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Un premier appel ne répondant pas aux exigences de l’article 901 du CPC peut être régularisé par un second appel. Par Frédéric Chhum et Camille Bonhoure, Avocats.
Parution : mercredi 27 mars 2019
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Lorsqu’un premier appel ne répond pas aux exigences de l’article 901 du CPC, il est possible de régulariser par un second appel, dès lors que celui-ci intervient dans le délai imparti à l’appelant pour conclure (3 mois) et avant tout avis de caducité.

CA Paris, 6-6, 13 mars 2019

1. Rappel des faits et de la procédure.

Suite à une première déclaration d’appel sans les chefs du jugement critiqués, un appelant régularise une seconde déclaration d’appel avec les chefs du jugement critiqués et avant tout avis de caducité.

Le 11 décembre 2017, Monsieur X a interjeté appel d’un jugement du Conseil de prud’hommes de Paris sans mentionner les chefs du jugement critiqués.

L’affaire a été enrôlée auprès du Pôle 6, Chambre 7 de la Cour d’appel de Paris.

Le 20 décembre 2017, Monsieur X a de nouveau interjeté appel du jugement, en précisant les chefs du jugement critiqués, ce second appel intervenant dans le délai d’appel.

L’affaire a été enrôlée auprès du Pôle 6, Chambre 6 de la Cour d’appel de Paris.

Le 8 mars 2018, Monsieur X a notifié ses conclusions d’appelant par RPVA, sur le second numéro de RG.

Le 4 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la première déclaration d’appel.

Le 25 septembre 2018, la société intimée a sollicité du Conseiller de la mise en état de constater l’irrecevabilité du second appel de Monsieur X.

2. Arguments des parties.

La société intimée, et demanderesse à l’incident, soulevait que la finalité de l’article 911-1 alinéa 3 du Code de procédure civile était d’éviter une multiplicité de recours d’une partie à l’encontre d’une même décision.

La société soulevait également que l’ordonnance de caducité du 4 juillet 2018 ayant autorité de la chose jugée au principal, elle s’imposait au Conseiller de la mise en état et interdisait toute nouvelle demande ayant le même objet et la même cause, à l’égard des mêmes parties.

Le salarié invoquait quant à lui les dispositions de l’article 911-1, alinéa 3 du Code de procédure civile, applicables depuis le 1er septembre 2017.

En effet, le salarié rappelait qu’aux termes de ces dispositions, l’irrecevabilité d’un second appel ne pouvait être invoquée que s’il était intervenu postérieurement à un avis de caducité.

En revanche, lorsque le second appel intervient avant l’avis de caducité du premier appel, le second appel est recevable.

3. Ordonnance du Conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Paris du 13 mars 2019.

Dans son ordonnance du 13 mars 2019, le Conseiller de la mise en état rappelle les dispositions de l’article 911-1 du Code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 6 mai 2017 et applicable depuis le 1er septembre 2017 :

« La partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie ».

Le Conseiller de la mise en état rappelle ensuite, dans le cas de Monsieur X, que lorsqu’il a interjeté son second appel « aucune décision de caducité n’avait été rendue, l’ordonnance déclarant son premier appel, du 11 décembre 2017, caduc n’ayant été rendue que le 4 juillet 2018 ».

Le Conseil de la mise en état en déduit que le second appel de Monsieur X est recevable.

4. Portée de l’ordonnance du Conseiller de la mise en état.

Si la déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués, il est possible de régulariser un second appel s’il intervient dans le délai de 3 mois et avant tout avis de caducité

Par son ordonnance du 13 mars 2019, le Conseiller de la mise en état suit la position prise par la Cour de cassation par deux avis du 20 décembre 2017 (n°17020 et 17021).

En effet, la Cour de cassation avait été saisie de la question suite à l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017.

La Cour de cassation avait alors rappelé que « la déclaration d’appel qui mentionne « appel général » ou « appel total » ne répond pas aux exigences de ce texte et encourt la nullité prévue par l’article 901 précité. Cette nullité, qui ne sanctionne pas une irrégularité de fond, est une nullité pour vice de forme […] Elle peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel. La régularisation ne peut pas intervenir après l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure ».

Dans son ordonnance du 13 mars 2019, le Conseiller de la mise en état confirme cette appréciation.

Ainsi, lorsqu’un premier appel ne répond pas aux exigences de l’article 901 du CPC, il est possible de régulariser par un second appel, dès lors que celui-ci intervient dans le délai imparti à l’appelant pour conclure (3 mois) et avant tout avis de caducité.

Par ailleurs, il est indifférent que l’avis de caducité n’ait fait l’objet d’aucun déféré.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum