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Saisis-moi si tu peux ! Et procède à la vente de ton immeuble saisi ! Par Jean-Philippe Jacquot, Notaire-assistant.
Parution : lundi 1er avril 2019
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Dans la situation où une personne (le débiteur) est dans l’impossibilité de rembourser une somme due à une autre (le créancier), cette dernière peut saisir l’immeuble appartenant à son débiteur, sous conditions. Cette procédure va conduire à la vente de l’immeuble saisi, puis au règlement des créanciers.

Le droit de la saisie immobilière a été réformé récemment aux termes d’une ordonnance du 21 avril 2006, ainsi que d’une ordonnance du 19 décembre 2011, et dernièrement par la loi du 23 mars 2019. Rapidement, ces réformes ont pour but, d’accélérer et de simplifier la procédure de vente amiable, d’imposer des garanties de paiements pour les créanciers, le tout ayant comme support une base commune aux règles de voie d’exécution.
Ici, la longue procédure de purge des hypothèques n’existe pas.
Il y ainsi une période préparatoire prévoyant la distribution du prix de vente, et toutes les autres modalités et transactions avec les créanciers sont effectuées par la suite pour aboutir à un jugement d’orientation.
Par la suite seulement, le jugement d’orientation autorise la vente de gré à gré (vente amiable ne dépendant que de la simple et libre manifestation de la volonté des parties) par le ministère d’un notaire.

A / La procédure de vente de l’immeuble saisi.

1°) Les conditions de fond.

La dette du créancier doit être précise : elle doit être liquide et exigible, afin qu’un titre exécutoire puisse être délivré. L’article L.311-4 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) dispose que "lorsque la poursuite est engagée en vertu d’une décision de justice exécutoire par provision, la vente forcée ne peut intervenir qu’après une décision définitive passée en force de chose jugée."
En pratique, il y aura donc lieu d’attendre cette décision définitive qui est exécutoire par provision.

Par ailleurs, notons que l’immeuble peut être rendu insaisissable :
- Soit par une déclaration notariée volontaire d’insaisissabilité sur un immeuble non affecté à une entreprise, ou par une insaisissabilité de plein droit de la résidence principale d’un entrepreneur individuel (art.526-1 C. com) ;
- Soit si l’immeuble a fait l’objet d’une donation ou d’une disposition testamentaire stipulant une interdiction d’aliéner et d’hypothéquer (plus largement de grever de droits réels) à condition que l’interdiction soit limitée dans le temps, et mue par un intérêt légitime et sérieux.

À la marge également, est insaisissable un immeuble acquis en tontine c’est-à-dire comportant une condition suspensive de survie et une condition résolutoire de prédécès.
En effet, jusqu’au décès du dernier tontinier, il y a une indétermination de propriétaire rendant l’immeuble insaisissable.

2°) Les conditions de forme.

Le juge de l’exécution du lieu de situation de l’immeuble est seul compétent.
Il devra statuer sur la saisie de l’immeuble en question, puis sur la distribution du prix de vente.
Après signification du commandement de saisie, le débiteur sera assigné dans un délai maximum de trois mois avant la date de l’audience d’orientation.
Le commandement de payer valant saisie devra obligatoirement faire l’objet d’une publication au service de la publicité foncière dans les deux mois de sa signification le tout à peine de caducité dudit commandement.
Notons que la publication du commandement de saisie entraîne l’indisponibilité de l’immeuble saisi.
Par conséquent, toute mutation (principalement les ventes ) publiée après la publication du commandement sont-elles opposables aux créanciers poursuivants.
La représentation des parties par ministère d’avocat est obligatoire.
Le juge de l’exécution, après analyse du bien-fondé de la créance, fixera les modalités de la vente, et l’opportunité d’une vente amiable plutôt qu’une vente forcée par adjudication judiciaire.

Précisons qu’aux termes de l’article L322-1 CPCE issu de la loi du 23 mars 2019 en son second alinéa, « en cas d’accord entre le débiteur, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure.../... ils peuvent également être vendus de gré à gré après l’orientation en vente forcée et jusqu’à l’ouverture des enchères ».

Pour encourager la vente amiable, il est toujours bon de produire au juge des offres d’achat.
En pratique, il faudra aussi faire attention à ce que le commandement de saisie ne soit pas périmé de plein droit, si dans les deux ans de sa publication il n’a pas été inscrit en marge sur l’état hypothécaire la mention d’un jugement d’adjudication ou de la mention d’un jugement ordonnant la suspension des procédures d’exécution ou le report de la vente.
Toutefois, il faut que la caducité du commandement de saisie soit impérativement demandée et constatée par le juge de l’exécution, si le notaire souhaite recevoir l’acte de vente en toute sécurité et hors procédure.

