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Soirée de l’installation : l’avenir de l’avocat est-il à l’entrepreneuriat ?
Parution : mercredi 7 août 2019
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Le sujet du financement de l’installation des avocats présente un réel enjeu pour eux, tant il peut mettre à mal ce désir pour le professionnel du droit. En effet, de par sa formation strictement juridique et son manque d’expérience dans le business, l’avocat n’est pas préparé à cette aventure. Néanmoins, des solutions existent, grâce à une multitude de partenaires et de soutiens qui peuvent guider cet expert du droit dans sa démarche de développement commercial.
Le Village de la Justice, organisateur de cet événement annuel (dernière édition en mai 2019) dans le cadre de sa démarche d’aide à l’installation, résume pour vous cet échange riche en bonnes pratiques.

Une tribune d’experts du sujet !

Soirée accompagnée par les Partenaires de l’installation et du financement des Avocats :

Avocat et entrepreneur... L’association des deux ne va pas forcément de soi, la faute à l’aspect éminemment commercial et gestionnaire du second, quand le premier est presque exclusivement tourné vers sa mission de conseil juridique.
Pourtant, l’envie est réelle de la part des avocats de se lancer dans l’aventure de l’installation pour exercer comme bon leur semble. Laure Goutte-Toquet, co-directeur du service comptabilité et conseil d’ANAFAGC, association de gestion et de comptabilité, l’a rappelé : « l’événement de ce soir sert à vous donner les bons réflexes de gestionnaire pour pouvoir anticiper votre développement et croître à l’avenir ».

L’état des lieux du marché des avocats le montre : « depuis 2008, il y a une progression de plus de 38% du nombre d’avocats, ceux-ci étant dorénavant 67 000. Il y a donc une réelle attractivité de la profession » observe Laure Goutte-Toquet. Concernant les modes d’exercice, le pourcentage le plus élevé revient à l’individuel avec 36% des avocats, suivi des associés à 30%.

Une évolution du marché inéluctable ?

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron a changé la donne pour les avocats. Comme le dit Delphine Gallin, Présidente Nationale de l’ACE Avocat (Association des Avocats Conseils en Entreprise) : « Le cadre législatif et notamment les lois Macron ont donné l’obligation aux avocats de devenir entrepreneur. » Elle estime d’ailleurs que la transformation lancée par ce nouveau cadre législatif « parait dorénavant inéluctable car le marché change malgré tout et ne fait que progresser. » Néanmoins, elle met en garde les futurs candidats à l’installation sur le fait que « l’avocat seul dans son coin est une vision hérétique », en ajoutant qu’il existe « de formidables outils d’association. »

Dans cette logique, Frédéric Moréas, Co-fondateur d’AGN Avocats, réseau d’agences d’avocats, précise que « deux visions sont possibles pour l’avocat : d’abord, celle selon laquelle celui-ci assume son rôle de vecteur d’accès au droit. Il doit alors tout faire pour remplir cette mission, ce qui signifie aussi se poser en entrepreneur et gestionnaire d’une activité juridique. Soit, il n’assume pas ce rôle et il laisse la place aux autres acteurs comme les legaltech. »

Quelle marche à suivre pour se financer ?

Dans le projet d’installation, l’étape de la recherche de financements tient une place centrale. L’ensemble des intervenants était catégorique, soulignant à chaque fois que la construction du business plan doit être faite avec une extrême minutie. Le retour d’expérience d’AGN Avocats est là précieux car son co-fondateur, Frédéric Moréas, indique que pour eux « la levée de fond s’est faite naturellement car nous avons fait la preuve de la fiabilité de notre modèle économique. Il faut donc avoir un vrai projet d’entreprise. »

Toutefois, comme le rappelle Laure Goutte-Toquet, leur cursus alliant droit et business fait plutôt figure d’exception dans le paysage des avocats. L’appétence pour les chiffres n’est pas répandue dans cette profession et calculer un business plan fait peur à beaucoup. C’est pour cela qu’existent de nombreux partenaires et soutiens tels que le barreau entrepreneurial, les banques comme le Crédit du Nord, l’association de gestion et de comptabilité ou encore l’Association des Avocats Conseils en Entreprises, tous présents lors de cette soirée.

