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Convocation tardive d’une AG de copropriétaires : quelles possibilités d’annulation ? Par Frédéric Zumbiehl, juriste.
Parution : vendredi 29 mars 2019
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La Cour de cassation révise sa jurisprudence concernant la possibilité pour un copropriétaire de demander l’annulation d’une assemblée à laquelle il a participé.

Le décret sur le statut de la copropriété énonce que les copropriétaires doivent être convoqués à l’assemblée générale « au moins vingt et un jours avant la date de la réunion. » (article 9 du décret n°67-223 du 17 mars 1967). [1].

Un règlement de copropriété peut même prévoir un délai de convocation plus long (mais pas plus court), qu’il convient alors de respecter.

Il n’est fait exception à ce délai minimum qu’en cas d’urgence ou s’agissant de convoquer une seconde assemblée se tenant moins de trois mois après une première assemblée et statuant sur des questions identiques (article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 et article 19 du décret du 17 mars 1967).

Avant d’évoquer la sanction d’une convocation tardive (II), on peut rappeler quelques règles sur la façon de calculer le délai de convocation (I).

I) Calcul du délai légal de convocation des copropriétaires à l’assemblée générale.

Depuis un décret de 2000, qui a mis fin à une importante controverse, le délai de convocation « a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée [de convocation] au domicile du destinataire ». (article 64 du décret du 17 mars 1967), peu important le fait que la lettre ait été effectivement remise ou non à son destinataire.

En cas de remise contre émargement ou récépissé, c’est la date de signature du copropriétaire qu’il faut prendre en compte [2].

Cependant, là aussi, on peut considérer que le délai ne commence à courir que le lendemain de la date de signature. En effet, en tout cas en ce qui concerne la détermination du point de départ du délai, la jurisprudence applique en matière de copropriété les règles de computation des délais énoncées dans le Code de procédure civile [3]. Or, selon l’article 641 de ce Code, «  lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de (…) la notification qui le fait courir ne compte pas  ».

Enfin, on peut se reporter à l’article 64-3 du décret de 1967 pour déterminer le point de départ du délai en cas de convocation par lettre recommandée électronique, mode d’envoi encore peu courant.

Concernant le point d’arrivée du délai de convocation, on peut se référer au premier alinéa de l’article 642 du Code de procédure civile, lequel énonce que « tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures ».

En revanche, si le dernier jour se situe un jour chômé, il ne semble pas que doive s’appliquer la prorogation au premier jour ouvrable suivant prévue par le second alinéa de l’article 642. Même si des juges du fond ont pu l’appliquer en matière de convocation à l’assemblé générale [4], la Cour de cassation indique depuis plusieurs années que les règles spéciales du Code de procédure civile, en particulier la prorogation au premier jour ouvrable, ne s’applique qu’aux « délais de procédure » [5]. En tout état de cause, la prorogation ne joue que « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai » [6].

Cela est logique. On comprend qu’une déclaration d’appel, par exemple, puisse être effectuée le lundi suivant, le greffe étant fermé le dimanche. On comprend également, en matière de copropriété, que la prorogation s’applique aux assignations en contestation d’une décision d’assemblée générale [7].

En revanche, s’agissant du délai de convocation, le fait que le dernier jour tombe un dimanche n’empêche pas les copropriétaires de « réfléchir » à ce qu’ils vont voter. Il faut donc considérer à notre avis que le délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, qu’il s’agisse d’un jour ouvrable ou non. [8].

Récapitulons.

Pour vérifier le respect du délai légal de convocation de 21 jours, le mieux est de se munir d’un calendrier et de compter 21 jours à partir du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée (ou de la signature de l’émargement – ou du récépissé remis au syndic). On compte tous les jours, y compris les jours chômes ou fériés.

Le 21ème jour compte jusqu’à 24 heures.

Le délai de convocation est irrégulier si l’assemblée se tient avant le 22ème jour (l’assemblée ne peut se tenir au cours du 21ème jour).

On peut bien sûr procéder « à l’envers ». Par exemple, si une assemblée générale doit se tenir le 12 juin 2019, les convocations par lettre recommandée doivent être présentées à leurs destinataires au plus tard le 21 mai 2019.

II) Sanction d’une convocation tardive de l’assemblée générale des copropriétaires.

A défaut de respecter ce délai de convocation de 21 jours, un copropriétaire peut faire annuler l’assemblée, sans même qu’il soit nécessaire de justifier d’un grief. [9]

Traditionnellement, la Cour de cassation jugeait que l’annulation est encourue même si le contestataire a été présent à l’assemblée (décision de 1998 précitée), peu importe qu’il ait « participé aux votes sans émettre de protestation ». [10], qu’il ait voté « contre » ou « pour ». [11]

Cependant, la Cour de cassation a semblé peu à peu remettre en cause cette jurisprudence.

