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Photovoltaïque : double sanction du prêteur. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : vendredi 17 mai 2019
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Par un jugement du 06 mai 2019, le Tribunal d’instance d’Avesnes sur Helpe a annulé un contrat de vente portant sur un kit photovoltaïque et le contrat de crédit qui lui était lié.
Le tribunal a condamné le vendeur à reprendre son matériel, condamné Cofidis à rembourser l’emprunteur, mais (de manière inédite) a refusé de condamner le vendeur à rembourser Cofidis du prêt ! Le prêteur se trouve ainsi doublement sanctionné.

I. Bref résumé des faits.

Le 23 mars 2017, France PAC Environnement convainc un particulier d’acquérir un kit photovoltaïque devant être raccordé au réseau Enedis, ainsi qu’un ballon thermodynamique, en lui assurant que l’installation permet de satisfaire la transition énergétique, lui permettra de produire sa propre énergie et de revendre le surplus à EDF.

L’opération, d’un montant de 24.500€, est financée au moyen d’un crédit conclu auprès de Cofidis, crédit qui devait être autofinancé.

S’apercevant que l’opération n’était pas rentable, l’acquéreur a assigné le vendeur et le prêteur en justice devant le Tribunal d’instance d’Avesnes sur Helpe, aux fins d’annuler la vente et le crédit.

Il a obtenu gain de cause.

II. Procédure.

Étonnamment, lors de l’audience, le Tribunal a constaté que la société France PAC Environnement était non comparante.

Quoi qu’il en soit, le Tribunal a annulé le contrat de vente en raison des multiples vices de forme l’affectant et le rendant nul ou non valable.

De fait, le Tribunal a prononcé la nullité du contrat de crédit.

III. Exonération de l’emprunteur de rembourser le crédit à Cofidis.

Le Tribunal a refusé de condamner l’emprunteur à rembourser le crédit à Cofidis, pour un double motif.

En premier lieu, il était du devoir de Cofidis de vérifier que le bon de commande étant valable avant de débloquer le crédit en faveur de France PAC Environnement.

Faute de ce faire, Cofidis doit être privée de son droit de réclamer le remboursement du crédit à l’emprunteur.

En second lieu, Cofidis a débloqué le crédit en s’appuyant sur un ordre de déblocage de fonds non écrit par l’emprunteur et parfaitement incohérent tant dans son contenu, que dans les délais. En effet, un délai de 27 jours seulement séparait la signature du contrat de crédit, de celle de la demande de paiement !

Or, il est notoire que le délai moyen d’une installation photovoltaïque, raccordée au réseau Enedis, est de 3 ou 4 mois !

Pour ces motifs, Cofidis a été sanctionnée, en se voyant priver de son droit à réclamer le remboursement du crédit à l’emprunteur.

Quant à France PAC Environnement, elle est condamnée à reprendre son matériel et remettre la toiture du consommateur en état.

IV. Rejet de la demande de Cofidis du remboursement du prêt débloqué en faveur du vendeur.

Cofidis demandait à ce que sa partenaire commerciale, la société France PAC Environnement, la rembourse de la somme de 24.500€.

Pour ce faire, Cofidis s’est appuyée sur une convention signée avec le vendeur et aux termes de laquelle il était stipulé une garantie à première demande à l’encontre de France PAC Environnement : « Le vendeur est responsable à l’égard de Cofidis de la bonne exécution des obligations mises à sa charge lors de l’accord de crédit et plus généralement au titre de la présente convention. Il assume les conséquences financières qui pourraient découler du non-respect de ses obligations par lui et par ses préposés et supportera toute perte pouvant en résulter pour les établissements de crédit, en capital, intérêts et frais. »

Autrement dit, selon Cofidis, cette clause contractuelle obligeait le vendeur à la rembourser des prêts qu’elle lui verse en cas de nullité des conventions.

Or, comme l’indique le tribunal : aucune convention signée entre Cofidis et le vendeur n’a été annulée.

Par conséquent, Cofidis ne peut récupérer la somme de de 24.500€ !

Le jugement peut paraître dur, car le vendeur est finalement payé pour un matériel qu’il récupère !

Autrement dit, il s’enrichit pour une prestation annulée.

Malgré tout, Cofidis ne peut s’en prendre qu’à elle-même, car il lui revenait soit de mieux formuler la clause dans la convention la liant avec le vendeur, soit, mieux encore, de demander l’annulation de cette convention...

Quoi qu’il en soit, on retiendra que la solution est heureuse pour le consommateur dupé, qui se voit réhabilité dans ses droits.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]
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