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Location Airbnb : l’intervention volontaire de la Ville de Paris en cause d’appel est-elle recevable lorsque l’appel initial du Parquet est tardif ? Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : mercredi 22 mai 2019
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L’intervention volontaire de la Ville de Paris en cas d’appel principal irrecevable du Ministère Public, pose de délicates questions de la recevabilité de l’intervention volontaire, que la jurisprudence a déjà résolues en partie.

Mais la question de savoir si l’autonomie dont jouit l’intervention principale de la Ville de Paris la rend recevable même lorsque l’appel initial est irrecevable comme tardif n’a pas été directement réglée par la jurisprudence.

La troisième chambre Civile, dans sa décision du 16 mai 2019, pourvoi n°17-24.474 vient de répondre positivement.

En l’espèce, la Cour de Cassation a pu décider que la Cour d’Appel a retenu à bon droit que, lorsque l’intervenant se prévaut d’un droit propre, le sort de son intervention n’est pas lié à celui de l’action principale et relevé que l’intervention volontaire de la ville de Paris était une intervention principale puisqu’elle agissait pour son propre compte et non pas pour soutenir la prétention du ministère public, la Cour d’Appel de Paris a exactement déduit, de ces seuls motifs, que l’irrecevabilité de l’appel du procureur de la République est sans incidence sur la recevabilité de l’intervention principale de la Ville de Paris.

On notera donc que l’autonomie dont jouit l’intervention principale de la Ville de Paris, en cause d’appel, la rend recevable même lorsque l’appel initial du parquet est irrecevable comme tardif.

Cet arrêt peut être commenté en deux temps ce qui est toujours un plaisir pour un juriste.

I- En appel

1- L’intervention volontaire de la Ville de Paris en cas d’appel principal irrecevable du Ministère Public, pose de délicates questions de la recevabilité de l’intervention volontaire, que la jurisprudence a déjà résolues en partie

La Cour d’appel de Paris a jugé que l’intervention volontaire de la Ville de Paris à l’instance en cours à la date de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle devant la Cour d’Appel est une intervention principale la rend recevable même lorsque l’appel initial est irrecevable comme tardif.

En retenant que le sort de l’intervention volontaire n’est pas lié à celui de l’action principale, lorsque l’intervenant principal se prévaut d’un droit propre qu’il est seul habilité à exercer et que, dés lors, elle n’est pas subordonnée à la recevabilité de l’appel du Procureur de la République demeure sans incidence sur la recevabilité de l’intervention principale de la Ville de Paris [Cour d’Appel de Paris, 30 juin 2017, Pôle 1 Chambre 8, RG n° ), l’intervention volontaire de la Ville de Paris en cas d’appel principal irrecevable du Ministère Public, pose de délicates questions de la recevabilité de l’intervention volontaire, que la jurisprudence a déjà résolues en partie.

En effet, l’intervention volontaire est celle par laquelle un tiers prend lui-même l’initiative de s’associer à une instance pendante. Elle est recevable tant en première instance qu’en appel, en tout état de cause, même après l’ordonnance de clôture dans les procédures écrites, en application des articles 783 et 907 du Code de Procédure Civile.

Le code de Procédure Civile distingue entre l’intervention principale qui élève une prétention au profit de celui qui la forme, en application de l’article 329 du Code de Procédure Civile et l’intervention accessoire qui appuie les prétentions d’une partie, en application de l’article 330 du Code de Procédure Civile.

L’intervention principale confère à son auteur la qualité de demandeur relativement à la prétention qu’il élève, sans qu’il soit subordonné à l’une des parties déjà dans la procédure. Dans la mesure où l’intervenant exerce un droit qui lui est propre, sa demande est regardée comme autonome et son sort n’est donc pas lié à celui de l’action principale.

La position jurisprudentielle, ne surprendra personne.

En effet, a-t-il été jugé que l’intervention principale n’est affectée ni par le désistement de la demande initiale, ni par la nullité de l’acte introductif d’instance, ni par l’irrecevabilité de la demande initiale ou de l’appel résultant du défaut d’intérêt à agir du demandeur, du défaut de la qualité à agir.
Mais la question de savoir si l’autonomie dont jouit l’intervention principale de la Ville de PARIS la rend recevable même lorsque l’appel initial est irrecevable comme tardif n’a pas été directement réglée par la jurisprudence.

