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L’indemnité d’agent commercial. Par Antoine Simon, Avocat.
Parution : mercredi 3 avril 2019
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L’agent commercial a droit à une indemnité en cas de rupture de son contrat. A Quelles conditions ? Pour quel montant ?

Mon contrat d’agent commercial est rompu. Une indemnité est-elle due ?

Oui. L’agent commercial a droit à une indemnité en cas de rupture de son contrat avec son partenaire industriel ou commerçant (le mandant). Cette indemnité est prévue par l’article L 134-12 du code de commerce. L’indemnité est due que le contrat soit à durée indéterminée ou que le contrat soit à durée déterminée et arrive à son terme [1].

Si le contrat est rompu par l’agent commercial, a-t-il droit à une indemnité ?

Il faut distinguer :

Non, s’il s’agit d’une démission de l’agent commercial.

Oui, si l’agent rompt le contrat pour des raisons imputables au mandant (inexécution par celui-ci de ses obligations par exemple) [2]. Il est néanmoins prudent d’engager une procédure judiciaire pour demander la résiliation du contrat par le juge afin d’éviter le risque d’être considéré comme démissionnaire si les griefs faits au mandant ne sont pas jugés suffisants.

Oui encore, si la cessation du contrat est due à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial personne physique, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée de lui. Le fait que l’agent ait atteint l’âge de la retraite n’est pas en soi suffisant. Il doit s’agir d’une véritable incapacité physique de l’agent médicalement démontrée [3].

Si le contrat est rompu du fait du décès de l’agent commercial personne physique, ses héritiers ont droit à l’indemnité [4].

Le mandant peut-il, dans certains cas, rompre le contrat d’agent commercial sans indemnité ?

L’indemnité n’est pas due en cas de faute grave de l’agent commercial, c’est-à-dire d’une atteinte à la finalité commune du mandat rendant impossible la poursuite des relations. C’est au mandant de faire la preuve de l’existence d’une faute grave [5].

Peut-on prévoir une clause dans le contrat d’agent commercial indiquant que telle circonstance constituera une faute grave privant l’agent d’indemnité ?

Non. Seul le juge peut apprécier l’existence d’une faute grave. Les clauses prévoyant, par exemple, que la non-atteinte des objectifs contractuels constitue une faute grave justifiant la rupture du contrat sans indemnité, sont réputées non écrites [6].

Une clause de période d’essai peut-elle empêcher l’indemnité d’agent commercial ?

Non. La Cour de cassation a, un temps, hésité. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a clairement jugé le 19 avril 2018 que l’indemnité est due à l’agent commercial même en cas de rupture en cours de période d’essai. Par un arrêt du 23 janvier 2019, la Cour de cassation s’est conformée à la décision de la CJUE [7].

Le contrat d’agent commercial peut-il supprimer le droit à indemnité ?

Non. L’indemnité de cessation de contrat est prévue par la loi impérative (sauf cas de faute grave ou de démission de l’agent). Toutes clauses supprimant le droit à indemnité ou en limitant le montant ou encadrant les modalités de son calcul sont réputées non écrites.

Le mandant peut-il imaginer contester l’application du statut d’agent commercial pour contourner l’indemnité ?

Le statut légal des agents commerciaux fait parfois l’objet de remises en cause par certaines décisions de justice qui prétendent subordonner l’application du statut à la capacité de l’agent commercial de modifier de son propre chef les conditions commerciales de son mandant, en particulier les tarifs.
Cette définition de l’agent commercial est erronée et ces décisions de justices critiquables [8].

Notre argumentation critique peut permettre de contrer ce courant erroné de décisions de justice [9].

Quel est le montant de l’indemnité d’agent commercial ?

C’est au juge d’apprécier le montant de l’indemnité. Cependant les usages professionnels et la jurisprudence française majoritaire apprécient souvent l’indemnité à la valeur de deux années de commissions. Il appartient à la partie qui prétend que le préjudice serait moindre ou supérieur d’apporter la preuve d’un préjudice différent [10].

Quelle est l’assiette de calcul de l’indemnité d’agent commercial ?

L’indemnité est généralement calculée sur base des deux dernières années de rémunération ou sur la moyenne des trois dernières années, multipliée par deux. Les rémunérations de toutes natures versées à l’agent en exécution de son activité de représentation sont prises en compte sans distinction entre les clients créés ou préexistants.

Le contrat d’agent commercial peut-il être rompu sans préavis ?

En principe non car le droit à préavis est d’ordre public, sauf en cas de faute grave de l’agent commercial, hypothèse dans laquelle le contrat peut alors être rompu à effet immédiat. En cas de rupture sans respect du préavis, l’agent a droit à une indemnité compensatrice complémentaire.

Un contrat d’agent commercial à durée déterminée peut-il être rompu de manière anticipée ?

Un contrat à durée déterminée est fait pour être exécuté jusqu’au bout. En cas de résiliation anticipée, et sauf faute grave de l’agent commercial, celui-ci a alors droit à la compensation des commissions qu’il aurait pu percevoir au cours de la durée résiduelle du contrat [11].

L’agent commercial a-t-il droit à commissions sur les affaires en cours au moment de la rupture du contrat ?

Oui, si l’affaire est principalement due à son activité au cours du contrat et a été conclue dans un délai raisonnable après la rupture du contrat, ou quand la commande du client a été reçue avant la rupture du contrat d’agence.

Le contrat d’agent commercial peut-il être cédé à un successeur ?

Oui. Il s’agit d’un droit de l’agent commercial qui est d’ordre public. Toute clause contractuelle contraire (clause d’intuitu personae par exemple) est réputée non écrite.

Le mandant peut-il refuser la transmission du contrat par l’agent commercial à un successeur ?

Uniquement s’il a des motifs légitimes de le faire, c’est-à-dire lorsque le successeur pressenti ne présente pas les qualités professionnelles lui permettant d’exécuter le mandat. Si le mandant refuse sans motif légitime le successeur présenté ou refuse par principe toute succession, il provoque la rupture du contrat de son fait et ouvre droit pour l’agent à l’indemnité de cessation de contrat [12].

Comment transmettre son contrat d’agent commercial à un successeur ?

Il faut d’abord conclure une promesse de cession de contrat, sous condition suspensive de l’agrément du mandant.
Ensuite seulement, l’agent cédant présente son successeur potentiel au mandant pour permettre au mandant de se convaincre de la qualité professionnelle du candidat repreneur.
En cas d’agrément donné par le mandant, un avenant au contrat d’agent commercial peut être signé pour constater la transmission.
Il existe des dispositifs d’exonération fiscale des plus-values de cession pour le cédant, sous certaines conditions, qu’il faut examiner de très près.
Attention, la cession d’un ou plusieurs mandats à un successeur est un processus qui nécessite préparation et réflexion, et la rédaction des documents qui la formalisent doit être élaborée au besoin avec l’appui d’un professionnel [13].

Maître Antoine SIMON Avocat associé L.E.A - Avocats

[9Voir deux exemples récents devant le Tribunal de commerce de Reims et devant le Tribunal de commerce de Paris.

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