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L’exigence d’élection de domicile dans la déclaration d’appel en matière d’infractions de presse. Par Claire Varin et Marie-Dominique Luccioni, Avocats.
Parution : vendredi 22 mars 2019
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Il n’est pas nouveau que la loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la Presse pose un certain nombre de règles procédurales, dérogatoires du droit commun.

C’est ainsi que l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la Liberté de la Presse pose la règle de l’élection de domicile dans les actes introductifs d’instance en matière d’infractions de presse, en ces termes :
« La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.
Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.
Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite.
 »

Il est de jurisprudence constante que, conformément à l’article 53 précité, l’élection de domicile est une formalité substantielle de la procédure qui doit être observée à peine de nullité de la poursuite. [1]

En exigeant, à peine de nullité de la poursuite que le requérant élise domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, l’article 53 précité impose que cette élection de domicile soit faite sur le territoire de la ville où siège la juridiction à l’exclusion de toute autre commune [2]

A titre d’illustration, il a été jugé qu’est nulle la citation qui n’indique pas que l’Avocat, au cabinet duquel est élu domicile, ait eu sa résidence professionnelle dans la ville même où siège la juridiction saisie. [3]

La jurisprudence constante vient par ailleurs préciser que les dispositions de l’article 53 assujettissant la citation à des règles particulières prévues à peine de nullité (dont l’élection de domicile) concernent seulement l’acte introductif d’instance et non les citations ultérieures qui demeurent régies par le droit commun. [4]

Il ressort de cette jurisprudence que seul l’acte qui saisit la juridiction doit respecter le formalisme de l’article 53 dont l’élection de domicile.

Se pose alors la question de savoir si l’acte d’appel, effectué à l’encontre d’un jugement rendu sur une infraction en matière de presse, doit être soumis à cette exigence d’élection de domicile dans la ville de la juridiction d’appel, sous peine d’être entaché de nullité.

Il a d’ores et déjà été jugé que la citation à comparaître devant la Cour d’appel (et non l’acte d’appel) est simplement indicative de date et n’est pas soumise aux exigences de l’article 53 puisqu’elle ne saisit pas la juridiction de second degré de la prévention, laquelle résulte de la citation introductive d’instance et de l’effet dévolutif de l’acte d’appel. [5]

Cette jurisprudence laisse sous-entendre que, contrairement à la citation à comparaître purement indicative, l’acte d’appel, saisissant la juridiction de second degré, devrait en application des règles susvisées contenir élection de domicile dans la ville où siège la Cour d’appel.

Il ressort alors de l’application de cette règle que si l’élection de domicile ferait manifestement défaut dans l’acte d’appel, cet acte serait manifestement entaché de nullité.

Cette situation serait d’autant plus préjudiciable, si l’acte d’appel porterait sur l’appel principal.

En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, la nullité de l’appel principal entraînerait celle de l’appel incident [6] et par conséquent, le Jugement déféré passerait en force de chose jugée.

Toutefois, et par un arrêt rendu le 21 janvier 2019, la Cour d’Appel de Versailles a adopté une solution bien différente. [7]

Elle a en effet considéré que « faute d’une disposition spéciale venant déroger à celle générale du code de procédure pénale prévue en son article 502, l’élection de domicile au siège de la juridiction d’appel ne saurait constituer une formalité substantielle à la régularité de la déclaration d’appel ».

Même si cet arrêt vient apporter une réponse précise à ce débat, il s’agit à ce stade d’une décision isolée et reste à savoir si les autres juridictions viendront suivre ce raisonnement juridique.

Claire VARIN Marie-Dominique LUCCIONI Avocats au Barreau de Paris

[1Crim. 10 juin 1959, Bull. Crim. N°316 – Crim. 17 décembre 1991, Bull. Crim n°484.

[2Crim. 4 avril 1991, Bull.Crim n°163.

[3Crim. 17 décembre 1991, Bull. Crim. N°484.

[4Crim. 30 avril 1952 – Crim. 30 novembre 1954 - Crim. 16 avril 1959 – Crim. 6 juin 1990.

[5Crim. 9 janvier 1996 – Bull. Crim n°8.

[6Crim., 23 mars 1993, Bic 1993, n°730

[7CA Versailles, 18e Ch., n°RG 18/01252.