Dès lors, quelle est la marche à suivre pour monter son projet de business plan ?

Dans sa mission de conseil et de financements, le Crédit du Nord, représenté par Didier Molle, énumère les étapes importantes : « Pour construire son business plan, il est nécessaire de bien calculer son plan de dépenses, ses besoins en fonds de roulement et le dépôt de garantie. On se projette ensuite sur la construction de son chiffre d’affaires avec le calcul des revenus, des dépenses et des acomptes. Un autre tableau est important : le plan de trésorerie, pour avoir une idée du reste à vivre. Aujourd’hui, la logique entrepreneuriale peut aussi porter sur les holdings pour avoir des financements plus structurés. Cette société de participation parfois composée d’associés avocats finance et rachète un cabinet avec l’idée que les résultats du cabinet vont rembourser l’emprunt sur la holding. »

Les modes de financements pour développer son cabinet sont variés. Laure Goutte-Toquet en dénombre trois : « L’endettement par emprunt bancaire, l’apport en compte courant ou encore le découvert bancaire. » AGN Avocats, par exemple « a eu recours à de la dette bancaire, au compte courant et à un financement extérieur de confrères au travers d’une holding pluri professionnelle. » Sur cette dernière source de financements, Laurent Samama, directeur du barreau entrepreneurial, estime que « la question du financement pose la question de l’ouverture du capital vers des structures extérieures, comme les start ups. C’est un véritable enjeu pour les structures d’avocats aujourd’hui dans l’évolution du marché du droit. » Le recours à un comptable est également recommandé.

Comment bien gouverner son entreprise

Un autre point capital dans l’installation concerne la gestion même du cabinet. En effet, pour bénéficier de ses propres fonds, il est nécessaire selon Michel Lehrer, consultant chez Jurimanagement de développer de bons comportements et de bons usages, comme une politique de rémunération raisonnable. En effet, les associés ont tendance à percevoir une rémunération, quoi qu’il arrive, au détriment de la santé de leur structure. La première chose à faire est donc de « mettre en place une politique de facturation régulière, de relance et de gestion des encours clients. » Ensuite, il est nécessaire que les avocats, notamment associés, comprennent que «  l’entreprise passe avant l’avocat » et qu’« ils ont des droits ET des devoirs. »

Michel Lehrer met finalement en cause « la culture historique de cette conception exclusivement personnelle de la gestion du cabinet par l’avocat. »

Quel regard sur l’installation pour la jeune génération ?

Une culture que l’on retrouve à l’école des avocats et que critique Delphine Gallet pour qui « l’avocat n’a pas la science de l’entreprenariat et ne sait pas cibler le marché. » Pourtant, cette profession part avec un « capital confiance très important car le justiciable garde l’idée que l’avocat est l’un des premiers vecteurs de l’accès au droit. »

Un constat partagé par tous les intervenants et notamment Aminata Niakate, Présidente de la Fédération des Unions des Jeunes Avocats : « on découvre presque que l’avocat peut être un entrepreneur. » En tant que porte-voix des envies des jeunes avocats et promoteur du statut d’avocat entrepreneur, elle exprime la « réelle volonté de changement de la profession pour qui il faut enlever les freins de la profession, changer les mentalités des associés, et réduire les coûts de l’installation. » Tout en assurant qu’« ils respectent profondément les principes déontologiques de la profession, mais compte tenu du coût de l’installation, ils souhaitent une possibilité d’ouverture cadrée du capital aux tiers. » Elle déplore également « un conservatisme assumé d’une partie des jeunes avocats et un individualisme très présent. »

