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La récidive légale des personnes physiques. Par Benoît Le Dévédec, Juriste.
Parution : vendredi 10 mai 2019
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Dans le langage courant, il est d’usage de parler de récidive lorsqu’un individu recommence une même action, notamment si elle a socialement une connotation négative. Cependant, en France, la récidive en procédure pénale, appelée aussi « récidive légale » répond à des règles strictes et complexes.

Depuis la loi n°2014-896 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales du 15 août 2014, il n’existe plus de peine plancher (peine minimum) en cas de situation de récidive légale. Ces peines minimales avaient été créées par la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Pour autant, la récidive a toujours un impact sur le quantum de la peine encourue par le récidiviste.

La récidive temporaire et spéciale.

Si un individu est condamné définitivement (la décision est passée en force de chose jugée, et n’est susceptible d’aucun recours ordinaire) à un délit punissable d’une peine inférieure à 10 ans d’emprisonnement, et qu’il comment dans les 5 ans suivant l’expiration ou l’extinction de sa peine le même délit ou un délit assimilé, il est alors en situation de récidive légale. Dans ce cas, le maximum des peines d’emprisonnement et d’amende encourues est doublé (article 132-10 du Code pénal).

S’il s’agit exactement du même délit, il n’y a pas de difficulté. En revanche, si le délit est différent, ce sont les articles 132-16 à 132-16-4-1 du Code pénal qui listent les délits assimilés. A titre d’exemple, les délits d’agressions sexuelles et d’atteintes sexuelles sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction (article 132-16-1 du Code pénal).

La récidive temporaire et générale.

Si un individu est condamné définitivement pour un crime ou pour un délit punissable d’au moins 10 ans d’emprisonnement, et qu’il commet un autre délit, deux situations sont possibles pour qu’il y ait récidive légale :
- Soit le nouveau délit est punissable d’une peine de 10 ans d’emprisonnement et est commis dans les 10 ans suivant l’expiration ou l’extinction de la première peine.
- Soit le nouveau délit est punissable d’une peine d’emprisonnement comprise entre 1 et 10 ans, et est commis dans les 5 ans suivant l’expiration ou l’extinction de la première peine.

Dans un cas comme dans l’autre, le maximum des peines d’emprisonnement et d’amende encourues est doublé (article 132-9 du Code pénal).

La récidive perpétuelle et générale.

Si un individu est condamné définitivement pour un crime ou pour un délit punissable d’au moins 10 ans d’emprisonnement, et qu’il commet un crime, peu importe le temps écoulé depuis l’expiration ou l’extinction de la première peine et peu important le crime commis, il y aura situation de récidive légale.

Si le crime est punissable de 15 ans de réclusion criminelle, ce maximum est doublé. Si en revanche le crime est punissable de 20 ou 30 ans de réclusion criminelle, la peine maximale encourue est alors la réclusion criminelle à perpétuité (article 132-8 du Code pénal).

La récidive contraventionnelle.

Si un individu commet une contravention de 5ème classe, et qu’il commet exactement la même contravention dans un délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, le maximum de la peine d’amende encoure peut être doublée à condition que ce soit expressément prévu par le texte réprimant l’infraction. Les contraventions de 5ème classe ayant un seuil d’amende d’au maximum 1500 euros, la nouvelle amende encourue est d’au maximum 3000 euros (article 132-11 du Code pénal).

Cependant, il est possible que la réitération d’une contravention soit alors constitutive d’un délit. C’est notamment le cas de la contravention sanctionnant le client d’une personne se livrant à la prostitution (article 611-1 du Code pénal) qui se transforme en délit lorsqu’il est commis en récidive (article 225-12-1 Code pénal). Dans un tel cas, le délai pour qu’il y ait récidive n’est plus seulement d’un an mais est élevé à 3 ans. Le délit prévoit alors sa propre peine (en matière de recours à la prostitution, le client risquera une amende de 3750 euros).

La réitération d’infraction.

Selon l’article 132-16-7 du Code pénal, il y a réitération d’infraction lorsqu’une personne commet, après avoir été condamnée pour un crime ou un délit, une nouvelle infraction, sans que les strictes conditions de la récidive légale ci-avant évoquées ne soient remplies. Les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente. En d’autres termes, la première infraction n’est officiellement pas prise en compte dans la répression de la seconde.

Cependant, l’auteur de la nouvelle infraction aura, sauf effacement, une trace de la première sur son casier judiciaire, qui pourra influencer la juridiction de jugement dans sa décision.

Présentation sommaire des cas de récidive légale

Première infraction Seconde infraction Délai Peine prononçable
Contravention de 5ème classe Contravention identique
+ prévu par la norme
1 an Doublée
Contravention de 5ème classe Contravention constitutive d’un délit en cas de réitération 3 ans Selon ce que prévoit la norme
Délit punissable de moins de 10 ans d’emprisonnement Délit identique ou assimilé 5 ans Doublée
Délit ou crime punissable d’au moins 10 ans d’emprisonnement Délit punissable d’un à 10 ans d’emprisonnement 5 ans Doublée
Délit ou crime punissable d’au moins 10 ans d’emprisonnement Délit punissable de 10 ans d’emprisonnement 10 ans Doublée
Délit ou crime punissable d’au moins 10 ans d’emprisonnement Crime punissable de 15 ans de réclusion criminelle Illimité 30 ans de réclusion criminelle
Délit ou crime punissable d’au moins 10 ans d’emprisonnement Crime punissable de 20 ou 30 ans de réclusion criminelle Illimité Perpétuité
Benoît Le Dévédec Doctorant à l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris (Université Paris-Panthéon-Assas) Juriste au CRIAVS IDF Membre du Comité d’éthique des Hôpitaux de Saint-Maurice