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TPME, la négociation d’entreprise, une chance à saisir ? Par Stéphane Friedmann, Avocat.
Parution : jeudi 21 mars 2019
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L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, ainsi que celle de la même date portant diverses mesures relatives au cadre de cette négociation ont affirmé le principe de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche afin de favoriser le développement des accords dans le cadre de l’entreprise.

La Direction Générale du Travail se déclare satisfaite de l’augmentation des négociations en entreprise en constatant une hausse importante des accords ayant trait au dialogue social.

Elle a en effet constaté qu’en 2017, les salaires et les primes constituaient les premiers thèmes de négociation mais notait une forte progression des accords sur le temps de travail, ainsi que sur le droit à la déconnexion porté par la Loi du 8 août 2016.

S’agissant des TPE, le Ministère du Travail a constaté en 2017 que plus de 360 accords avaient été conclus par consultation directe des salariés dans les entreprises de moins de 20 salariés.

Les TPME l’ignorent trop souvent mais il est aujourd’hui beaucoup plus facile de conclure des accords d’entreprise, les thèmes de négociations étant ceux susceptibles d’impacter de manière importante la vie de celles-ci.

I. Les thèmes pouvant donner lieu à accords d’entreprise.

Si la branche demeure le niveau des négociations prioritaire sur 13 sujets (notamment les minimas hiérarchiques, les classifications ou encore les conditions et les durées de renouvellement des périodes d’essai) la Loi consacre désormais la primauté de l’accord d’entreprise dans d’autres domaines.

L’article L 2254-2 du Code du Travail dispose qu’un accord d’entreprise peut :
- aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition,
- mettre en place des conventions de forfait en jours ou en heures,
- fixer le taux de majoration des heures supplémentaires, sans que ce taux ne soit inférieur à 10%,
- porter le montant des heures complémentaires pour les contrats à temps partiel au tiers de la durée,
- aménager la rémunération dans le respect des minimas légaux et conventionnels,
- déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise…

Il est en conséquence possible, y compris dans les plus petites entreprises n’employant que quelques salariés, de décider d’une modulation du temps de travail sur l’année, de déroger dans une certaine mesure au repos dominical, d’instituer des systèmes de primes, ou encore de traiter du droit à la déconnexion.

Ces accords, dont les conditions d’élaboration seront étudiées dans les développements suivants, s’appliqueront à tous les salariés lorsqu’ils auront été adoptés.

Un salarié pourra toujours refuser de se voir appliquer un accord d’entreprise, mais devra faire connaître son refus à son employeur dans un délai d’un mois courant à compter du moment où ce dernier a communiqué dans l’entreprise sur l’existence et le contenu de l’accord.

L’article L 2254-2 du Code du Travail dispose alors que l’employeur peut engager une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord d’entreprise, ce licenciement reposant sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Ce dispositif ménage ainsi la liberté du salarié qui a la possibilité de refuser des modifications de ses conditions de travail qui peuvent parfois être importantes, mais également celle de l’entreprise qui disposera alors d’un motif de licenciement autonome, permettant ainsi l’application obligatoire de l’accord d’entreprise à tous les salariés qui ne l’auront pas refusé dans le délai d’un mois.

II. La méthode permettant de conclure un accord d’entreprise.

1. Les entreprises de moins de 11 salariés.

L’ordonnance du 22 septembre 2017 a abrogé le système du mandatement syndical qui constituait un frein à la conclusion des accords dans les TPE.

Désormais, ce dispositif est remplacé par un mécanisme d’approbation référendaire.

L’employeur soumet aux salariés un projet d’accord, puis laisse s’écouler un délai minimum de 15 jours avant d’engager la procédure de ratification par référendum.

Le scrutin doit avoir lieu pendant le temps de travail, en l’absence de l’employeur, dans des conditions qui garantissent le caractère personnel et secret de la consultation.

Pour que l’accord s’applique au sein de l’entreprise, il faut que les 2/3 du personnel l’approuvent.

2. Les entreprises de 11 à 20 salariés.

Dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés et en l’absence de représentants du personnel, à la condition bien entendu que l’employeur ait respecté ses obligations en matière d’élections, la procédure qui vient d’être décrite est également applicable.

3. Les entreprises de 11 à 20 salariés disposant d’un CSE et les entreprises de 20 à 50 salariés.

Dans les entreprises de 11 à 20 salariés qui disposent d’un comité social et économique (CSE), et dans les entreprises entre 20 et 50 salariés, les accords d’entreprise peuvent être négociés avec des salariés mandatés, membres ou non du CSE, par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche, ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel ou avec des membres de la délégation du personnel au CSE.

Si le salarié mandaté n’est pas membre du CSE, l’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Dans les autres cas, il doit être signé par des membres du CSE représentant la majorité de suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.

4. Les entreprises de plus de 50 salariés.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui n’ont pas de délégué syndical, les membres de la délégation du personnel du CSE peuvent négocier et conclure des accords d’entreprise, s’ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.

La validité de l’accord est alors subordonnée à son approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Si aucun membre du CSE n’est mandaté par un syndicat représentatif, un accord peut être négocié et conclu avec les membres de la délégation du personnel au CSE à condition d’être signé par des membres du CSE représentant au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.

En conclusion, les TPME qui souvent, se refusaient à engager des négociations, considérant le système comme trop complexe et ne souhaitant pas demander à un salarié de se faire mandater par un syndicat, doivent savoir que ces freins ont été levés et qu’il est désormais possible d’engager au sein de l’entreprise un dialogue sans intervention extérieure permettant de négocier un accord d’entreprise.

Stéphane FRIEDMANN Avocat au Barreau de Paris [->s.friedmann@siksous-friedmann.com]