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Convention de management fees et contrôle fiscal. Par Frédéric Naïm, Avocat.
Parution : lundi 15 avril 2019
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La problématique concerne les entreprises qui ont un groupe de sociétés dans lequel l’une, le plus souvent la holding, va facturer des prestations générales, appelées des managements fees, à sa filiale ou à ses filiales, en déduisant du résultat de la filiale des sommes qui vont être ensuite imposées au niveau de la holding.
L’ensemble de ces flux est décrit dans une convention de management fees.

Souvent les dirigeants que je rencontre ne voient pas la problématique qu’il y a dans cette déduction et dans ces flux ; ils pensent que l’imposition réduite dans la filiale va être compensée exactement à l’identique au niveau de la société mère ou au niveau de la société qui facture les management fees et qu’il n’y a pas d’enjeu fiscal.

En réalité, c’est tout à fait le contraire, car l’Administration va être extrêmement regardante face à ce type de convention, notamment à cause d’arrêts qui ont été rendus en matière commerciale depuis quelques années ; l’Administration n’hésitera pas, alors même que ces management fees ont été déclarés en revenus dans la société mère, à remettre en cause la charge en déduction au niveau de la filiale. Elle se base pour le faire sur une théorie appelée « la théorie anormale de gestion » ; elle essaie de remettre en cause quasi systématiquement les déductions de management fees lorsqu’elle considère que holding et filiale sont gérées par les mêmes personnes et constate que les management fees payés par la filiale correspondent en réalité aux prestations que devraient effectuer son dirigeant et pour lesquelles celui-ci devrait être, ou est déjà, rémunéré.
Dans ce cas, l’Administration va remettre en cause la déduction de ces sommes, arguant soit que le président est déjà payé pour ces prestations, soit, s’il n’est pas rémunéré pour ces prestations, qu’une société tierce ne peut pas facturer des management fees dès lors que la filiale a un dirigeant à qui il incombe normalement de réaliser ces prestations.
Il faut donc être extrêmement vigilant : la jurisprudence n’est pas vraiment tranchée en matière fiscale sur ce point, mais des arrêts ont été rendus en matière commerciale, notamment un arrêt du 23 octobre 2012, qui est globalement opposé de manière assez ferme, créant un vrai sujet.

Pour éviter de rentrer dans cette polémique et éviter un redressement, une solution peut être que la société de management fees facture plutôt des frais techniques facilement identifiables et ne se situant pas dans le périmètre habituel des prestations d’un dirigeant. Une autre possibilité serait que la société qui faisait les prestations de services et les facturait devienne dirigeante de ces filiales ; c’est notamment le cas si les filiales sont des SAS ou des SA car une SAS ou une SA peut être dirigée par une personne morale, mais il y a bien une restructuration à envisager dans ces cas-là. L’enjeu est colossal, les montants peuvent devenir vite très élevés.

En réalité il faut se poser la question avant de facturer des management fees ; on ne peut pas estimer qu’aucun risque n’existe sous prétexte que dix ans plus tôt, lors d’un contrôle fiscal, la convention n’a pas été remise en question ; en effet une série d’arrêts ont été rendus depuis 2010 en 2012 et encore en 2015, déclarant nulles des conventions de management fees en présence d’un dirigeant d’entreprise. Il est très utile de faire auditer la situation et de bien justifier votre valorisation.

Quoi qu’il en soit, si vous choisissez de prendre ce risque, veillez bien à ce que le montant facturé au titre des management fees rentre dans un périmètre normal, soit d’un montant normal ; on ne peut pas facturer ce qu’on veut.
En cas de contrôle fiscal, on vous demandera à quoi correspond cette facturation, comment elle se justifie, comment on explique économiquement la valeur qui a été attribuée.
Ce n’est pas parce que deux sociétés sont imbriquées, l’une détenant l’autre, ou même sans rapport capitalistique l’une avec l’autre, qu’on est déchargé, comme si le poids de la fiscalité de l’une était supporté par l’autre et inversement. Non. Les personnes morales sont indépendantes et autonomes.

L’Administration n’a aucune difficulté à taxer une société mère sur les sommes qu’elle a régulièrement déclarées et à refuser la déduction de la filiale qui a payé, alors même que le flux financier est réel et que les fonds ont bien transité.
Soyez très vigilants avec les conventions de management fees.

Maître Frédéric Naïm, avocat fiscaliste au sein du Cabinet Naïm & Leroux avocats Spécialiste du contrôle fiscal, du redressement fiscal, du contentieux fiscal et de la fiscalité de l'entreprise. Droit fiscal et droit des affaires. [->https://www.naimavocatfiscaliste.com] [->frederic@naimavocats.fr]