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Lignes THT : quelles indemnisations pour les riverains ? Par Chloé Schmidt-Sarels, Avocate.
Parution : jeudi 16 mai 2019
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La réalisation d’une ligne très haute tension (THT) suppose qu’elle ait été déclarée d’utilité publique et que soient fixées des servitudes d’utilité publique (SUP) pour l’implantation des pylônes et des lignes.

C’est le cas pour le projet de ligne THT Avelin-Gavrelle (Nord) qui a été déclaré d’utilité publique par arrêté du ministre de l’Environnement le 19 décembre 2016 et dont les travaux commencent à l’automne 2019.

En pratique, il arrive que ces SUP nécessaires à la réalisation de la ligne THT soient fixées sur une propriété ou à proximité d’habitations.

Dans ces conditions, les conséquences pour les riverains de la ligne s’avèrent particulièrement graves, de sorte que leur est ouvert un droit à indemnisation.

Si une indemnisation amiable est proposée par le gestionnaire de la ligne, en l’espèce l’entreprise Réseau de transport d’électricité (RTE), il est toujours loisible aux riverains affectés de ne pas céder à la proposition afin d’obtenir une indemnisation fixée par la justice.

La dualité juridictionnelle française imposera donc aux riverains qui souhaitent obtenir l’indemnisation de leurs préjudices du fait de la réalisation d’une ligne THT, de saisir le juge judiciaire d’une part (I) et le juge administratif d’autre part (II).

I/ Sur l’indemnisation devant le juge judiciaire.

L’entreprise RTE étant chargée de la réalisation et de l’exploitation de la ligne THT Avelin-Gavrelle, dont le tracé définitif est connu depuis le printemps 2019, elle devra se rapprocher des riverains touchés par la ligne afin de leur proposer une indemnisation de nature à réparer la gêne occasionnée par l’ouvrage public.

A défaut d’accord, la SUP reste toutefois opposable aux riverains de sorte qu’il reviendra au juge judiciaire de l’expropriation de fixer le montant des indemnités en application de l’article L. 323-7 du code de l’énergie.

L’indemnisation prononcée par le juge de l’expropriation ne pourra couvrir essentiellement que deux types de dommages  : les dommages permanents et les dommages instantanés.

Les dommages permanents sont ceux qui résultent de la seule présence de la ligne sur une propriété.

Les dommages instantanés sont ceux qui résultent des travaux en vue de la réalisation de la ligne.

Il faut ici garder à l’esprit que l’indemnisation n’est pas la conséquence d’une expropriation mais bien de la fixation d’une SUP grevant la propriété des riverains de la ligne THT.

II/ Sur l’indemnisation devant le juge administratif.

Dès lors qu’une action tend à engager la responsabilité de l’administration pour dommages de travaux publics, les riverains de la ligne pourront engager la responsabilité de l’administration en l’absence de toute faute de sa part, à condition qu’ils démontrent l’existence d’un préjudice anormal et spécial [1].

Le préjudice sera anormal en ce qu’il présentera un certain degré de gravité pour les riverains de la ligne et sera spécial et ce qu’il n’impacte que les riverains de la ligne.

En plus d’une indemnité liée à la fixation de SUP, les riverains de la ligne pourront donc parfois prétendre à une indemnisation devant le juge administratif afin d’obtenir réparation de leurs divers préjudices, notamment le préjudice visuel ou le préjudice sonore.

Il s’agira alors pour les riverains de demander réparation des préjudices causés par l’implantation de la ligne, lesdits préjudices revêtant le caractère de dommages de travaux publics.

Si RTE s’engage à proposer une indemnisation amiable, elle peut être refusée et une action devant le juge administratif peut être formée.

Chloé Schmidt-Sarels Avocate en droit public www.css-avocate.fr

[1CAA Lyon, 14 juin 2017, N° 15LY02171.