Les relations intergénérationnelles également ont été discutées. Michel Lehrer mettait en lumière le fait que « l’innovation n’est souvent pas supportée par les associés eux-mêmes, encore moins quand un jeune avocat intègre une structure et souhaite trouver du financement pour développer son activité. » Une grossière erreur car « la logique voudrait que la pratique des associés soit plus salutaire envers le nouvel arrivant et lui permette d’envisager sereinement son installation. »

Simon Brenot
Rédaction du Village de la Justice

Les intervenants :

Delphine Gallin
Présidente Nationale de l’ACE
Avocat
Michel Lehrer
Consultant Jurimanagement
Frédéric Moréas
Co-fondateur d’AGN Avocats
Aminata Niakate
Présidente de la FNUJA
Avocate au Barreau de Paris
Didier Molle
Crédit du Nord
Laurent Samama
Directeur du barreau entrepreneurial
Laure Goutte-Toquet,
ANAFAGC
Christophe Albert
Village de la justice

Philippe Charles a 34 ans. Diplômé d’un Magistère DJCE et d’HEC, Philippe a travaillé chez Baker & McKenzie avant de fonder AGN Avocats. Il s’intéresse de très près à la distribution française et plus particulièrement aux stratégies de réseaux. Philippe a rédigé le Guide de la Distribution chez Lexis Nexis.

Delphine Gallin est Avocat (GEIE Alphalex Avocats), Membre du Conseil de l’Ordre au Barreau de Marseille, Ancien Membre du CNB et Présidente Nationale de l’ACE.

Laure Goutte-Toquet est Expert-Comptable, Co-Directeur du service COMPTABILITÉ & CONSEIL d’ANAFAGC, association de gestion et de comptabilité issue de la fusion entre l’ANAAFA (association de gestion agréée monoprofessionnelle dédiée aux BNC) et l’UNAGC (association de gestion et de comptabilité dédiée aux structures à l’impôt sur les sociétés), forte de 23 000 avocats adhérents.

Michel Lehrer est Consultant Associé Jurimanagement." Comme toute entreprise, le cabinet d’avocat se doit de se mettre en ordre de marche pour pouvoir financer ses projets (nouvelles offres, rapprochements, croissance externe, investissements, Legal Tech, digitalisation …), en adoptant la structure et l’organisation la plus à même de répondre à ses objectifs (soigner ses capitaux propres et plus généralement sa santé financière). Les consultants de Jurimanagement accompagnent les structures et leurs associés dans la réflexion et la mise en place des pratiques et outils les plus adaptés aux nouveaux enjeux de la profession face à un marché en mutation."

Frédéric Moréas a 35 ans. Diplômé d’un Magistère DJCE et d’HEC, Frédéric a travaillé en banque puis chez Lovells et Gide avant de fonder AGN Avocats. Lors de ses études en Allemagne, il a pu observer les premières agences du droit qui y avaient été créées. Ce mode d’exercice lui a paru pertinent pour le marché français.

Didier Molle est Directeur du Marché des Professions Libérales Ile de France au Crédit du Nord ; banque relationnelle, le groupe Crédit du Nord accompagne aujourd’hui près de 8 000 avocats en France et développe depuis plus de 25 ans une expertise auprès des Barreaux.
Ma mission , au cours des étapes clés de l’activité professionnelle des avocats, de l’installation au développement et jusqu’à la cession du cabinet, est de veiller à la diffusion de notre savoir-faire par la connaissance et notre expérience de la profession d’avocat afin de soutenir tous les projets, tant à titre professionnel que privé.

Aminata Niakate est Présidente de la FNUJA, Avocate au Barreau de Paris.

Laurent Samama est Directeur du barreau entrepreneurial à Paris, Avocat et médiateur.

Débat animé par Christophe Albert, co-fondateur du Village de la Justice et co-organisateur du 1er salon dédié à la Legaltech en France, le Village de la Legaltech.

Rédaction du village