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Locations Airbnb : le cas de la substitution de la ville de Paris au Ministère Public en cause d’appel. Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : lundi 20 mai 2019
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La loi du 18 novembre 2016, qui ne comporte pas de dispositions transitoires s’agissant de son article 59, pose de délicates questions d’application de la loi dans le temps, que la jurisprudence a déjà résolues en partie.

Mais la question de savoir si le maire de la Commune a qualité à agir et à intervenir à l’instance en cours, devant la Cour d’Appel, à la date de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle n’a pas été directement réglée par cette décision.

La troisième chambre Civile, dans sa décision du 16 mai 2019, pourvoi n°17-24.474 vient de répondre positivement.

En l’espèce, la Cour de Cassation a pu décider que les dispositions de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu’elles confèrent qualité au maire de la commune ou à l’agence nationale de l’habitat pour saisir le Président du tribunal de Grande Instance de PARIS en cas de violation des règles sur le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation, revêtent le caractère d’une loi de procédure et sont, à ce titre, d’application immédiate aux instances en cours.

On notera donc que pour toutes les procédures introduites devant le Tribunal de Grande Instance de Paris par le parquet en 2015, antérieurement à la loi nouvelle de 2016, la substitution de la Ville de Paris au Ministère Public, en cause d’appel est recevable, la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 étant d’application immédiate aux instances en cours.

Cet arrêt peut être commenté en deux temps ce qui est toujours un plaisir pour un juriste.

I- En appel

1- La loi du 18 novembre 2016, qui ne comporte pas de dispositions transitoires s’agissant de son article 59, pose de délicates questions d’application de la loi dans le temps, que la jurisprudence a déjà résolues en partie.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 dite de modernisation de la justice du XXIème siècle, a modifié l’article L 651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation, afin de donner compétence aux maires ou à l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) pour engager les procédures et substituer à l’amende de 25.000 euros pouvant être prononcée par local indûment transformé une amende civile de 50.000 euros.

Alors que l’amende de 25.000 euros qui était encourue depuis la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 en cas d’infraction à l’article L631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation, était prononcée à la requête du Ministère Public par le Président du Tribunal de Grande Instance du lieu de l’immeuble, statuant en référé qui ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation dans le délai qu’il fixe, l’amende civile de 50.000 euros par local irrégulièrement transformé, prévu à l’article L 651-2, dans sa rédaction issue de l’article 59 de la loi du 18 novembre 2016, est prononcée par le Président du Tribunal de Grande Instance , statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’ANAH et sur les conclusions du Procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure.

En transférant au maire de la Commune ou à l’AHAH la qualité pour saisir le Président du Tribunal de Grande Instance, en augmentant le montant de l’amende encourue et en substituant à la procédure de référé la procédure en la forme des référés, la loi du 18 novembre 2016, qui ne comporte pas de dispositions transitoires s’agissant de son article 59, pose de délicates questions d’application de la loi dans le temps, que la jurisprudence a déjà résolues en partie.

En effet, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, la troisième chambre Civile a énoncé, dans sa décision du 5 juillet 2018, pourvoi n°18-40.014, que les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L 651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, ne sont pas applicables au litige, les dispositions de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 étant d’application immédiate en ce qu’elles attribuent compétence au Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés.

La position jurisprudentielle, ne surprendra personne.

Mais la question de savoir si le maire de la Commune a qualité à agir et à intervenir à l’instance en cours devant la Cour d’Appel à la date de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle n’a pas été directement réglée par cette décision.

On signalera, pour terminer, qu’en principe, les lois et les décrets nouveaux relatifs à la procédure sont immédiatement applicables aux instances en cours, de sorte qu’ils régissent immédiatement les actes postérieurs à leur entrée en vigueur.

En revanche, ils n’ont pas pour conséquence, de priver de leurs effets les actes qui ont été régulièrement accomplis sous l’empire du texte ancien.

2- C’est à l’aune de ces principes et de la jurisprudence que la Cour d’appel de Paris a jugé que le maire de la Commune a qualité à agir et à intervenir à l’instance en cours devant la Cour d’Appel à la date de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

L’arrêt retient, au visa de l’article 59 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle qui a modifié l’article L 651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation, ensemble l’article 329 du Code de Procédure Civile que la loi nouvelle est applicable à l’instance en cours devant la Cour d’Appel.

En conséquence, la Ville de Paris a qualité à agir et à intervenir à l’instance en cours devant la Cour d’Appel à la date de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

Il nous semble discutable de poser en principe que la loi nouvelle est applicable à l’instance en cours, sans rechercher si, en l’espèce, la Ville de Paris avait qualité, eu égard à l’objet défini par ses statuts, pour agir et à intervenir, en application de la de loi n° n°2016-1547 du 18 novembre 2016 dans une procédure qui, d’après les énonciations de l’arrêt, visait une infraction entrant dans les prévisions de loi n°2014-366 du 24 mars 2014.

II- Le Pourvoi a été rejeté.

Le pourvoi était fondé, sur le moyen unique de cassation faisant grief à l’arrêt de déclarer irrecevable l’appel du parquet et de recevoir la ville de Paris en son intervention volontaire pour condamner les propriétaires à payer une amende 15.000 euros.

Le moyen pose une question qui dans l’ordre logique, porte sur l’application dans le temps de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version issue de la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 (troisième branche) ;

La troisième branche, prise d’une violation de l’article. L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, fait grief à la cour d’appel d’avoir permis la substitution de la ville de Paris au parquet, alors que la modification de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation résultant de la loi no 2016-1547 du 18 novembre2016, confiant au maire de la commune le soin de saisir le tribunal de grande instance, ne peut s’appliquer qu’aux procédures ouvertes après son entrée en vigueur.

En l’espèce, la Cour de Cassation a pu décider que les dispositions de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu’elles confèrent qualité au maire de la commune ou à l’agence nationale de l’habitat pour saisir le Président du tribunal de Grande Instance de Paris en cas de violation des règles sur le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation, revêtent le caractère d’une loi de procédure et sont, à ce titre, d’application immédiate aux instances en cours.

On notera donc que pour toutes les procédures introduites devant le Tribunal de Grande Instance de Paris par le parquet en 2015, antérieurement à la loi nouvelle de 2016, la substitution de la Ville de Paris au ministère public, en cause d’appel est recevable, la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 étant d’application immédiate aux instances en cours.

Textes applicables :
la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIème siècle a modifié l’article L 651-2 afin de donner compétence au maire ou à l’ANAH pour engager les procédures et de substituer à l’amende de 25.000 € pouvant être prononcée à l’encontre des contrevenants une amende civile de 50.000 € par local indûment transformé.
Voir par exemple : 3ème Chambre Civile 5 juillet 2018, pourvoi n°18-40.014 à propos des dispositions de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 étant d’application immédiate en ce qu’elles attribuent compétence au président du Tribunal de Grande Instance, statuant en la forme des référés ; par exemple : Com 19 mai 1992, pourvoi n°89-20.529, Bull 1992,IV,n°195 à propos des lois de procédure relatives à l’existence ou aux conditions de l’action en justice, et notamment à celles qui concernent la capacité ou la qualité à agir.

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/