En 2011, s’agissant d’une convocation par un syndic dont le mandat était expiré, elle jugeait, ainsi, qu’une cour d’appel ne peut accueillir la demande d’annulation de l’assemblée par un copropriétaire ayant participé à l’assemblée sans voter « contre » [12]. Elle rappelait dans un attendu de principe la règle générale, issue de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, aux termes de laquelle « les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants ».

En 2015, la Cour reprenait cette solution à propos d’une convocation tardive : un copropriétaire ne peut demander l’annulation entière de l’assemblée alors qu’il a « voté pour certaines résolutions ». [13]

Sa récente saisine par un copropriétaire demandant l’annulation totale d’une assemblée générale pour convocation tardive lui a donné l’occasion de confirmer la nouvelle solution.

En l’espèce, le demandeur au pourvoi entendait que la Haute juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel par lequel était déclaré irrecevable sa demande au motif qu’il avait participé à l’assemblée et voté pour plusieurs résolutions.

Dans une décision largement publiée (il s’agit d’un arrêt « FS-P+B+I »), elle juge au contraire « qu’ayant retenu à bon droit qu’un copropriétaire ne peut demander l’annulation d’une assemblée générale dès lors qu’il a voté en faveur de certaines des décisions prises et constaté que la SCI avait voté en faveur de plusieurs résolutions lors de l’assemblée générale du 21 juin 2010, sans que la mention en page trois du procès-verbal selon laquelle elle précisait que l’assemblée générale était entachée d’illégalité en raison du non-respect du délai de convocation lui ait conféré la qualité d’opposant ou de défaillant à l’ensemble des décisions prises, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable ». [14].

 [15].

Ainsi, dès lors qu’un copropriétaire a voté en faveur de certaines résolutions, il ne peut plus demander l’annulation totale de l’assemblée générale en raison d’un délai de convocation irrégulier. Peu importe, précise la Cour, qu’il ait pris soin de faire noter dans le procès-verbal un commentaire sur l’irrégularité du délai de convocation. Seule reste la possibilité de contester les décisions pour lesquelles on peut être qualifié d’« opposant ».

Si l’on veut se ménager la possibilité de faire annuler en son entier l’assemblée, il faut en définitive, soit ne pas participer à l’assemblée, soit être « opposant » pour toutes les résolutions adoptées.

Frédéric ZUMBIEHL, juriste Union nationale des propriétaires immobiliers

[1Avant 2007, ce délai était de 15 jours

[2C.Cass., Civ. 3ème, 23 janvier 1979, n°77-15.315, Publié au bulletin

[3Voir notamment CA Paris, 23ème ch. B, 28 juin 1996, Loyers et copr. Nov. 96, comm. 448

[4Voir Juris-classeur, copropriété, fasc. 84-20, n°51

[5C.Cass., Civ. 2ème, 7 avril 2016, n°15-12.960, Publié au bulletin ; voir également C.Cass., civ. 1ère, 12 décembre 2018, n°17-25.697, publié au bulletin

[6C.Cass., Civ. 2ème, 4 février 1998, 96-13.391, Publié au bulletin

[7Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 26 mars 1997, 94-21.498, Publié au bulletin

[8En ce sens, voir Des délais de convocation et de contestation des assemblées générales, P. Lebatteux, J. Barnier-Sztabowicz, Administrer, fév. 1999, p. 20

[9Voir notamment C.Cass, Civ. 3ème, 25 novembre 1998, n°96-20.863, Publié au bulletin.

[10C.Cass., Civ. 3ème, 17 avril 1991, n°89-19.290, Publié au bulletin

[11C.Cass. Civ. 3ème, 3 décembre 2002, n°01-02.444, obs. Jean-Robert Bouyeure, Administrer, juillet 2003, p. 42.

[12C.Cass. Civ. 3ème, 7 septembre 2011, 10-18.312, Publié au bulletin

[13C.Cass., Civ. 3ème, 24 mars 2015, 13-28.799). Sa décision n’était cependant pas publiée au bulletin de la Cour de cassation.

[14C.Cass., Civ. 3ème, 14 mars 2019, n°18-10.379

[15A noter : Dans cette décision, une cassation partielle est néanmoins prononcée pour un motif de procédure. La cour d’appel avait déclaré irrecevable la demande d’annulation de certaines résolutions seulement au motif qu’elle était présentée pour la première fois en appel. Pour la Haute-juridiction, la cour devait au préalable « rechercher si la demande subsidiaire en annulation de quinze décisions n’était pas virtuellement comprise dans la demande en annulation de l’assemblée générale ». Si, pour la cour d’appel de renvoi, cette question appelle une réponse positive – ce que suggère la Cour de cassation –, le copropriétaire contestataire pourra encore tenter d’obtenir, sinon l’annulation totale de l’assemblée, du moins l’annulation des résolutions auxquelles il s’est opposé)

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