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La répartition des travaux entre le nu-propriétaire et l’usufruitier. Par Aude du Parc, Avocat.
Parution : jeudi 30 mai 2019
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Le démembrement de propriété connaît un abondant contentieux, lorsqu’il s’agit particulièrement de déterminer lequel de l’usufruitier ou du nu-propriétaire est en charge des travaux à réaliser sur le bien concerné.
Les obligations incombant à chacun des propriétaires sont réparties par le Code civil en fonction de la nature des travaux, répartition dont les contours sont précisés par la jurisprudence.

I- Les conditions de jouissance de l’usufruit.

Aux termes de l’article 578 du Code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais a la charge d’en conserver la substance.

L’article 600 du Code civil prévoit que l’usufruitier prend les choses dans l’état où elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l’usufruit.

Il a toutefois été jugé que le défaut d’inventaire par l’usufruitier avant son entrée en jouissance ne saurait être considéré comme une cause nécessaire de déchéance dudit usufruit [1].

L’inventaire permet seulement au nu-propriétaire de prouver par tous moyens la consistance des biens soumis à usufruit [2].

II- La répartition des travaux entre usufruitier et nu-propriétaire.

L’article 605 du Code civil dispose que l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu.

Il ressort des dispositions de l’article 606 du Code civil que « les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.
Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.
Toutes les autres réparations sont d’entretien.
 »

Si l’appréciation du caractère des réparations est une question de fait abandonnée à l’appréciation des tribunaux [3], les travaux à la charge du nu-propriétaire et énumérés à l’article 606 du Code civil sont quant à eux limitatifs [4].
La reconstitution d’un vignoble ravagé par le phylloxéra est une grosse réparation [5].

La réfection de zingueries affectant une partie importante de l’immeuble et nécessitant une dépense exceptionnelle est également une grosse réparation [6], tout comme la réfection des souches de cheminée [7].

En revanche, le recrépissement ou le ravalement d’un immeuble est une réparation d’entretien qui reste à la charge de l’usufruitier [8], ou le remplacement de la climatisation d’un immeuble [9].

L’usufruitier doit entretenir l’immeuble de telle sorte qu’il puisse le restituer à la fin de l’usufruit dans l’état dans lequel il se trouvait à l’ouverture de l’usufruit [10].

Le nu-propriétaire dispose de la faculté de contraindre l’usufruitier d’exécuter les réparations d’entretien lui incombant. Tel n’est pas le cas de l’usufruitier qui ne peut obliger le nu-propriétaire à réaliser les travaux visés à l’article 606 du Code civil durant l’usufruit, sauf clause particulière expresse [11].

L’usufruitier pourrait néanmoins exécuter les obligations qui incombaient au nu-propriétaire, à charge pour lui de demander le remboursement des fonds engagés ainsi que le paiement des sommes correspondant à la plus-value apportée au bien du fait de ses travaux [12].

Enfin, ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit [13].

Aude du Parc, Avocat AARPI BESSARD du PARC [->aduparc@avoparc.com] [->http://avoparc.com]

[1Req. 17 juill. 1861 : DP 1861. 1. 480.

[2Paris, 15 sept. 1993 : D. 1994. Somm. 162, obs. A. Robert.

[3Civ. 2e, 7 déc. 1961 : Bull. Civ. II, n°842.

[4Cass. com, 12 juin 2012, n°11-11.424.

[5Civ. 17 juillet 1911 : DP 1911. 1. 457.

[6Civ. 1ere, 2 fev. 1955 : Bull. civ. I, n°55.

[7Vic. 1ere, 15 mars 1961 : Bull. civ. I, n°166.

[8Civ. 1ere, 21 mars 1962 : JCP 1963. II. 13272, note H. G.

[9Civ. 3eme, 10 février 1999 : JCP N 1999. 501.

[10Aix en Provence, 24 juin 1982 : RDI 1983. 323, note Bergel.

[11Req. 10 déc. 1900 ; Civ. 3e, 30 janv. 1970 ; 18 déc. 2013.

[12Civ. 1e, 18 décembre 2013, n° 12-18.537.

[13Article 607 du Code civil.

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