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Promulgation de la loi sur les secrets d’affaires en Espagne. Par Fernando J. García, Avocat.
Parution : vendredi 5 avril 2019
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Le JO d’Espagne du 21 février a publié la loi 1/2019, du 20 mars 2019, sur les Secrets d’affaires (LSA), qui est entrée en vigueur le 13 mars 2019. La nouvelle loi transpose la directive UE 2016/943 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, en vue d’harmoniser les législations des différents États membres et de fixer un niveau suffisant et comparable d’indemnisation sur tout le marché intérieur en cas d’appropriation indue de secrets d’affaires.

Que sont les secrets d’affaires ?

Conformément à l’article 1er de la LSA, un secret d’affaires est considéré comme toute information ou savoir-faire, y compris le savoir-faire technologique, scientifique, industriel, commercial, structurel ou financier, qui réunit les conditions suivantes :
a) Être secret, en ce sens que, dans son ensemble ou dans la structure et le regroupement de ses composants, il n’est généralement pas connu des personnes appartenant aux cercles où ce type d’information de savoir-faire est normalement utilisé, ni facilement accessible à ces personnes.
b) Posséder une valeur d’entreprise, qu’elle soit réelle ou potentielle, précisément en raison du fait d’être secrète.
c) Avoir fait l’objet de mesures raisonnables de la part de son titulaire pour le garder secret.

Qui la loi protège-t-elle ?

La protection est offerte au titulaire d’un secret d’affaires, à savoir toute personne physique ou morale qui exerce légitimement le contrôle sur ce secret, protection qui s’applique à toutes les formes d’obtention, d’utilisation ou de divulgation des informations correspondantes, illicites ou ayant une origine illicite par application des dispositions de cette loi.

Affecte-t-elle les droits des travailleurs ?

En vertu de l’article 1er de la LSA, la protection des secrets d’affaires ne pourra pas restreindre la mobilité des travailleurs. En particulier, elle ne pourra pas servir de base pour justifier des limitations d’utilisation, de la part de ces derniers, de l’expérience et des compétences acquises honnêtement durant le déroulement normal de leur carrière professionnelle ou des informations ne réunissant pas toutes les conditions du secret d’affaires, ni ne pourra imposer, dans les contrats de travail, des restrictions non prévues par la loi.

Elle renvoie à la loi sur les brevets concernant le traitement des améliorations techniques non susceptibles d’être brevetées et réalisées dans le cadre d’une relation de travail.

À compter de quel moment la violation de secrets d’affaires est-elle considérée comme illicite ?

Par application de l’article 3 de la LSA, l’obtention de secrets d’affaires sans le consentement de son titulaire est considérée comme illicite si elle est effectuée de la manière suivante :
a) L’accès, l’appropriation ou la copie non autorisés de documents, objets, matériels, substances, fichiers électroniques ou autres supports comprenant le secret d’affaires ou à partir desquels ce secret peut être soustrait.
b) Par toute autre action qui, dans chaque circonstance, est considérée comme contraire aux pratiques commerciales loyales.

L’utilisation ou la révélation d’un secret d’affaires sont considérées comme illicites lorsque, sans le consentement de son titulaire, elles sont effectuées par une personne ayant obtenu le secret d’affaires de manière illicite, par une personne ayant enfreint un accord de confidentialité ou toute autre obligation de ne pas révéler le secret d’affaires, ou par toute personne ayant manqué à une obligation contractuelle ou de tout autre ordre limitant l’utilisation du secret d’affaires.

L’obtention, l’utilisation ou la révélation d’un secret d’affaires sont également considérées comme illicites lorsque la personne qui y procède sait à cet instant ou, selon les circonstances du cas, devait savoir qu’elle obtenait un secret d’affaires directement ou indirectement de la part de la personne qui l’utilisait ou le divulguait de manière illicite conformément au paragraphe antérieur.

Qu’en est-il concernant les produits ou services comprenant un secret professionnel ?

Par application de l’article 3 de la LSA , la production, l’offre ou la commercialisation de marchandises illégales ou leur importation, exportation ou stockage à de telles fins constituent des utilisations illicites d’un secret d’affaires lorsque la personne qui y procède sait ou, en fonction des circonstances du cas, aurait dû savoir que le secret d’affaires qu’elles comportent avait été utilisé de manière illicites.

