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Roumanie : la procédure collective et le risque de l’exécution forcée. Par Dana Gruia Dufaut, Avocat.
Parution : lundi 6 mai 2019
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Les difficultés financières ne sont plus une exception de nos jours, mais une réalité qui se passe de plus en plus souvent dans la vie des entreprises. Dans ce cadre fragile, il suffit parfois d’une succession d’événements malheureux pour que les problèmes financiers apparaissent. Le fait d’une seule entreprise rencontrant des difficultés à payer ses dettes peut entrainer des conséquences irréparables pour ses partenaires d’affaires.

Selon une statistique publiée par l’Office National du Registre du Commerce de Roumanie, 986 procédures collectives ont été ouvertes seulement dans les deux premiers mois de l’année 2019. Et, même si les chiffres sont en baise par rapport à l’année précédente, on ne peut pas ignorer la réalité.

La procédure collective a comme principal but de couvrir le passif de la société débitrice en lui accordant, si tel est le cas, une chance de redresser son activité, en bénéficiant d’une vraie « immunité » contre toute exécution forcée.

Ça c’était l’idée initiale, car dans l’un de nos précédents articles nous avions déjà signalé une nouveauté législative introduite par l’Ordonnance du Gouvernement n° 88/2018 relative à la possibilité d’engager l’exécution forcée pour les dettes accumulées pendant la procédure collective.

Les défis

Depuis l’entrée en vigueur de l’OUG n° 88/2018, dont le but déclaré est de rendre plus efficaces les mécanismes de recouvrement des créances budgétaires auprès des entreprises en insolvabilité, on observe une prédisposition des autorités fiscales roumaines d’envoyer des sommations de payer et de faire des saisies arrêt sur les comptes bancaires des entreprises, quelque soient la phase de la procédure collective.

Ainsi, la Loi n° 85/2014 sur les procédures d’insolvabilité et de prévention de l’insolvabilité prévoit dans son chapitre sur la période de réorganisation de la société que l’exécution forcée peut être engagée pour les dettes accumulées pendant la procédure collective, ayant une ancienneté de plus de 60 jours.

Cependant, ce texte donne lieu à des interprétations divergentes, en fonction des intérêts des sujets concernés.

En pratique, les autorités fiscales interprètent les dispositions légales dans le sens qu’indépendamment de la date d’ouverture de la procédure et de l’étape dans laquelle on se trouve, les créances actuelles peuvent être exécutées sans restriction.

La doctrine et même les tribunaux ont clairement statué que l’exécution forcée peut être engagée dans les conditions prévues dans la loi seulement dans le cas des procédures ouvertes après l’entrée en vigueur de l’OUG n° 88/2018, à savoir après le 2 octobre 2018.

De plus, certains tribunaux ont admis à juste titre les contestations contre les exécutions forcées démarrées par les autorités, contre des sociétés en procédure collective, qui n’étaient pas dans l’étape de réorganisation.

Mais le défi le plus important que pose l’exécution forcée, concerne les biens qui font l’objet de l’exécution.

Par exemple, compte tenu de la nature spéciale du compte bancaire unique qu’une société débitrice doit ouvrir pendant la procédure collective, la loi prévoit expressément qu’il ne peut pas être indisponibilisé, c’est-à-dire bloqué.

Ceci dit, l’opinion majoritaire est que le compte unique de la société, les biens affectés par des causes de préférence en faveur d’autres créanciers, les biens utilisés par le débiteur dans le cadre de l’activité courante, les actifs déterminants pour la réussite du plan de redressement, sont des actifs qui ne peuvent pas faire l’objet, en principe, dans le cadre de la procédure collective, d’une exécution forcée.

Enfin, un dernier défi est celui du tribunal compètent pour se prononcer sur les contestations en annulation de l’exécution forcée.

En effet, tandis que certains considèrent que la compétence revient au juge syndic, en vertu de sa compétence générale concernant toutes les demandes afférentes à la procédure collective, d’autres attribuent la compétence au tribunal d’exécution, à savoir au tribunal de première instance du siège du débiteur.

Ainsi, quelque soit pour l’instant le tribunal choisi par le requérant- le tribunal de première instance ou le juge syndic - il est possible qu’un tribunal décline sa compétence en faveur de l’autre.

En conclusion, aussi longtemps que ces problèmes ne seront pas résolus d’une manière ou d’une autre, le risque d’abus de la part de certains créanciers est élevé et les sociétés en procédure collective doivent traiter avec responsabilité toutes les dettes qui pourraient être sujet d’une telle exécution forcée.

Dana Gruia Dufaut Avocate aux Barreaux de Paris et de Bucarest