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Les conditions du contrôle de l’agent assermenté sur la location déclarées contraires à la Constitution. Par Pauline Darmigny, Avocat.
Parution : mardi 14 mai 2019
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Un propriétaire d’un bien immobilier qui souhaite exploiter son logement 4 mois par an pour y pratiquer de la location touristique pour des périodes de courte durée, n’a pas de démarches particulières à effectuer, hormis si le bien se trouve dans une commune supérieure à 200.000 habitants. Dans un tel cas, le propriétaire doit procéder à une déclaration de son activité auprès du maire de sa commune et solliciter un changement d’usage.

Si le bien affecté à la location touristique de courte durée, est la résidence secondaire du propriétaire, les choses se corsent, puisque le propriétaire doit non seulement déclarer cette activité et solliciter l’autorisation du maire, afin d’obtenir un changement de destination du bien. [1]

Si vous ne respectez pas la réglementation en vigueur, vous vous exposez à de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à une condamnation pécuniaire de 50.000 euros.

Lorsque la Mairie a un doute sur la pratique d’une location touristique de courte durée, qui ne respecterait pas les obligations légales, la Mairie va dans un premier temps enquêter en faisant par exemple des simulations de réservation de votre bien immobilier sur différentes plateformes de réservation telles que la plus célèbre, la plateforme « Airbnb ».

Par la suite, la Mairie va mandater un de ces agents assermentés, afin de procéder à un constat sur place, des conditions dans lesquelles est pratiquée l’activité de location touristique de courte durée.

Ce constat sur place permettra ou non de confirmer les soupçons d’illégalité de la location.

L’article L651-6 du Code de la construction et de l’habitation précise les pouvoirs qui sont confiés à cet agent de la Ville au moment où il est mandaté sur place pour faire ses constatations.

L’article de loi nous indique que cet agent est habilité à se rendre sur place, à visiter les locaux pour y faire les constats nécessaires venant corroborer ou non les soupçons de la Commune.

La visite est encadrée par des horaires définis : « La visite des locaux ne peut avoir lieu que de huit heures à dix-neuf heures ; l’occupant ou le gardien du local est tenu de laisser visiter sur présentation de l’ordre de mission ; la visite s’effectue en sa présence ».

L’alinéa 6 de l’article prévoit même que si le propriétaire est absent, l’agent assermenté peut se faire ouvrir la porte et visiter le local pour y faire ses constatations, hors la présence du propriétaire. « En cas de carence de la part de l’occupant ou du gardien du local, l’agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police. Les portes doivent être refermées dans les mêmes conditions ».

Considérant que les pouvoirs confiés à ces agents assermentés pouvaient être source de dérives et d’abus, deux propriétaires plaignants ont saisi la Cour de Cassation sur la question de savoir si le pouvoir confié à l’agent, de pouvoir accéder au logement, même en l’absence de l’occupant, ne constituait pas une atteinte au principe de l’inviolabilité du domicile.

En l’occurrence, les plaignants considéraient que le fait de pouvoir laisser ce tiers, pénétrer dans leur bien immobilier, sans qu’il n’y ait aucun contrôle judiciaire sur les opérations menées ni sur les pouvoirs effectivement exercés par cet agent, constituait une atteinte aux principes de protection de la liberté individuelle et d’inviolabilité du domicile tels que garantis par la Constitution française et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Dans un arrêt du 17 janvier 2019, la Cour de Cassation a considéré que la question posée par ces deux plaignants, présentait un caractère suffisamment sérieux « dès lors que ces dispositions légales reconnaissent aux agents assermentés du service municipal du logement, le pouvoir de pénétrer dans des lieux à usage d’habitation, en l’absence et sans l’accord de l’occupant du local, sans y avoir été préalablement autorisés par le juge judiciaire (…) qu’elles ne prévoient pas de voies de recours appropriées permettant de faire contrôler par un juge la régularité des opérations ». [2]

Dans ces conditions, la Cour de Cassation a renvoyé au Conseil Constitutionnel le soin de répondre à cette question prioritaire de constitutionnalité et d’en tirer toutes les conséquences.

Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision, le 5 avril 2019.

En substance, le Conseil Constitutionnel a considéré que le fait de prévoir dans la loi, que les agents du service municipal du logement, puissent procéder à une visite des lieux même en cas d’absence ou de refus de l’occupant, et sans y avoir été préalablement autorisé par le juge, le législateur a méconnu le principe d’inviolabilité du domicile.

Ainsi, le Conseil en a conclu que : « le sixième alinéa de l’article L651-6 doit être déclaré contraire à la Constitution ».

Quant à l’applicabilité et aux effets dans le temps de cette décision, le Conseil Constitutionnel a considéré qu’aucun motif ne justifiait de reporter dans le temps, la prise d’effet de cette décision, qui avait donc vocation à s’appliquer à compter de la publication de la présente décision, soit en l’espèce à compter du 6 avril 2019, à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. [3]

En conclusion, l’état actuel de l’article L651-6 quant aux pouvoirs confiés aux agents assermentés, a vocation à évoluer dans la mesure où les dispositions actuelles vont très certainement être abrogées.

Par conséquent, si vous avez été confronté, en tant que propriétaire d’un bien immobilier, à une visite d’un agent assermenté de la Ville, hors votre présence ou contre votre accord, sachez que vous êtes en mesure de pouvoir contester le constat dressé, dans la mesure où les conditions dans lesquelles ce constat a pu être dressé, sans votre accord, ont été déclarées contraires à la Constitution.

Maître Pauline DARMIGNY
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