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De la clause de mobilité dans le contrat de travail. Par Alliance Heri, juriste.
Parution : mercredi 24 avril 2019
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Lorsqu’une clause de mobilité est insérée au contrat de travail, le salarié s’engage à accepter certaines mutations, sans que cela constitue une modification de son contrat de travail. Cette clause peut-être aussi prévue dans la convention collective dont il relève. Cette mutation s’impose au salarié, sauf exception. Tout salarié peut se voir proposer une clause de mobilité, lors de son embauche ou après signature du contrat de travail, avec son accord.

L’étendue de la zone géographique varie selon les fonctions exercées par le salarié ; la clause de mobilité est applicable dans l’entreprise uniquement et non dans les autres sociétés du même groupe.

La clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique.

Pour juger le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, une cour d’appel a retenu que la cause de mobilité doit par principe précisément définir sa zone géographique d’application et ne peut pas conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée, que cette exigence d’un périmètre de mutation, défini géographiquement dans le contrat de travail conclu entre les parties, est une condition de validité même de la clause de mobilité, que la clause contractuelle dont se prévalait la société était trop imprécise en l’absence d’indication sur la limite géographique dans laquelle la mobilité professionnelle du salarié pouvait intervenir, temporairement ou définitivement, et en l’absence ainsi de données prédéfinies entre les parties, qu’il en résultait une indétermination de la zone géographique d’évolution du salarié emportant la nullité ab initio de ladite clause en application de l’article 1129 c.civ., que cette clause était donc inopposable au salarié.

En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des conditions de validité d’une clause de mobilité, alors que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de consultant international, la cour d’appel a violé les articles 1129 et 1134 c.civ. et L.1221-1 CT. C’est à bon droit que la chambre sociale de la cour de cassation dans sa décision du 11 juillet 2012 a rendu un arrêt suivant lequel, les déplacements s’inscrivant dans le cadre habituel de l’activité du salarié ne sont pas soumis au régime des clauses de mobilité.

En cas d’insertion d’une clause de mobilité par l’employeur au contrat de travail, il devra le notifier au salarié par lettre recommandée. La chambre sociale de la cour de cassation en date du 25 janvier 2006 a rendu un arrêt selon lequel, l’ajout d’une clause de mobilité au contrat de travail pour un motif économique constitue une modification du contrat de travail et impose l’observation de la formalité prévue par l’article L. 321-1-2 du code du travail, dont la méconnaissance rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le libellé de la clause de mobilité doit être clairement énoncé.

La convention conclue entre un employeur et un salarié, prévoyant qu’à l’issue du congé individuel de formation que ce dernier prenait et à défaut de trouver un emploi extérieur, il acceptait d’ores et déjà toute fonction disponible qui pourrait lui être confiée dans le groupe, s’analyse en une clause de mobilité. L’acceptation d’une telle clause ne peut déroger aux dispositions de la convention collective exigeant l’accord du salarié en cas de changement de domicile. C’est à bon droit qu’une cour d’appel a estimé que si le contrat de travail de salariés prévoyait que l’exécution de la prestation de travail pourrait se dérouler en fonction des besoins de l’entreprise ailleurs qu’au lieu d’affectation, il ne comportait pas de clause de mobilité et que les salariés étaient fondés à refuser la modification de leur contrat de travail que constituait leur mutation.

L’employeur ne peut pas étendre unilatéralement la portée géographique de la clause : Cette clause doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. Encore faut-il que la clause de mobilité conventionnelle définisse précisément sa zone géographique d’application (Cass.soc.24 janvier 2008).

L’article 61 de la convention collective nationale du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils dite SYNTEC, du 1er janvier 1988, qui se borne à énoncer que toute modification du lieu de travail comprenant un changement de résidence fixe, qui n’est pas acceptée par le salarié, est considérée, à défaut de solution de compromis, comme un licenciement et réglée comme tel, ne saurait constituer une clause de mobilité licite directement applicable au salarié en l’absence de clause contractuelle de mobilité.

A la suite de la fermeture de l’agence dans laquelle il travaillait à Toulouse, un salarié a été informé de sa mutation à Bordeaux, ayant refusé ce transfert, ce dernier a été convoqué à un entretien préalable puis licencié, contestant la légitimité de son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale. Après avoir constaté que le contrat de travail ne contenait pas de clause de mobilité, c’est à bon droit qu’une cour d’appel a décidé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Le code du travail ne précise pas les conditions de mise en place et d’application de la clause de mobilité. Toutefois, la jurisprudence récente considère la validité d’une clause de mobilité selon les dispositions suivantes :

- Les déplacements s’inscrivant dans le cadre habituel de l’activité ne sont pas soumis au régime des clauses de mobilité, cass.soc 11 juillet 2012 ;

- L’insertion d’une clause de mobilité dans le contrat de travail, constitue une modification de ce contrat que le salarié doit accepter (Cass.soc. 24 nov. 1999) ;

- Lorsque l’insertion de la clause a un motif économique, l’employeur doit la proposer au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (Cass.soc 25 janvier 2006) ;

