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Précisions sur le régime juridique des décisions d’irrecevabilité de la CNAC. Par Christine Castera, Avocat.
Parution : vendredi 19 avril 2019
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Dans un récent avis, le Conseil d’Etat précise le régime juridique des décisions d’irrecevabilité de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) et l’intérêt à agir des tiers à l’encontre de telles décisions.

(CE avis, 15 avril 2019, n° 425854)

Saisi par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, d’une question préjudicielle à l’occasion d’un litige portant sur un permis de construire un bâtiment commercial, le Conseil d’Etat vient de rendre son avis [1], qui apporte des précisions utiles concernant les décisions d’irrecevabilité rendues par la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC).

Après un rappel des textes, éclairés par les travaux parlementaires de la loi dite « Pinel » du 18 juin 2014, ayant instauré le régime du PC-AEC, l’avis précise, en premier lieu, que toute décision de la CNAC, prise à la suite d’un recours introduit à l’encontre d’un avis favorable d’une Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), revêt le caractère d’un acte préparatoire insusceptible d’être déféré, en tant que tel, devant le juge administratif.

Il en va notamment ainsi de la décision par laquelle la CNAC rejette, à bon droit ou non, le recours formé devant elle comme étant irrecevable. En revanche, la régularité et le bien fondé d’une telle décision peuvent être contestés dans le cadre d’un recours formé contre le permis de construire, ultérieurement délivré sur ce fondement.

Ainsi, le requérant dont le recours a été déclaré irrecevable devra attendre la délivrance du permis de construire pour contester la décision de la CNAC dans le cadre d’un recours dirigé contre ledit permis. Sur ce point, le régime de la contestation des décisions d’irrecevabilité n’est donc pas différent de celui des avis favorables ou défavorables rendus par la CNAC lorsque celle-ci accepte d’examiner le recours qui lui est soumis.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie d’une requête dirigée contre un PC-AEC, de s’assurer, et ce indépendamment de ce qu’a pu estimer la CNAC :
- d’une part, que le requérant avait bien intérêt à agir à l’encontre de l’avis de la CDAC en question (par exp. : concurrent exerçant dans la zone de chalandise du projet et dont l’activité est susceptible d’être affectée par celui-ci) ;
- et d’autre part, que son recours était bien recevable au regard des conditions posées par la loi (saisine de la CNAC dans le délai d’un mois de la publication de l’avis de la CDAC et notification du recours au pétitionnaire notamment).

Et si la Cour juge recevable le recours rejeté par la CNAC pour irrecevabilité, il y a lieu de considérer que la décision d’irrecevabilité de la CNAC constitue une irrégularité qui, en principe, entache la procédure de délivrance du permis de construire.

Toutefois, le Conseil précise, en troisième lieu, faisant application de sa jurisprudence « Danthony » [2], que l’introduction d’un recours devant la CNAC ne constitue pas une garantie pour le requérant mais qu’en revanche, il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie d’un moyen en ce sens, d’apprécier si, au regard des circonstances de l’espèce (et notamment dans le cas où d’autres recours auraient conduit à examiner le projet sur le fond), cette irrégularité est susceptible d’avoir eu une incidence sur le sens de la décision attaquée, auquel cas le permis encourt l’annulation.

Enfin, dans un quatrième temps, le Conseil d’Etat précise que, dans l’hypothèse où l’irrégularité de la décision de la CNAC a effectivement pu exercer une influence sur le sens de la décision finale, rien ne s’oppose alors à ce que la Cour administrative d’appel fasse application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, qui permettent au juge administratif, s’il estime, après avoir constaté qu’aucun autre moyen n’est fondé, qu’un vice est susceptible d’être régularisé par un permis de construire modificatif, de sursoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre au pétitionnaire de solliciter et obtenir un permis de construire modificatif à cet effet.

Christine CASTERA, Avoact.

[1CE avis, 15 avril 2019, 425854.

[2CE, 23 décembre 2011, n° 335033.