Village de la Justice www.village-justice.com

La Legaltech n’est pas ce que vous croyez.
Parution : mardi 7 janvier 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/legaltech-est-pas-que-vous-croyez,31500.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

En préparation du 5ème Village de la Legaltech qui se tiendra à Paris les 19 et 20 novembre 2020 [1], le Village de la Justice parcourt les grands enjeux placés au coeur du sujet et du salon cette année.
Sujet abordé ici autour d’une question que l’on nous pose très souvent : la Legaltech est-elle mûre aujourd’hui ? [2]

"Est-il temps d’adopter les Legaltech ?" est un débat déjà devenu classique. Le grand salon de la Legaltech qui vous sera proposé dans sa 5ème édition en novembre est justement un lieu d’échange et d’analyse du marché, un lieu de découverte et de contacts évitant d’entrer dans les réponses caricaturales du type "Oui il faut passer à la legaltech sinon vous allez disparaître dans 5 ans" (ou son corollaire "de toute façon les professions du droit vont disparaitre et vous allez perdre votre job").

En réalité, la question de la maturité de la Legaltech est aussi celle des professionnels du droit.

Certes internet a grandement renouvelé les relations et les attentes des clients, mais au fond les constats que l’on fait aujourd’hui... datent d’hier, notamment :
Comment rendre le droit accessible (dans les multiples dimensions de ce terme : compréhension, accès à la justice, coût...) ?
Comment développer le recours au droit pour des raisons à la fois de marché, de sécurité juridique et d’égalité de chacun ?

La maturité des avocats, juristes, notaires... est aussi à interroger.

En ce sens la maturité des avocats, juristes, notaires, etc, est à interroger (et nos dossiers sur le bilan numérique des avocats à venir ou celui des notaires vont en ce sens). Mais chacun peut voir dans la trajectoire "hyper-rapide" de la Legaltech (le sujet n’est vraiment posé que depuis 4 à 5 ans en France) et parfois anxiogène, une seconde chance pour renouveler son métier et prendre le train du futur.
Encore faut-il ne pas attendre ce que l’on ne peut recevoir, car toutes les gares ne seront pas desservies !

Qu’en dit l’un des meilleurs connaisseurs de la transformation des métiers du droit, Olivier Chaduteau, fondateur du cabinet Day One ? La Legaltech est-elle mûre aujourd’hui ? L’offre et la demande de legaltech se rencontrent-elles ?

"C’est une vraie question ! Les legaltech évoluent rapidement sur ce nouveau marché en France, et il y a une difficulté pour aligner offre et demande " nous dit Olivier Chaduteau.
"Ce qui est intéressant pour un tel nouveau sujet et marché, quand vous regardez une offre, c’est la technologie, pas le service à un moment M.

Prenez l’automatisation de contrats : elle peut être utile dans de nombreux autres cas que ce que présentent certaines legaltech. Il faut réfléchir à ce que la techno fait et peut apporter, pas seulement à un usage immédiat et simplifié".
Comprenez : le marché n’est pas assez mûr pour que les acteurs économiques et leurs technologies soient stabilisés ; ils vont tous et tour à tour "pivoter" en jargon de startup, c’est-à-dire tester l’accueil des clients, tester les premiers cas d’usage, et affiner leur offre - tout en rencontrant les aléas d’une startup de notre époque dans les difficultés de recrutement de compétences ou de mobilisation de fonds.

"Mais comment" nous direz-vous, "ce n’est pas mon problème, il me faut un produit qui marche". Ah oui, "un truc sur l’étagère qui marche".

"En fait c’est impossible" répond Olivier Chaduteau, " la legaltech n’est justement pas "plug and play". Par exemple le "machine learning" s’appuie sur un apprentissage, il faut donc se donner du temps et de l’investissement.
Il y a donc un décalage entre l’attente et l’offre pour le moment. C’est plutôt un problème de mécompréhension des directions juridiques et avocats, qui veulent "zapper" l’apprentissage."

Autrement dit, si vous voulez que la technologie vous serve en renouvelant votre métier, renouvelez vos méthodes et organisations et soyez prêt à investir du temps, car il ne s’agit pas simplement de se former à une nouvelle fonction d’Excel...

"La vraie legaltech est une autre philosophie"...

"La vraie legaltech est une autre philosophie ; on n’est plus en solution symbolique mais connexionniste", c’est-à-dire que l’on s’appuie sur la modélisation de processus, comme ont pu par exemple le vivre des étudiants de l’EFB d’Issy-les-Moulineaux lors du "Lab 2019" en ayant à "modéliser en arbre" des processus de décision sur des sujets fiscaux (taxes, TVA) ou en droit de la concurrence. On apprend ici à comprendre des processus de droit et des relations.

Dans le cadre de leur formation, les étudiants de l’EFB ont travaillé en 2019 sur des processus de modélisation les amenant à réfléchir et à mieux comprendre l’automatisation et la Legaltech. Ici, extrait d’un arbre de décision proposé par une équipe d’étudiants pour imaginer le meilleur statut de société pour un créateur d’entreprise, et envisager un logiciel en ligne de "pré-décision".

Eytan Messika, professeur à l’ESCP et l’EDHEC, indique dans un article récent [3] que l’Intelligence Artificielle est une stratégie et non un simple outil. "On ne comprend pas grande chose à l’IA finalement. On ne comprend pas comment l’utiliser concrètement dans son entreprise. On ne comprend pas les prérequis, les budgets à allouer, les prestataires à contacter, les profils à recruter, les priorités à avoir, les technologies à utiliser ou encore les impacts à prévoir… (...) L’IA est un « enabler » de valeur tout comme l’électricité l’était pour l’ère industrielle. Il faut avant tout établir une stratégie globale en pensant l’IA non plus comme un unique outil opérationnel à déployer en mode projet mais comme une véritable révolution stratégique et culturelle."

Mais alors, comment choisir ses Legaltech ? En visitant le Village de la Legaltech chaque année, en faisant une veille sur l’observatoire des Legaltech du Village de la Justice (plus de 180 Legaltech en France, classées par fonctionnalités principales) et sur celui proposé par Day One qui sélectionne 600 Legaltech dans le monde. Cela a le mérite de faciliter la phase de recensement par des acheteurs, même s’il est difficile de connaitre les critères plus "cachés" des Legaltech : solidité de l’entreprise, maturité, réalité de la techno, potentiel...
"C’est une difficulté de suivre cela au quotidien" reconnait Olivier Chaduteau, "et vous devez tout voir en démo pour vous assurer des informations théoriques. Notre constat sur la version 2019 de notre annuaire, porteur d’espoirs, est que l’on voit de la vraie technologie maintenant, c’est-à-dire de la vraie intelligence artificielle, du machine learning et du NLP " (traitement automatique du langage naturel). "Les technos du 21ème siècle sont bien arrivées !"

Rédaction du village

[1Co-organisé par OpenLaw et Le Village de la Justice.

[2Entendons ici les technologies mais aussi les prestataires.