Quelles actions sont considérées comme illicites ?

En vertu de l’article 2 de la LSA, l’obtention des informations constituant le secret d’affaires est considérée comme licite lorsqu’elle est effectuée par un des moyens suivants :
1. La découverte ou la création indépendantes.
2. L’observation, l’étude, le démontage ou l’essai d’un produit ou d’un objet ayant été mis à la disposition du public ou légalement en possession de la personne réalisant de telles actions, sans devoir obéir à une obligation quelconque empêchant valablement d’obtenir, de la sorte, les informations constituant le secret d’affaires.
3. L’exercice des droits des travailleurs et des représentants des travailleurs à être informés et consultés conformément au droit européen ou espagnol et aux pratiques en vigueur.
4.Toute autre action qui, selon les circonstances du cas, sont conformes aux pratiques commerciales loyales, y compris le transfert ou la cession et la licence contractuelle du secret d’affaires.

Le secret d’affaires est-il transmissible ?

En vertu des articles 4 et 6 de la LSA, le secret d’affaires EST transmissible.

De surcroît, le secret d’affaires peut faire l’objet d’une licence avec la portée objective, matérielle, territoriale et temporaire accordée dans chaque cas. Sauf convention contraire, le titulaire d’une licence contractuelle a le droit d’effectuer tous les actes impliquant l’utilisation du secret d’affaires.

La personne transmettant un secret d’affaires à titre onéreux ou qui concède une licence sur ce dernier devra répondre, face à l’acquéreur, sauf convention contraire et dès lors qu’il a agi de mauvaise foi, des préjudices causés si, postérieurement, il est déclaré qu’il était dépourvu du titre de propriété ou des pouvoirs nécessaires pour réaliser l’opération en cause.

Qui répond de la violation du secret d’affaires ?

La personne qui obtient, utilise ou divulgue le secret d’affaires sans le consentement de son titulaire, en plus des personnes qui auraient dû savoir que son origine était illicite.

Quelles actions peuvent être réalisées ?

L’article 9 de la LSA permet à la personne lésée d’exercer les actions suivantes :
1. Déclaration d’infraction.
2. Cessation.
3. Saisie des marchandises illégales.
4. Révocation.
5. Attribution des marchandises illégales.
6. Indemnisation, sur la base d’un manque-à-gagner, d’un enrichissement sans cause et d’un dommage moral, ou sur la base d’une licence hypothétique.
7. Publication du jugement.

À titre de nouveauté, le jugement déclarant la violation du secret pourra fixer le montant d’une indemnité coercitive jusqu’à l’exécution effective du jugement.

De telles actions peuvent-elles se prescrire ?

Selon l’article 11 de la LSA, les actions se prescriront au bout de 3 ans à compter du moment où elles auraient pu être exercées et où le titulaire avait connaissance de la violation du secret.

Nouveautés d’ordre procédural.

L’article 15 de la LSA introduit, dans cette matière, les nouveautés suivantes :
I. Les juges et les tribunaux pourront d’office ou sur demande préalable motivée d’une des parties adopter les mesures concrètes nécessaires en vue de préserver le caractère confidentiel des informations fournies au procès et susceptibles de constituer un secret d’affaires.
II. Ils pourront également restreindre à un nombre limité de personnes l’accès à des documents, objets, matériels, substances, fichiers électroniques ou autres supports comprenant les informations et pouvant constituer en tout ou partie un secret d’affaires.

Cette loi affecte-t-elle une autre norme ?

Effectivement, la loi modifie la loi 3/1991 sur la concurrence déloyale tout en maintenant le caractère de concurrence déloyale concernant la violation de secrets d’affaires et en précisant que s’appliqueront les dispositions de la loi 1/2019, laquelle intervient en tant que loi spéciale face à la loi générale sur la concurrence déloyale, et qui pourra donc être exercée conjointement avec la jurisprudence actuelle pour l’intégration des lacunes de cette nouvelle loi sur les secrets d’affaires.

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