Par ailleurs, le créancier saisissant doit faire établir un procès-verbal de description des lieux par un huissier de justice, et devra indiquer les éventuelles créances du syndicat des copropriétaires relevant du privilège.

Le créancier saisissant devra aussi déposer au greffe un cahier des conditions de la vente, auquel il aura joint la copie de l’assignation délivrée au débiteur et un état hypothécaire mentionnant la publication du commandement de saisie.
Le cahier des conditions de la vente est un véritable cahier des charges.
Puis, le créancier poursuivant pourra prendre connaissance des déclarations de créances faites au greffe par d’autres créanciers.
Il élaborera un état de collocation (distribution du prix) selon le rang des créances privilégiées ou chirographaires.

3°) ​L’audience d’orientation.

C’est le débiteur qui prendra l’initiative auprès du juge d’orientation de demander à ce que la vente soit faite de gré à gré.

Un candidat à l’acquisition devra être rapidement trouvé dans l’intérêt du débiteur.

Aux termes de l’article R322-23 du CPCE : le prix de vente de l’immeuble ainsi que toutes sommes acquittées par l’acquéreur à quelque titre que ce soit sont consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Le jugement devra contenir le prix minimum auquel l’immeuble pourra être vendu ainsi que les frais de poursuites que l’acquéreur aura à payer directement à l’avocat poursuivant.

Attention ! Le notaire aura un devoir d’information auprès de l’acquéreur en lui signalant qu’il aura tous ces frais à sa charge mais aussi les frais de poursuites !
Ces frais de poursuites sont à payer par l’acquéreur directement à l’avocat poursuivant mais après la signature de la vente notariée pour plus de sécurité. En effet, la vente pourrait ne pas aboutir…

Le jugement d’orientation précisera également que l’audience de constatation de la vente doit être tenue pour un délai de quatre mois.
À l’occasion de l’audience d’orientation le juge de l’exécution ordonnera la radiation de toutes les inscriptions. C’est pour cela que l’on dit que la vente autorisée judiciairement purge de plein droit tous privilèges et hypothèque du chef du débiteur.
Précisons que cette vente particulière, autorisée par justice, est dispensée à titre dérogatoire, du paiement de l’impôt sur la plus-value immobilière à condition qu’il y ait une mention expresse dans l’acte [1].

B . La distribution du prix de l’immeuble saisi.

L’article L331-1 du CPCE édicte que seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication de la vente ( et qui sont intervenus dans la procédure), et le syndicat des copropriétaires pour ses créances privilégiées et les créanciers titulaires de privilèges généraux.

Nous sommes donc en présence de deux procédures : une procédure de distribution à l’amiable, ou à défaut d’accord une procédure judiciaire.
Dans le cadre de cette présente étude, il ne sera analysée que la distribution amiable.

La distribution amiable.

En présence d’un seul créancier, celui-ci demandera par lettre recommandée dans les deux mois de la publication de la vente le paiement au séquestre.
Il devra appuyer sa demande d’un état hypothécaire certifié à la date de la publication du commandement de saisie, d’une copie exécutoire du jugement d’orientation, d’une expédition de l’acte notarié constatant la vente amiable et d’un certificat du greffe attestant qu’aucun créancier inscrit après la publication du commandement de saisie n’est intervenu dans la procédure.

Toutefois, en cas de pluralité de créanciers la procédure de distribution est tout autre.

Le créancier poursuivant devra demander une actualisation des créances dans les deux mois suivant la publication de l’acte de vente
le créancier poursuivant établira un projet de distribution conformément aux actualisation des décomptes de tous les créanciers.
Ce projet sera notifié aux créanciers, comme à l’éventuel syndic ainsi qu’au débiteur dans un délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de 15 jours imparti aux créanciers pour actualiser leur décompte.
Ces destinataires auront un délai de 15 jours pour contester le projet de distribution du prix

Par la suite, ce projet de distribution fera l’objet d’une homologation par le juge de l’exécution.
L’ordonnance qu’il rendra et qui fixera la répartition définitive aura force exécutoire entre les parties.

Jean-Philippe Jacquot Notaire associé à Villemomble (93) Réseau Les Artisans Notaires: Villemomble (93) / Croissy-sur-Seine (78)

[1Art.150 VG 2 CGI.