation dont mention et insertion est faite dans nombre de textes légaux et/ou réglementaires mais également le médiateur grand absent de ces mêmes dispositifs.

Rappelons simplement que sans le médiateur la médiation ne pourrait être.

A l’heure affichée d’une utilisation juridique et judiciaire quasi systématisée de la médiation organisée aujourd’hui près des Cour d’Appel par l’inscription en liste des médiateurs dit de justice, pour laquelle la volonté de désengorgement des juridictions est affichée sans détour, le traitement de la place du médiateur revêt une certaine urgence.

En effet et c’est bien ce qui motive ce billet, l’on se préoccupe de la médiation, l’on réintègre les rares données parcellaires concernant le médiateur, certaines liés à sa pratique ou ses obligations, sans approfondir ni élaborer ce qui est pourtant aujourd’hui est rendu nécessaire : la création d’un véritable statut pour le médiateur.

Vient d’être déposée à l’Assemblée Nationale une proposition de loi n°1750 en date du 6 mars 2019 « visant à développer et encadrer la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle ».
S’il faut se féliciter de l’intérêt exponentiel porté à ce Mode Amiable au point qu’un parlementaire propose une loi propre à la médiation, la démarche eut été d’autant plus soutenue que les rédacteurs de cette proposition se serait rapprochés des associations de médiateurs et auraient permis d’apporter les éléments utiles à ce que la place et le statut du médiateur soit au surplus pris en compte.

Notons que le texte initial sur la médiation date de la loi du 8 février 1995 (Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative) .

Bien que remodelée depuis dans la définition de la médiation, cette loi initiale pose les principes généraux de celle-ci dans une section 1 et dans la section 2, elle présente la médiation judiciaire en incluant les règles spécifiques à cette dernière ; règles à caractère procédural, ne contrevenant pas aux dispositions générales.
Des modifications supplémentaires en sont déjà inscrites dans l’article 2 de la « petite loi » numéro 216 du 23 janvier 2019, de programmation 2018/2022 et de réforme de la justice, actuellement pendante devant le Conseil constitutionnel.

La dernière proposition de loi N°1750 suscite encore quelques confusions en compilant les dits textes auxquels sont ajoutés des notions puisées dans divers textes de doctrine mais sans résoudre la difficulté tenant à une définition commune de la médiation et au statut du médiateur.
Ne conviendrait-il pas alors de pouvoir échanger avec les initiateurs parlementaires de la proposition de loi pour en modeler ensemble un texte plus ajusté à la médiation et au médiateur – autant de notions, de pratiques, sur lesquelles les auteures de l’article et le collectif M21 travaillent depuis plus d’une année.

Si l’on compulse les différents endroits où il apparaît dans les documents législatifs ou réglementaires, essentiellement dans les articles 131-4, 131-5, 1532 et 1533 du Code de Procédure civile ( CPC), ce serait une véritable gageure de vouloir ou pouvoir retirer une vision précise du médiateur (Pas plus que d’une définition commune et générique de la médiation qui ne distinguerait pas selon qu’elle est conventionnelle ou judiciaire.).

De fait et en droit, il n’existe aucune reconnaissance de la fonction du médiateur qui l’érigerait en professionnel relevant d’un statut précis et spécifique.

Nous insistons, ne nous laissons pas abuser par la transformation du médiateur judiciaire en « médiateur de justice » (nouvel art. 131-12 du CPC), ni par le décret N° 2017-1457 du 9 octobre 2017 instaurant la liste des médiateurs devant les Cours d’Appel, imposant d’ailleurs une prestation de serment aux seuls médiateurs non issus du milieu judiciaire.

La Cour de Cassation, à moins d’un an de cette parution et de celle de la dépêche du 5 février 2018 a sanctionné les difficultés en résultant par plusieurs arrêts, qui restreignent au surplus, le pouvoir du magistrat d’apprécier ce qu’est réellement un médiateur.

Par ailleurs nous ne ferons qu’une allusion rapide au « constat d’accord établi par le médiateur de justice » (voir l’article « L’accord de médiation : qu’elle est sa vraie nature ? ») ou de « l’accord issu de la médiation » visée par l’article 1534 du CPC [1].
Le législateur vient au surplus de le reproduire en son article 3 dans la « petite loi » numéro 216 du 23 janvier 2019, de programmation 2018/2022 et de réforme de la justice, actuellement pendante devant le conseil constitutionnel, en le limitant toutefois étrangement à la médiation en ligne.
De plus, les questions "qui est le médiateur", "par quelles et dans quelles conditions il officie" ne sont pas plus réglées et la réponse ne peut intervenir par des éparpillements d’écritures dont les référencements n’apportent rien de suffisamment concret et repérable.

Essayons de résumer rapidement les problématiques ainsi soulevées par le rôle du médiateur, pour ce qui est de sa formation, de son éthique, de sa déontologie, de sa compétence, de sa pratique, de ses obligations, de ses responsabilités, et d’une évidente protection qui lui fait cruellement défaut et qu’il conviendrait de lui assurer :
- Sa formation son éthique sa déontologie devront, à l’appui d’un texte réglementant ces aspects spécifiques, être opposable à tous, à commencer au médiateur lui-même.
- Sa compétence, au-delà du savoir-être et savoir-faire, devra être adaptée aux matières dans lesquelles il va intervenir, car il en découlera la puissance de sa pratique, et permettra à ses obligations et à ses responsabilités de trouver leur juste place.
- Ses obligations, celle de résultat qui ne va pas lui incomber, mais par contre celles de moyens et celle de loyauté [2] seront toujours présentes du début à la fin du processus de médiation, surtout si cette fin va susciter l’écriture d’un accord.

Ces questions cruciales, objet de nos réflexions et de celles du collectif M21 soucieux de sécuriser la pratique de la médiation, sont aujourd’hui mises en exergue dans le Livre Blanc sur la Médiation et les Médiateurs, fruit de ce travail coopératif et qui œuvre dans le sens de ce que nous exposons.

Depuis maintenant le mois de juillet 2018, conscientes de l’urgence, nous avons rédigé un projet de Décret sur le Médiateur que nous soumettons aujourd’hui à la réflexion commune et collaborative pour que le médiateur ne soit pas le parent isolé et bien appauvri du maillage que la médiation construit pour notre société.

Nous participons ainsi à cet élan créatif autour de la prise en compte de la médiation et du médiateur en mettant au pot commun ce projet de texte spécifiquement consacré à son statut et nous invitons les rédacteurs de la proposition de loi n°1750 à se mettre en lien avec nous et tous ceux qui travaillent autour de ce sujet depuis plus d’une année.

Projet de texte organisant et réglementant la profession de médiateur à découvrir dans le document ci-après :

Projet de texte organisant et réglementant la profession de médiateur.
Françoise HOUSTY Médiateure - Formatrice Pierrette AUFIERE Médiateure- Avocat

[1Document « sous-seing privé » faisant peser sur le médiateur une responsabilité pour laquelle il n’est pas garanti, au vu la loi n° 71-11 30 du 31 déc. 1971 en son Titre intitulé « Réglementation de la consultation en matière juridique et de la rédaction d’actes sous seing privé », art.54 et suivants.

[2Devoir de loyauté développé dès 2003 et les conséquences par rapport à l’écrit en médiation : article P.Aufiere Actualité Juridique Famille Dalloz 5 mai 2003 pages 177 à 180, article repris intégralement dans le Guide de la Médiation Familiale édition ERES 2017 pages 440 à 459.