2 - C’est à l’aune de ces principes et de la jurisprudence que la Cour d’Appel a récemment jugé que l’irrecevabilité de l’appel du Procureur de la République demeure sans incidence sur la recevabilité de l’intervention principale de la Ville de Paris.

L’arrêt retient, au visa de l’article 59 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle qui a modifié l’article L 651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation, ensemble l’article 329 du Code de Procédure Civile que l’intervention de la Ville de Paris est une intervention principale, se prévaut d’un droit propre qu’elle était seule habilitée à exercer, dont le sort n’est pas subordonné à la recevabilité de l’appel principal.

En conséquence, l’irrecevabilité de l’appel du ministère public demeure t-elle sans incidence sur la recevabilité de l’intervention principale de la Ville de Paris qui est recevable en son intervention volontaire.

Il nous semble discutable de poser en principe que l’autonomie dont jouit l’intervention principale de la Ville de Paris la rend recevable lorsque l’appel initial est irrecevable.

En effet, dés lors qu’un appel principal est irrecevable comme tardif, l’appel incident de l’intimé doit être déclaré irrecevable, par application des dispositions de l’article 550 du Code de Procédure Civile. Il faut reconnaitre que l’article 550 du Code de Procédure Civile ne règle expressément que le cas de l’appel incident.

Faut-il en déduire que la Cour d’Appel a étendu les conséquences de ces dispositions aux demandes reconventionnelles et additionnelles en accueillant la demande additionnelle en paiement d’une amende civile de 25.000 euros ainsi qu‘une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile alors qu’elle déclarait irrecevable l’appel principal ?

L’explication paraîtra peut-être un peu artificielle, s’agissant de l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, car une demande fondée sur ces dispositions ne sont pas de la nature des demandes définies par les articles 63 et 70 du Code de Procédure Civile.

La solution offre une souplesse, mais semble résulter sur ce point d’une analyse inexacte des textes.

II- Le Pourvoi a été rejeté.

Le pourvoi était fondé, sur le moyen unique de cassation faisant grief à l’arrêt de déclarer irrecevable l’appel du parquet et de recevoir la ville de Paris en son intervention volontaire pour condamner les propriétaires à payer une amende 15.000 euros.

Le moyen pose deux questions qui dans l’ordre logique, portent sur la modification de l’objet du litige en retenant qu’aucune fin de non-recevoir n’a été soulevée (deuxième branche) et la recevabilité de l’intervention volontaire en cas d’irrecevabilité de l’appel (première branche).

La première branche, prise d’une violation des articles 329, 490, 528 et 550 du code de procédure civile, soutient qu’est irrecevable en intervention volontaire un appel dans le cadre d’un appel principal irrecevable comme tardif, de sorte que, l’appel du parquet étant irrecevable comme tardif, aucune intervention volontaire ne pouvait être reçue.

La deuxième branche, prise d’une violation de l’article 4 du code de procédure civile, reproche à la cour d’appel d’avoir méconnu le cadre du litige dès lors que le moyen tiré du lien entre la tardiveté de l’appel principal et l’irrecevabilité de l’intervention était dans la cause.

En l’espèce, la Cour de Cassation a pu décider que la Cour d’Appel a retenu à bon droit que, lorsque l’intervenant se prévaut d’un droit propre, le sort de son intervention n’est pas lié à celui de l’action principale et relevé que l’intervention volontaire de la ville de PARIS était une intervention principale puisqu’elle agissait pour son propre compte et non pas pour soutenir la prétention du ministère public, la Cour d’Appel de Paris a exactement déduit, de ces seuls motifs, que l’irrecevabilité de l’appel du procureur de la République est sans incidence sur la recevabilité de l’intervention principale de la Ville de Paris.

On notera donc que l’autonomie dont jouit l’intervention principale de la Ville de PARIS, en cause d’appel, la rend recevable même lorsque l’appel initial du parquet est irrecevable comme tardif.

Textes applicables :
l’article 783 et 907 du Code de Procédure Civile à propos de l’intervention volontaire et l’article 329 et 330 du Code de Procédure Civile à propos de la distinction entre l’intervention principale et l’intervention accessoire ;
par exemple : Com 21 octobre 1975, pourvoi n°74-11.667, Bull 1975,IV,n°237 à propos de l’intervention principale qui n’est pas affectée par le désistement de la demande initiale ; ni par la nullité de l’acte introductif d’instance (2ème Civ.13 juillet 2006, pourvoi n°05-16.579, Bull 2006, II n°213).

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/