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L’importance de la déclaration d’achèvement des travaux, y compris pour une construction non conforme à son autorisation d’urbanisme. Par Emmanuel Lavaud, Avocat.
Parution : vendredi 29 mars 2019
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Le Conseil d’Etat précise dans un arrêt du 26 novembre 2018 (n°411991), que faute d’avoir contesté la conformité des travaux dans les délais, l’autorité compétente ne peut plus, sauf le cas de fraude, exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux sur la construction qu’il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant également sur des éléments de la construction existante, au motif que celle-ci aurait été édifiée sans respecter le permis de construire précédemment obtenu ou la déclaration préalable précédemment déposée.

Aux termes de l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme : « L’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Passé ce délai, l’autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux ».

L’article R. 462-6 du même code précise que : « A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d’achèvement, l’autorité compétente dispose d’un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration.
Le délai de trois mois prévu à l’alinéa précédent est porté à cinq mois lorsqu’un récolement des travaux est obligatoire en application de l’article R. 462-7
 ».

Il résulte de ces dispositions que « lorsque le bénéficiaire d’un permis ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable a adressé au maire une déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux réalisés en vertu de cette autorisation, l’autorité compétente ne peut plus en contester la conformité au permis ou à la déclaration si elle ne l’a pas fait dans le délai, suivant les cas, de trois ou de cinq mois ».

Dans son arrêt du 26 novembre 2018, il était demandé au Conseil d’État si le maire d’une commune devait refuser un permis de construire portant sur une construction, ayant certes fait l’objet d’une déclaration d’achèvement, mais qui était en réalité non conforme à son autorisation d’urbanisme, et alors pourtant qu’aucune contestation de la conformité des travaux n’a été faite par le maire de la commune.

En effet, dans l’espèce soumise au Conseil d’État, le maire de la commune de Saint-Gely-Du Fesc a délivré le 27 juin 2012 une autorisation d’urbanisme ayant pour objet la surélévation d’une maison d’habitation, créant ainsi une surface de plancher supplémentaire de 143 mètres carrés.

La partie existante de la construction, c’est-à-dire la maison à surélever, avait fait l’objet d’un permis de construire le 7 juillet 2005 et le maire n’avait engagé aucune démarche à la suite de la déclaration d’achèvement par le maître d’ouvrage déposée en juillet 2008.

Néanmoins, les travaux exécutés à la suite de cette autorisation d’urbanisme du mois de juillet 2005 n’en respectaient pas le contenu.

La Cour administrative d’appel de Marseille, saisie de la légalité du permis de construire du 27 juin 2012 en a déduit que ce dernier avait été délivré illégalement, faute pour le bénéficiaire du permis d’avoir déposé une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction existante qui ne respectaient pas le permis de 2005.

La Cour administrative d’appel a plus particulièrement jugé inopérante la circonstance que la commune n’avait pas relevé cette non-conformité audit permis lorsqu’elle avait procédé au récolement des travaux le 1er juillet 2008.

Pour le Conseil d’État, cette solution doit être censurée dès lors qu’au contraire, en ayant pas contesté la conformité de la construction édifiée sur le fondement du permis de construire de 2005 dans le délai de 3 mois, l’autorité compétente ne peut plus, « dès lors, sauf le cas de fraude, exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux sur la construction qu’il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant également sur des éléments de la construction existante, au motif que celle-ci aurait été édifiée sans respecter le permis de construire précédemment obtenu ou la déclaration préalable précédemment déposée ».

Cet arrêt du Conseil d’État vient limiter le champ d’application de la jurisprudence Thalamy rendue par le Conseil d’État le 9 juillet 1986 (N°51172) suivant laquelle un permis de construire portant sur une construction existante irrégulièrement édifiée n’est pas envisageable sans que cette dernière soit préalablement régularisée dans son ensemble.

Le Conseil d’État a d’ailleurs précisé que « Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ». (CE, 13 décembre 2013, n°349081).

Désormais, la jurisprudence Thalamy se limite à l’hypothèse où la construction a été édifiée sans aucune autorisation d’urbanisme, où encore à l’hypothèse où aucune déclaration de conformité n’a été déposée par le maître d’ouvrage.

Il faut encore préciser que quoi qu’il en soit, en application de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme « Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».

Emmanuel LAVAUD Avocat au barreau de Bordeaux [->http://www.laudet-lavaud-avocats.fr/]
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