- Le libellé de la clause doit être clairement énoncé (Cass.soc.14 juin 2000) ;

- La clause de mobilité doit être limitée géographiquement (Cass.soc.19 mai 2004) ;

- La mention du « territoire français » suffit à rendre précise la zone géographique d’application de la clause (Cass.soc. 9 juillet 2014) ;

- L’employeur ne peut pas étendre unilatéralement la portée géographique de la clause, (Cass.soc.7 juin 2006) ;

- La clause de mobilité ne doit pas porter atteinte au libre choix du domicile, ni au droit à une vie personnelle et familiale, à moins que cette atteinte ne soit justifiée par les fonctions du salarié et l’intérêt de l’entreprise (Cass.soc 12 janvier 1999 et Cass.soc. 13 juillet 2004 ;

- Est nulle la clause de mobilité par laquelle le salarié lié par un contrat de travail à une société s’engage à accepter toute mutation dans une autre société, même si cette dernière appartient au même groupe ou à la même unité économique et sociale, cass.soc 23 sept.2009 ;

- La clause de mobilité n’est opposable au salarié que s’il l’a accepté, cass.soc. 2 Avril 1998 ;

- La mise en œuvre de la clause de mobilité ne saurait avoir pour effet d’imposer au salarié un partage de son temps de travail entre plusieurs établissements, cass.soc.20 décembre 2006 ;

- En l’absence de la clause de mobilité insérée au contrat de travail, l’employeur peut se prévaloir d’une obligation de mobilité conventionnelle si le salarié a été informé de l’existence de la convention collective au moment de son engagement, encore faut-il que la clause de mobilité conventionnelle définisse précisément sa zone géographique d’application, (Cass.soc. 27 juin 2002 et cass.soc.24 janvier 2008) ;

- L’employeur peut mettre en œuvre la clause de mobilité à tout moment, sous réserve de respecter un délai de prévenance, et les dispositions conventionnelles, (Cass.soc. 16 février 1987 et Cass.soc. 13 octobre 2004) ;

- L’employeur est présumé être de bonne foi lorsqu’il met en œuvre la clause de mobilité. Le changement d’affectation ne doit pas être abusif, (Cass.soc. 18 mai 1999) ;

- En présence d’une clause de mobilité, la mutation ne peut pas être considérée comme une modification du contrat de travail, peu important que le déplacement du salarié ait le caractère d’une mesure disciplinaire, que le déplacement présente un caractère désavantageux, ou que le nouveau lieu de travail soit éloigné du précédent (Cass.soc. 10 juin 1997, Cass.soc. 11 juillet 2001, Cass.soc. 29 janvier 2002, Cass.soc.10 décembre 2014) ;

Cependant, lorsque la mise en œuvre de la clause de mobilité s’accompagne d’une charge de travail supplémentaire et de nouvelles contraintes pour l’intéressé, elle peut constituer une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser (Cass.soc. 18 mai 1999) ;

- Ainsi, lorsqu’elle s’accompagne d’un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour ou d’un horaire de jour à un horaire de nuit, la mise en œuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle ou conventionnelle contraire, que le salarié accepte cette mise en œuvre (Cass.soc. 14 octobre 2008) ;

- De même la mise ne œuvre d’une clause de mobilité ne peut pas être imposée à un salarié lorsqu’elle entraîne une modification de sa rémunération, une rétrogradation (Cass.soc. 15 décembre. 2004, et cass.soc. 16 décembre 2005) ;

- La mise en œuvre d’une clause de mobilité ne peut pas être imposée à un salarié lorsqu’elle entraîne une obligation de fixer sa résidence dans un département déterminé (Cass.soc. 15 mai 2007) ;

- Si une convention collective prévoit l’application du régime de la modification du contrat aux changements du cadre géographique de travail, le salarié peut se prévaloir de cette disposition, plus favorable qu’une clause de mobilité prévue dans le contrat de travail (Cass.soc. 4 février 2003) ;

- Le refus, par le salarié, dont le contrat de travail contient une clause de mobilité, de la modification de son lieu de travail constitue en principe un manquement à ses obligations contractuelles mais ne caractérise pas à lui seul une faute grave (Cass.soc. 23 janvier 2008) ;

- Ainsi, la seule circonstance qu’un employeur n’a pas commis d’abus dans la mise en œuvre d’une clause de mobilité ne caractérise pas la faute grave du salarié qui a refusé de s’y soumettre, mais la faute grave peut résulter du comportement du salarié (Cass.soc. 7 février 2007 et cass.soc. 12 janvier 2016) ;

- Si un salarié protégé refuse une mutation, l’employeur doit demander l’autorisation pour le licencier auprès de l’autorité administrative compétente, même si le contrat de travail contient une clause de mobilité (Cass.soc. 23 sept 1992.)

L’application de la clause de mobilité ne constitue pas une modification du contrat de travail. Elle s’impose au salarié, sauf si la mutation entraîne ds conséquences sur tout autre élément essentiel du contrat. Dans ce cas, un avenant au contrat doit être signé.

Sources :
Code du travail, Code civil et sources jurisprudentielles.

Alliance Heri, Juriste.