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Difficulté d’exécution d’une confiscation : imbroglio procédural autour d’une motocyclette. Par Matthieu Hy, Avocat.
Parution : vendredi 12 avril 2019
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Dans un arrêt en date du 10 avril 2019 (n°18-85370), la Chambre criminelle de la Cour de cassation se prononce sur la situation d’un accusé qui, malgré son acquittement, se voit confisquer un bien lui appartenant.

Mis en accusation des chefs d’enlèvement et séquestration, un individu est acquitté par la Cour d’assises qui, en revanche, condamne ses deux co-accusés. Elle ordonne par ailleurs la confiscation d’une motocylette, propriété de l’accusé acquitté.

Ce dernier saisit le Procureur général près la Cour d’appel d’une demande de restitution du bien sur le fondement de l’article 41-4 du code de procédure pénale. Sans surprise, ce dernier lui oppose l’autorité de la chose jugée. En effet, la disposition précitée est applicable lorsque « la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice ». En l’espèce, par un arrêt devenu définitif, la cour d’assises s’était prononcée dès lors qu’elle avait ordonné la confiscation du bien.

Sans doute conscient que la voie procédurale choisie n’était pas idoine, le propriétaire de la motocyclette saisit alors, sur le fondement des articles 710 et 711 du code de procédure pénale, le président de la chambre de l’instruction d’une requête en rectification d’erreur matérielle. Il fait valoir que la cour d’assises ne pouvait, après l’avoir acquitté, ordonner la confiscation de son bien.
Sans plus de surprise, la chambre de l’instruction de la cour d’appel rappelle au requérant que l’article 710 du code de procédure pénale ne permet pas de porter atteinte à l’autorité de la chose jugée. En effet, cette disposition autorise la réparation d’erreurs purement matérielles. Tel n’était à l’évidence pas le cas en l’espèce. Si erreur il y avait, celle-ci était juridique.

Saisie d’un pourvoi, la Haute juridiction approuve la chambre de l’instruction en relevant que la décision de la cour d’assises n’était en effet pas affectée d’une erreur matérielle. Elle précise, en outre, « qu’il appartient au demandeur, non condamné pénalement et prétendant être titulaire de droits sur le bien confisqué, de saisir la chambre de l’instruction d’une requête en incident contentieux relatif à l’exécution, sur le fondement de l’article 131-21 du Code pénal ».

La solution de la Cour de cassation ressemble à un pis-aller.

En effet, force est de constater que toutes les voies de recours paraissaient fermées. En premier lieu, pour une raison déjà exposée, la procédure de l’article 41-4 du Code de procédure pénale n’était pas applicable. En deuxième lieu, celle en rectification d’erreur matérielle ne l’était pas plus, en l’absence d’une telle erreur. En troisième lieu, un appel sur ce point était naturellement exclu. D’une part, l’accusé acquitté ne dispose pas d’une telle faculté, par application de l’article 380-2 du Code de procédure pénale. D’autre part, un tel recours n’aurait à l’évidence aucun sens dès lors que la confiscation de la motocyclette ne saurait être considérée comme une peine infligée à son propriétaire malgré l’acquittement. En quatrième lieu, la décision ne constituait pas non plus un arrêt statuant sur une restitution susceptible de recours en cassation par application des articles 373 et 573 du Code de procédure pénale.

En conséquence, le recours suggéré par la Haute juridiction au propriétaire de la motocyclette est la requête en incident contentieux relatif à l’exécution d’une confiscation. Fondée sur les articles 710 du code de procédure pénale (comme la requête en rectification d’erreur matérielle) et 131-21 du code pénal, elle permet au propriétaire de demander la restitution à la juridiction qui a prononcée la sentence, ou à la chambre de l’instruction s’agissant d’un arrêt de cour d’assises.

L’originalité de l’arrêt du 10 avril 2019 ne tient pas à la faculté offerte à la juridiction saisie de la requête en difficulté d’exécution de restituer un bien malgré une décision de confiscation devenue définitive.
Elle tient au fait que la Haute juridiction traite en l’espèce l’accusé acquitté comme un tiers à la procédure à qui l’arrêt de la Cour d’assises ne serait pas opposable et dont les droits seraient en conséquence réservés à condition qu’il soit un propriétaire de bonne foi.

Matthieu Hy Avocat au Barreau de Paris www.matthieuhy.com [mail->contact@matthieuhy.com]